Guerre d’Algérie : Des appelés témoignent

par Jean J. MOUROT
vendredi 21 octobre 2011

La commémoration des ratonnades du 17 octobre 196, avant celle des accords d'Evian et de la fusillade de la rue d'Isly de mars 1962 ont suscité et vont susciter de nouvelles polémiques sur la guerre d'Algérie. A cette occasion, il n'est pas inutile de lire et relire les témoignages des anciens soldats du Contingent jetés contre leur gré dans ce conflit

Contrairement à ce qu'on a écrit, les "appelés" ont en assez grand nombre témoigné de leurs expériences diverses dans ce conflit qui devait aboutir à l'indépendance de l'Algérie livrée au FLN. Sans entrer dans les polémiques concernant les responsabilités des uns et autres dans le déroulement de cette guerre civile et dans sa conclusion, je voudrais signaler quelques modestes témoignages publiés hors des grandes maisons d'édition et qui n'en manquent pas pour autant de pertinence et d'intérêt.

Car cette guerre qui ne voulait pas dire son nom n'a pas concerné que la population algérienne, de souche européenne ou arabo-berbère et les militaires de carrière, souvent revenus amers d'Indochine. Elle a jeté dans la mêlée toute une génération de jeunes gens, plus ou (souvent) moins bien armés idéologiquement, pour un séjour sur place qui a souvent dépassé deux ans.

On ne peut pas se contenter des rares témoignages partiels (et partiaux) recueillis par Patrick Rotman et Bertrand Tavernier (La guerre sans nom- Points Seuil-7€). Pas même de l'intéressant petit opuscule didactique abondamment illustré de Benjamin Stora (Appelés en guerre d'Algérie - découvertes Gallimard -13,20€). Aucun de ceux-là n'a vécu la situation de leurs témoins. Ce n'est pas le cas de Jean-Pierre Vittori qui partagea le sort de ses témoins en Algérie en 1961 et dont le livre "Nous les appelés d'Algérie" (Stock-1977) a été réédité en 2007 par Ramsay (Poche-document - 8,90€). Les témoignages recueillis n'émanent toutefois que d'un petit échantillon des deux millions et demi de jeunes du Contingent qui ont traversé la Méditerranée sous l'uniforme pour "maintenir l'ordre" comme on disait en ce temps-là.

En complément, je voudrais signaler quelques témoignages qui ont échappé à la critique et à la notoriété mais qui n'en manquent pas pour autant d'intérêt, ne serait-ce que pour faire comprendre la diversité des situations.

Sur la période 1955-57 : "Mon service militaire pendant la guerre d'Algérie" de Michel Bousignère (Publibook-16€). Un simple soldat en guerre ouverte dans les Aurès-Nementcha.

Pour 1957-59 :

-"On n'efface pas la vérité" d'Albert Nallet (Aléas- illustré-16€). Un paysan communiste soldat de base en Grande Kabylie quadrillée par l'Armée alternant répression aveugle et propagande pacificatrice.

-"La pacification, c'était la guerre" de Jean J. Mourot (Books on Demand - illustré - 25,90€) L'itinéraire d'un jeune instituteur depuis ses "classes" dans un camp de l'Oranais jusqu'à la frontière marocaine où, comme sous-lieutenant, il eut la responsabilité d'un village de regroupement proche de Marnia, avant d'être relégué dans un fort du barrage frontalier, en passant par l'école d'officiers de Cherchell et un séjour en Allemagne dans les troupes de l'OTAN. 

Pour 1959-61 : "Mémoires d'un appelé en Algérie" de Pierre Brana (Ed. Sud-ouest-illustré-15€) Le témoignage d'un ancien député socialiste, soldat spécialiste radio puis enseignant dans le Constantinois.

Pour 1959-1962 : "Térébinthes, SP 87009" de Serge Cattet (auto édité- illustré - 20€). Un sous-lieutenant en poste dans un village de l'ouest oranais avant de devenir officier de renseignement dans le même secteur (Marnia).

Pour 1961-1962 :

"Putain de guerre !" de Roland Chatard (Lucien Souny-18€) Les derniers jours de la guerre et le désengagement, vus par un sous-lieutenant en Kabylie.

-"Plongé dans les ténébres" de Bernard Mercier (l'atelier / ed. ouvrières- 13 €). Un témoignage assorti d'une méditation d'un séminariste radio dans le sud-oranais, qui vécut enfin les heures difficiles de l'après cessez-le-feu dans Oran agitée par l'OAS. 

La multiplicité et la variété des témoignages justifie cette remarque préliminaire de Serge Cattet : "Les "ratonnades", les exécutions sommaires, la torture ont malheureusement été une réalité de l'action dite de..."Pacification"(...) Mais il me parait malhonnête de n'évoquer que ces comportements. La grande majorité des hommes, des jeunes appelés(...) y ont échappé. On ne peut rien leur reprocher. (...) D'autant que, au cours des huit longues années de ce conflit,des attitudes plus attentives au respect de l'homme et de ses droits n'ont pas manqué."

Ceux qui ont connu cette expérience sont aujourd'hui de vieux messieurs que viennent parfois hanter d'atroces souvenirs. La plupart se souviennent seulement de moments plus ou moins difficile dans l'attente de la "quille" qu'ils ont vécu simplement et souvent durement sans avoir à faire aujourd'hui repentance pour des actes qu'ils n'ont pas commis. La France en tant que telle a reconnu les excès, voire les crimes, de son armée de "pacification". Il reste à l'Algérie de revisiter son histoire et de regretter à son tour les excès du FLN et les crimes commis en son nom.

 

PS/ Tous ces livres sont disponibles dans le commerce en ligne. On peut notamment les trouver sur Amazon.fr sauf celui de S.Cattet, disponible seulement à son adresse (38 chemin du périmètre, 74940 Annecy-le-Vieux). Il est également l'auteur de "La tourmente-1830-1964" (Ed. LBM)

 

On peut également lire : 

-"Appelés en Algérie : La parole confisquée" de Claire Mauss-Copeaux (Hachette-Pluriel - 7,60€)

-"Soldats en Algérie, 1954-1962. Expériences contrastées des hommes du contingent" de Jean-Charles Jauffret (Autrement - 22,95€)

Un peloton de char en 1959 à la frontière marocaine

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