Grèce : Tsipras passera-t-il des mots aux actes ?

par Laurent Herblay
jeudi 19 mars 2015

En Grèce, la situation se tend à nouveau, verbalement au moins, entre le ministre grec qui menace de saisir les avoirs allemands et l’Allemagne, vent debout contre Athènes. Ce sera la priorité du sommet européen qui se tient à partir d’aujourd’hui. Mais jusqu’à présent, Tsipras parle beaucoup, mais agit peu.

Athènes aboie, la troïka passe
 
L’élection de Syriza fin janvier a suscité un grand espoir  : la fin de la tutelle humiliante de la troïka, la fin de cette austérité inhumaine qui a plongé le pays dans une situation sociale et sanitaire honteuse. Et pendant la campagne et depuis qu’il a été élu, Alexis Tsipras et son équipe tiennent un discours dur. Il y a une semaine, le ministre grec de la Justice a menacé de faire une « saisie des avoirs allemands en compensation des dédommagements de la guerre par les nazis ». En 2014, le montant des réparations avait été estimé à 162 milliards d’euros ! Et la situation reste tendue en Allemagne, où la presse populaire est encore plus dure contre Athènes que Wolfgang Schaüble, le ministre des finances.
 
La situation s’est tendue cette semaine avant le démarrage d’un nouveau sommet européen. Le Monde fait d’Alexis Tsipras le méchant qui ferait l’unanimité contre lui, appuyant un « discours de fermeté  ». Mais il faut absolument lire le très bon papier de Romaric Godin dans la Tribune, qui dit que, pour la télévision anglaise, « la Commission aurait exigé d’Athènes de stopper l’adoption du projet de loi sur la crise humanitaire  », alors que ce volet faisait partie de l’accord de février sur les réformes qu’Athènes devait mener en contre-partie du maintien du soutien financier. Cela semble d’autant plus effarant qu’Alexis Tsipras a déjà beaucoup cédé, renonçant à la restructuration de la dette et au départ de la troïka.
 
Tsipras dans une impasse
 
Au final, le refus de la rupture avec cette Union Européenne, qui n’écoute pas les souffrances et le message du peuple grec, semble pousser Alexis Tsipras à céder petit à petit face aux institutions qu’il a violemment dénoncées pendant la campagne électorale. S’il n’envisage pas un plan B au maintien dans la zone euro et dans l’Union Européenne, alors, dans le poker menteur des négociations avec la troïka, Syriza n’a pas le moindre atout. Voilà sans doute ce que Jacques Sapir a expliqué lors d’une conférence donnée à Athènes et organisée par The Economist. En outre, cette position n’est pas seulement utile à la négociation, c’est, comme je le soutiens depuis fin 2009, la solution pour la Grèce.
 
Du coup, la contestation commence à gronder en Grèce, malgré la popularité du gouvernement. La gauche de Syriza, et une partie de la droite, critiquent les reculs du gouvernement. Les plus optimistes pensent que Tsipras a a seulement gagné du temps, jusqu’en juin, pour parer à toute éventualité, et qu’il défendra alors l’intégralité de son programme. Mais plus le temps passe, plus il semble surtout qu’il se renie et qu’il trahit le peuple grec qui lui avait fait confiance. Bien sûr, alors qu’il est au pouvoir depuis moins de deux mois, il est encore beaucoup trop tôt pour le juger définitivement. Il faut espérer qu’il optera pour la solution imaginée par Jacques Sapir dans son dernier papier : l’état d’exception.
 

Le conseil européen qui démarre aujourd’hui nous donnera des éléments de réponse. Si la Grèce continuait à accepter les oukases européens sans véritable contre-partie, cela montrerait que cette Europe compte plus pour Syriza que le peuple grec. Mais que se passerait-il après ?


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