Halte aux messages de haine russo-ukrainiens
par REMY Ronald
mercredi 30 octobre 2019
Je suis attristé par la montée de la haine martelée et soigneusement entretenue par des messages répétitifs (y compris avec des dizaines d’articles sur Agoravox) par les partisans d’une « solution yougoslave » en Ukraine. Et ce, dans l’indifférence française et occidentale presque totale. Une indifférence égoïste propice à une potentielle honteuse diplomatie Munichoise à la Daladier / Chamberlin de 1938 (comme à celle de 2019 avec les kurdes de Syrie, abandonnés face à Daech et à Erdogan). Je ne cesse de répéter et de démontrer que cette voie est autant dangereuse et criminelle que grossièrement immorale et illégitime.
De fin 1932 au printemps 1933, l’Ukraine a subi entre 2,69 et 5 millions10 de morts par famine due au système de prédation économique communiste démentiel organisé depuis Moscou (appelé « dékoulakisation » par les autorités soviétiques et « Holodomor » par les ukrainiens et plus tard en 2008 par le Parlement Européen). Puis à nouveau 3 millions de morts ou déportés en camps de travail soviétiques (taux de mortalité de 80 à 90%) pendant les purges de 1937-1939. Ensuite à nouveau 3,5 millions de morts dus à la seconde guerre mondiale, à la « Shoah par balles » puis aux années de répression stalinienne après 1945.
L’Ukraine a également pâti de la politique de déplacement de populations pratiquée dans l’ensemble de l’empire soviétique au profit des russes (encore cause de tensions dans une grande partie de l’Ukraine et ailleurs).
Malgré ces terribles saignées successives, l’Ukraine encore très affaiblie a globalement conservé une culture et un tissu démographique résilient. Sur cette carte des populations d’Ukraine (vieille de 20 ans), en dehors de la zone très militarisée de Crimée et son énorme base navale de Sébastopol, vous constatez qu’aucune localité de l’Ukraine Sud-Est revendiquée par les sécessionnistes pro-russes, n’a une population majoritairement russe : 20 à 25% en moyenne. Même pour la région la plus « russifiée » du Donbass, la population d’origine russe est minoritaire et inférieure à 39%. (On est très loin de l’imposante majorité allemande dans les Sudètes de feu la Tchécoslovaquie de 1937).
L’Europe a gardé un douloureux souvenir des invasions d’Hitler (au prétexte de récupérer ses minorités allemandes hors du Reich à partir de 1938 puis au prétexte de « l’espace vitale »), mais aussi des invasions de Staline à partir de 1939 (Finlande, Lituanie, Estonie, Lettonie, Pologne en connivence avec Hitler via le fameux traité Molotov-Ribbentrop), puis l’oppressante occupation de toute l’Europe de l’Est à partir de 1945.
L’Union Européenne n’a pas oublié non plus le pathétique et sanglant éclatement de la Yougoslavie.
D’où sa légitime inquiétude et son profond agacement face à la politique de « grignotages » successifs ou d’« Anschluss » précipité de Poutine au dépend de ses pays voisins.
L’actuel travail de propagande médiatique haineuse en faveur de la partition de l’Ukraine a pour conséquence de générer encore plus d’animosité et de rancœur dans ce pays qui a énormément souffert et qui a une grande soif de liberté, de paix et de prospérité. Si la totalité des pays anciennement occupés par les chars soviétiques souhaitent aujourd’hui rejoindre la critiquable (mais pour l’instant nécessaire) OTAN, c’est qu’il y a des raisons historiques lourdement crédibles, doublées de craintes actualisées légitimes. Il est préférable de chercher à les comprendre plutôt que se contenter de les insulter et de les mépriser.Celui qui vous écrit milite activement depuis près d’un demi-siècle pour la paix entre les peuples et pour une Europe des Nations de Gibraltar à Vladivostok (slogan repris en 2019 par l’équipe de Marion Maréchal et par Marine Lepen. Emmanuel Macron a préféré le terme « Europe des Nations de Lisbonne à Vladivostok »).
Le vote parlementaire ukrainien retirant le russe comme deuxième langue officielle était une erreur que j’ai été quasiment le seul à dénoncer en France (et ici sur Agoravox). Imaginerait-on la même erreur de retrait d’une des deux langues officielles dans les pays de l’OTAN comme le Canada, la Belgique ou le Luxembourg ? Ou même en Suisse ? Comme pour un deuxième référendum revenant sur l’erreur du Brexit, j’aspire à ce qu’il y ait aussi un jour un deuxième vote parlementaire dans l’autre sens à Kiev, pour enfin restaurer le respect institutionnel et culturel mutuel et donc la paix civile en Ukraine. Si des peuples sont capables de voter démocratiquement pour Hitler, le Brexit, Bolsonaro, la partition ou la guerre, ils peuvent aussi revoter plus tard pour des hommes de sagesse, pour l’alliance, la collaboration et la paix.
Idem peut-être en Turquie avec la forte minorité kurde (dont l’implantation démographique est proportionnellement presque équivalente à celle des russes en Ukraine). Depuis 20 ans, sous l’impulsion de leur leader emprisonné (qui connaitra probablement un jour le sort du prix Nobel de la paix Nelson Mandela), les autonomistes kurdes du PKK ont eu la sagesse de refuser tout projet d’indépendance. Dans le Donbass, émergera-t-il aussi un homme (ou une femme) de la trempe et de la sagesse d’un Abdullah Öcalan ? Refuser de faire des offres concrètes de collaboration par étapes, refuser une ouverture institutionnelle source d’espoir à la Russie en même temps qu’à l’Ukraine (par principe d’égalité) était également une grosse erreur psychologique et diplomatique de l’Union Européenne. Une institution communautaire qui, comme le Parlement à Kiev, a accumulé de nombreux autres aveuglements (que je n’ai cessé également de dénoncer).Un jour viendra où les collaborations avec les russes se développeront. Au-delà de ce qui se fait actuellement : de l’énergie aux porte-hélicoptères, de l’agriculture au spatial. Au-delà des paranoïas nationalistes, des peurs irrationnelles, des psychoses militaristes et des psychopathiques fomentations de guerres civiles. C’est une question d’état d’esprit initial et de volonté morale et politique constante. La paix sans partition de l’Ukraine (y compris avec une originale solution gagnante-gagnante en Crimée) est à la fois possible et bénéfique pour tous. De Kiev à Lougansk, de Lisbonne à Vladivostok.
NDC / Celui qui vous écrit n’hésite pas à vivre concrètement cet idéal de paix européenne puisque la majorité de ses enfants sont soit franco-prussiens soit franco-russe.