Hugo Chavez reprend sa croisade pour fermer les medias indépendants
par Daniel Duquenal
jeudi 28 janvier 2010
Ce texte est traduit d’un article publie Mardi 26 Janvier sur le site web du magazine anglais Index on Censorship, publication trimestrielle étudiant la censure dans le monde entier. L’auteur le traduit pour Agoravox, revenant ainsi après deux ans d’absence pour recommencer à décrire la dérive autoritaire et les échecs du régime de Hugo Chavez.
Samedi dernier (23 Janvier) à minuit précisément l’administration Chavez a ordonné aux compagnies de télévision par câble et la télévision satellite Direct TV de sortir RCTV (et plusieurs autres stations) de leurs grilles. Les entreprises n’avaient guère le choix que de s’y plier. La motivation a été un nouveau règlement annoncé le Décembre 22, pour essentiellement d’élargir le mandat de l’infâme « Ley Resorte" - une loi qui désigne quoi et comment les réseaux de télévision terrestre peuvent diffuser sur les ondes - pour couvrir ce qui est diffusé sur les réseaux câblés. L’excuse pour le blocage est que RCTV n’a pas transmis un cadena surprise (*) le samedi. La vraie raison est le succès de RCTV sur le câble.
Après qu’elle fut d’abord interdite d’accès aux ondes en 2007, la chaine RCTV se redéfinit comme RCTV Internacional, sur le câble uniquement. Depuis lors, elle a eu un succès inattendu, contribuant à l’essor récent de la télévision par câble. En moins de trois ans, la pénétration du câble a progressé d’environ 22 pour cent à 37 pour cent. Et ceci sans compter les connexions illégales qui, dans un pays devenu presque sans foi ni loi, pourrait bien amener le total des foyers vénézuéliens connectés à un fournisseur de TV câblée au-dessus de 50 pour cent. RCTV a atteint parfois presque un 20 pour cent à la part d’audience (share) !
Cela a causé un problème pour Chavez et son administration. Jusqu’à maintenant la télévision par câble avait été exemptée de passer les odieuses cadenas. Cela a certainement contribué à la montée du marché de la télévision par câble dans un pays relativement pauvre, où les abonnements les moins chers peuvent représenter jusqu’à 10 pour cent du salaire minimum selon la région. L’approche gramscienne à contrôler l’information que le chavismo embrasse ne peut pas tolérer les moyens d’échapper au message officiel, d’autant plus lorsque l’émission phare de RCTV est l’émission matinale de Miguel Angel Rodriguez, régulièrement exécré dans les médias pro-Chavez pour ses enquêtes et sa critique pointue du régime.
Pour plus d’excuses à la fermeture de RCTV que l’on pourrait avancer, la vérité est que Chavez est en difficulté. 2009 s’est terminée avec un taux d’inflation reconnue de 27 pour cent et une profonde crise dans les services d’eau et d’électricité, nécessitant un rationnement. Tout est dû à un manque de planification du gouvernement plus que n’importe quelle excuse climatologique. 2010 a démarré avec une dévaluation brutale (de 100 pour cent) qui, en dépit d’un meilleur taux de change pour les importations de nourriture déjà énormes, est susceptible de créer une hausse du taux d’inflation à 50 pour cent pour cette année. Si on ajoute la crise de la sécurité qui fait de Caracas une des capitales les plus dangereuses du monde et la récession qui a commencé au milieu de l’année dernière, on peut comprendre pourquoi Chavez est si désireux de restreindre la liberté d’information.
Il n’y a vraiment aucune excuse pour fermer RCTV. Les accusations de complot régulièrement répétées par le chavismo n’ont jamais été prouvées, aucun journaliste ou directeur de RCTV n’a été condamné, ni même jugé [à 8 ans du coup d’état de 2002 !]. Sur diffusion ouverte l’état chaviste contrôle tout sauf la chaine Globovision, 24 heures d’information,qui ne diffuse qu’à Caracas et Valencia (câble uniquement ailleurs). Elle-même est sous menace de fermeture. Le régime ne peut pas prétendre que le message de M. Chavez ne puisse atteindre le peuple. Si ce message ne l’a pas atteint après 11 ans c’est soit parce qu’il a appris à utiliser sa télécommande, ou parce qu’il a appris à éteindre son téléviseur pendant un cadena. La fermeture de RCTV ne fera pas augmenter le share de M. Chavez, seul celui de la chaîne National Geographic. Ou bien celle-ci sera aussi tenue de passer les cadenas de Chavez ? N’oublions pas qu’il est douteux que le gouvernement puisse régler ce qui se présente à la télévision par câble, outre les clauses évidentes de moralité publique. Un abonnement à la télévision par câble est une transaction privée et l’ingérence de l’État peut être considérée comme une violation du droit à la vie privée. RCTV a été mis hors d’air, car elle refuse de suivre les cadenas, mais la chaine Hustler reste dans la grille, exonérée de cadenas, parce que toute sa pornographie est produite à l’étranger, alors que RCTV produirait plus de 30 pour cent de ses spectacles au Venezuela.
Ce ne serait pas une coïncidence que le blocage de RCTV soit venu le 23 Janvier, le jour où la chute de la dernière dictature du Venezuela en 1958 est commémoré. Il semble que Chavez désire une confrontation pour distraire le pays des malheurs qu’il a fait tomber sur nous. La répression brutale d’une manifestation d’étudiants contre la fermeture de RCTV ce lundi 24 est un signe des choses à venir.
Après qu’elle fut d’abord interdite d’accès aux ondes en 2007, la chaine RCTV se redéfinit comme RCTV Internacional, sur le câble uniquement. Depuis lors, elle a eu un succès inattendu, contribuant à l’essor récent de la télévision par câble. En moins de trois ans, la pénétration du câble a progressé d’environ 22 pour cent à 37 pour cent. Et ceci sans compter les connexions illégales qui, dans un pays devenu presque sans foi ni loi, pourrait bien amener le total des foyers vénézuéliens connectés à un fournisseur de TV câblée au-dessus de 50 pour cent. RCTV a atteint parfois presque un 20 pour cent à la part d’audience (share) !
Cela a causé un problème pour Chavez et son administration. Jusqu’à maintenant la télévision par câble avait été exemptée de passer les odieuses cadenas. Cela a certainement contribué à la montée du marché de la télévision par câble dans un pays relativement pauvre, où les abonnements les moins chers peuvent représenter jusqu’à 10 pour cent du salaire minimum selon la région. L’approche gramscienne à contrôler l’information que le chavismo embrasse ne peut pas tolérer les moyens d’échapper au message officiel, d’autant plus lorsque l’émission phare de RCTV est l’émission matinale de Miguel Angel Rodriguez, régulièrement exécré dans les médias pro-Chavez pour ses enquêtes et sa critique pointue du régime.
Pour plus d’excuses à la fermeture de RCTV que l’on pourrait avancer, la vérité est que Chavez est en difficulté. 2009 s’est terminée avec un taux d’inflation reconnue de 27 pour cent et une profonde crise dans les services d’eau et d’électricité, nécessitant un rationnement. Tout est dû à un manque de planification du gouvernement plus que n’importe quelle excuse climatologique. 2010 a démarré avec une dévaluation brutale (de 100 pour cent) qui, en dépit d’un meilleur taux de change pour les importations de nourriture déjà énormes, est susceptible de créer une hausse du taux d’inflation à 50 pour cent pour cette année. Si on ajoute la crise de la sécurité qui fait de Caracas une des capitales les plus dangereuses du monde et la récession qui a commencé au milieu de l’année dernière, on peut comprendre pourquoi Chavez est si désireux de restreindre la liberté d’information.
Il n’y a vraiment aucune excuse pour fermer RCTV. Les accusations de complot régulièrement répétées par le chavismo n’ont jamais été prouvées, aucun journaliste ou directeur de RCTV n’a été condamné, ni même jugé [à 8 ans du coup d’état de 2002 !]. Sur diffusion ouverte l’état chaviste contrôle tout sauf la chaine Globovision, 24 heures d’information,qui ne diffuse qu’à Caracas et Valencia (câble uniquement ailleurs). Elle-même est sous menace de fermeture. Le régime ne peut pas prétendre que le message de M. Chavez ne puisse atteindre le peuple. Si ce message ne l’a pas atteint après 11 ans c’est soit parce qu’il a appris à utiliser sa télécommande, ou parce qu’il a appris à éteindre son téléviseur pendant un cadena. La fermeture de RCTV ne fera pas augmenter le share de M. Chavez, seul celui de la chaîne National Geographic. Ou bien celle-ci sera aussi tenue de passer les cadenas de Chavez ? N’oublions pas qu’il est douteux que le gouvernement puisse régler ce qui se présente à la télévision par câble, outre les clauses évidentes de moralité publique. Un abonnement à la télévision par câble est une transaction privée et l’ingérence de l’État peut être considérée comme une violation du droit à la vie privée. RCTV a été mis hors d’air, car elle refuse de suivre les cadenas, mais la chaine Hustler reste dans la grille, exonérée de cadenas, parce que toute sa pornographie est produite à l’étranger, alors que RCTV produirait plus de 30 pour cent de ses spectacles au Venezuela.
Ce ne serait pas une coïncidence que le blocage de RCTV soit venu le 23 Janvier, le jour où la chute de la dernière dictature du Venezuela en 1958 est commémoré. Il semble que Chavez désire une confrontation pour distraire le pays des malheurs qu’il a fait tomber sur nous. La répression brutale d’une manifestation d’étudiants contre la fermeture de RCTV ce lundi 24 est un signe des choses à venir.
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* Un cadena est le pouvoir que l’Etat vénézuelien a de réquisitionner simultanément toutes les ondes, TV et radio, au Venezuela aussi longtemps qu’il le souhaite, aussi souvent qu’il le veut. Cette disposition légale a été conçue pour des messages tels que les discours présidentiels sur l’état la nation ou en cas d’urgence nationale. Mais sous Chavez ce droit est devenu un abus constant, en soumettant au pays à plusieurs cadenas par semaine, de plusieurs heures chacune, presque uniquement des discours de Chavez et de la propagande. Il n’y a bien sûr pas de droit de réponse sur les réseaux contrôlés par l’état.
* Un cadena est le pouvoir que l’Etat vénézuelien a de réquisitionner simultanément toutes les ondes, TV et radio, au Venezuela aussi longtemps qu’il le souhaite, aussi souvent qu’il le veut. Cette disposition légale a été conçue pour des messages tels que les discours présidentiels sur l’état la nation ou en cas d’urgence nationale. Mais sous Chavez ce droit est devenu un abus constant, en soumettant au pays à plusieurs cadenas par semaine, de plusieurs heures chacune, presque uniquement des discours de Chavez et de la propagande. Il n’y a bien sûr pas de droit de réponse sur les réseaux contrôlés par l’état.