Guerre du Congo : les Congolais doivent-ils se battre ?

par MUSAVULI
jeudi 22 novembre 2012

La guerre qui fait rage dans l’Est de la République Démocratique du Congo est, sur le fond, l’expression du désaveu du régime rwandais de Paul Kagamé vis-à-vis des dirigeants congolais. Ces derniers, qui doivent leur accession au pouvoir aux armées rwandaises et ougandaises qui les avaient menés jusqu’à Kinshasa, derrière des « rebellions congolaises » de paille (AFDL, RCD, MLC), sont désormais considérés à Kigali comme des fusées ayant dévié de leur trajectoire. N’étant plus en situation de se conformer aux prescriptions des agendas cachés qui leur avaient été assignés, les autorités congolaises sont devenues, à l’instar des fusées hors contrôle, des cibles à détruire.

En effet, pour rappel, les principaux « décideurs » politiques du Congo sont parvenus au pouvoir suivant le même schéma que celui aujourd’hui emprunté par le M23. A savoir, un passage par Kigali et Kampala, la création d’un mouvement rebelle « congolais », de paille, la fourniture de troupes combattantes par Kampala et Kigali, le déclenchement de la guerre et l’arrivée à Kinshasa, soit les armes à la main (cas de l’AFDL de Laurent Kabila), soit à l’issue de négociations (cas du RCD d’Azarias Ruberwa/Rwanda ou du MLC de Jean-Pierre Bemba/Ouganda). La suite relève des accords cachés et le peuple congolais n’est au courant de rien. Tout ce qu’on constate, c’est que les richesses du Congo sont pillées, les Congolais sont ruinés et réduits à la misère pendant que le Rwanda et l’Ouganda prospèrent économiquement comme en attestent tous les chiffres des institutions internationales.

Le peuple congolais aurait donc dû se méfier dès le départ de ces « dirigeants » imposés de l’extérieur parce que ceux qui font les rois prennent systématiquement la précaution d’élaborer un plan pour déchoir les mêmes rois qu’ils auront institués. La croyance à la « souveraineté du Pays de Lumumba, soulignons-le, au passage, relève d’une naïveté affligeante.

Le régime de Joseph Kabila est ainsi sur la voie de sortie, du fait de la déchéance dont il fait l’objet aux yeux de Kampala et Kigali. Les Congolais, eux, de toute évidence, devraient rester indifférents tellement ils ne sont pas concernés. Depuis maintenant une décennie, ils répètent à qui veut les entendre que Joseph Kabila n’a jamais été une « émanation » du peuple congolais et de sa société. Que donc, il n’y a pas plus illégitime qu’un régime comme celui-là. Mais personne ne les entend. Même à Bruxelles, dans notre « démocratique » ancienne métropole, capitale de l’Europe, Kabila se fait présenter comme un « congolais » formidable et on s’empresse pour lui dérouler le tapis rouge. On a même passé l’éponge sur son sanglant hold-up électoral de novembre 2011.

Les Congolais savent pourquoi nos amis « les Blancs » descendent aussi bas devant un « chef » africain. C’est indigne de la Belgique, mais on ne va pas lui tenir rigueur. En France, un certain Omar Bongo s’est fait encenser pendant des années. Passons. A Kinshasa, l’ignorance et l’opportunisme politique amènent nombreux à aduler le « patriote Kabila ».

Avec la guerre du M23, au moins, les langues se délient et les derniers masques tombent. Les Congolais ont l’occasion de voir ce qu’ils ne voient pas ou s’arrangent pour ne pas voir. Le pays est sous le dictat de Kigali et le Rwanda a décidé de mettre Joseph Kabila sur la voie de la sortie.

Cette guerre est donc, sur le fond, une affaire entre Paul Kagamé mécontent, Joseph Kabila désavoué et Yoweri Museveni (Ouganda) en chef d’orchestre, avec les multinationales tapies dans l’ombre. Les Congolais, a priori, n’ont rien à voir là-dedans et ne devraient pas lier leur sort à celui du régime de Joseph Kabila.

Ce régime a ruiné le Congo et plongé les Congolais dans une misère noire. Le Congo est en effet tout dernier au classement mondial de la pauvreté[1] alors qu’il dispose d’immenses richesses minières[2]. La corruption bat son plein à chaque coin de rue. Le Congo est 168ème sur 182 pays au classement mondial de Transparency International en matière de corruption[3]. Les services publics sont dégradés ou inexistants, l’armée est dans un état lamentable et les droits élémentaires de la population sont bafoués partout (viols, massacres, racket, brutalités au quotidien, humiliations publiques,…). Un peuple ne se bat pas pour un régime comme celui-là, et s’il devrait s’effondrer, il y a de quoi exulter « bon débarras ! »

Sauf que le scenario de la déchéance du régime de Kinshasa n’est absolument pas acceptable pour le peuple congolais. Le recours à la guerre par le Rwanda et l’Ouganda cause des morts congolais de trop à chaque coup de feu. Des Congolais (civils et militaires) qui se font à nouveau tuer dans leur propre pays par des armées étrangères, parce que Paul Kagamé n’est pas content, c’est absolument révoltant, et ça commence à bien faire. Si Kigali et Kampala ont des comptes à régler avec Joseph Kabila, pourquoi en passer par des tueries contre des populations innocentes, ville par ville, alors qu’ils savent où trouver le Président congolais ?

En tout cas, en venant commettre des exactions sur le sol congolais, avec l’espoir fou d’imposer à nouveau des dirigeants corvéables au peuple congolais, l’Ouganda et le Rwanda rééditent la même aventure que celle des précédentes guerres du Congo (1998). Face aux exactions des armées d’occupation, les Congolais étaient naturellement entrés en résistance (milices Maï-Maï). Ce fut un bain de sang jour après jour. Des attaques de la résistance suivies de campagnes de répression contre la population. Un cycle interminable jusqu’à ce que la situation n’était plus tenable. Un accord de paix fut signé en 2003 mettant fin à la guerre. Mais visiblement, le Rwanda n’en avait pas encore fini avec le Congo. On doit pourtant savoir, à Kigali, que cette aventure du M23 mène droit au même scenario que celui des deux premières guerres du Congo avec leur cortège de morts (six millions de morts).

Pour autant, hier comme aujourd’hui, les congolais ne sont pas disposés à se soumettre à une nouvelle occupation rwandaise dont on connaît les motivations à l’avance. Les « Rwandais » ne viennent pas dans l’Est du Congo pour mener une mission humanitaire. Ils ne viennent construire ni route, ni école, ni hôpital. Ils ne viennent améliorer les conditions de vie d’aucun Congolais, à part les « collabos » prêts à tout pour aller à la soupe.

Comme en 1996 et en 1998, les Rwandais viennent piller les gisements miniers du Congo, dont ceux de coltan, et répondront par des campagnes de massacres et de viols, comme d’habitude, en cas d’opposition des autochtones à l’occupation. Et dès le lendemain de la prise de Goma, les exactions ont commencé. L’ONU signale déjà des cas d’« enlèvements des femmes et des enfants »[4]. Evidemment pour violer ces femmes et utiliser ces enfants congolais comme de la chair à canon (enfants soldats).

N’importe quel peuple soumis à l’occupation, aux humiliations qui vont avec et aux actes aussi cruels que les viols, finit en résistance.

Boniface MUSAVULI



[1] http://hdr.undp.org/fr/rapports/mondial/rdh2011/actualite/title,23451,fr.html

[2] Selon le magazine britannique New African, dans un article intitulé « The curse of coltan (« La ruée vers le coltan ») le potentiel minier du Congo s’élève à 24 mille milliards de dollars, largement plus que les réserves pétrolières de l’Arabie Saoudite (18 mille milliards).

[3] Rapport 2011 sz l’ONG Tansparency International http://www.transparence-france.org/...

[4] http://radiookapi.net/actualite/2012/11/20/madnodje-mounoubai-la-monusco-supporte-le-gouvernement-congolais/


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