Il joue avec le feu
par olivier cabanel
jeudi 10 avril 2025
Cette stratégie, celle d’augmenter ad nauseam les droits de douane, pourrait bien faire boomerang, et lui revenir en pleine figure.
Comme le rappelait récemment un des auteurs d’AV, (lien) d’autres eurent cette idée, en l’occurrence Reed Smoot et Willis C.Hawley, qui, en 1930, décidèrent d’augmenter les droits de douane afin d’amener la prospérité pour tous, ce qui est aussi le mantra de Trump.
Or cette décision transforma la crise boursière de 1929 en récession mondiale, laquelle amena la récession, suivie de la grande dépression, et enfin la seconde guerre mondiale.
S’il est vrai que Trump, dont la proximité avec Poutine s’affiche chaque jour un peu plus, a laissé ce dernier à l’abri de ces taxes punitives, étrangement, la Russie est en train d’en subir pourtant les conséquences.
Cette proximité, que certains évoquent en terme de dépendance, assurant que l’autocrate russe aurait un moyen de pression sur l’excité américain, moyen que j’ai abordé dans un article ancien, est de plus en plus évidente.
Contre toute attente, malgré le fait que Poutine ait échappé aux sanctions douanières de Trump, la Russie risque de payer cher la stratégie américaine.
Comme l’écrit Joanna Blain dans les colonnes du Parisien : « si plus de 185 pays subissent la tempête des droits de douane imposés par Donald Trump, la Russie, nouvelle alliée fluctuante de Washington, échappe à cette mesure... mais pourrait bien pâtir de la chute du prix du baril de pétrole ». lien
Déjà en 2022, la question se posait d’une possible ruine de la Russie. lien
Rappelons que le commerce entre la Russie et les États-Unis était déjà réduit à la portion congrue depuis l’agression de Poutine en Ukraine, alors qu’il était fragilisé par des milliers de sanctions, la chute du prix du pétrole n’est pas une bonne nouvelle pour la Russie.
Comme l’a évoqué le porte parole du Kremlin Dimitri Peskov : « nous suivons de très près la situation qui est actuellement extrêmement turbulente et tendue », alors que les recettes de l’État sont déjà inférieures à ce qu’elles devraient être à cette époque de l’année.
D’autant que la guerre menée en Ukraine coûte cher… : comme l’écrit France Info : « cours faible, rouble fort, c’est la mauvaise équation pour le Kremlin qui puise dans ses réserves pour financer la guerre en Ukraine, engloutissant au moins 40 % de son budget. La Russie risque, de fait, de devenir encore plus dépendante de la Chine, son principal acheteur de pétrole (…) Si Trump ne sanctionne pas directement la Russie, sa politique a bien des effets collatéraux ». lien
Et puis, d’après Luc de Barochez, qui s’exprime dans les colonnes du Point : la Chine pourrait bien être la grande gagnante de la guerre commerciale menée par Trump.
Évoquant « un summum d’absurdité économique, censé rendre à l’Amérique sa grandeur, ces droits de douane vont au contraire affaiblir sa compétitivité et saper, à terme, sa domination sur l’économie mondiale », il affirme que si les mesures américaines sont douloureuses, la Chine va réorienter son commerce vers l’Union Européenne, 2ème marché mondial par la taille, mais aussi utiliser le poids de son propre marché intérieur de 1,4 milliard de consommateurs, mais aussi se faire de nouveaux amis parmi les pays qui, comme elle, peineront à vendre leurs biens et leurs services aux États-Unis… lien
Quant aux conséquences pour le reste du monde, les premiers résultats montrent une bourse qui fait le yo-yo, et les chroniqueurs économiques n’ont pas tardé à évoquer un « lundi noir », ajoutant qu’il n’y a pas que les boursicoteurs qui sont touchés, mais aussi l’ensemble des français, ainsi que l’affirme Jean-Loup Delmas, dans les colonnes de « 20 minutes » : « si les actionnaires pleurent leurs milliards perdus, quel impact cette séquence peut-elle avoir sur le consommateur moyen, celui qui n’a aucun placement financier ? : Au début, ce dernier devrait être relativement épargné par les secousses économiques, mais attention, la crise finit toujours par atteindre ses cibles, même les plus lointaines ». lien
Alors que faire ?
Apparemment il y aurait deux options :
1) répondre à l’augmentation des droits de douane par notre propre augmentation... ou, comme l’envisagent certains…
2) essayer de parlementer avec l’énergumène américain…
il y a pourtant d’autres options, dont celle défendue par François Ruffin, lequel nous rappelle, sur l’antenne de France Inter le 9 avril dernier, (lien) combien nous étions démunis lors de la « crise » sanitaire récente, lorsque nous réalisions que nous n’avions ni masques, ni vaccins…
Force est de constater avec lui que nos industries se sont fait la malle, certains sont partis à l’autre bout du monde pour avoir une main d’œuvre moins chère... de Bernard Arnault aux patrons d’ArcelorMittal, ils sont nombreux ces grands patrons d’industrie qui se sont exilés aux 4 coins du monde.
La liste est quasi interminable : Natixis, Engie, BNP Paribas, Seb, Carrefour Products, Renault, Amora, Saupiquet, Salomon, Décathlon, Karcher, Ralph Lauren, Hugo Boss, Nike, North Face, Timex, Mattel, Appel, plus de la moitié des grandes entreprises se sont implantées à l’étranger entre 2003 et 2005...lien
Trump l’a bien compris en proposant aux industriels frappés par ses droits de douane, de venir fabriquer chez lui... là, affirmant : ils n’auront plus de douane à payer...oubliant que ces expatriés de l’industrie devront bien s’acquitter de droits de douane s’il veulent vendre leurs produits à l’extérieur.
À la proposition de Ruffin, Mélenchon répond en écho : « opposer des droits de douane européens aux droits de douane fixés par le président américain est inefficace, mieux vaut laisser les USA se frapper eux-mêmes. En faisant ça, Trump importe dans son pays de l’inflation ».
Le chef des insoumis propose « l’impôt universel » : il s’agirait de taxer les entreprises du numérique, dont les 5 premières sont états-uniennes, rappelant que Google et Meta contrôlent 75 % du marché de la publicité ciblée en ligne, qu’Amazon contrôle 40 % du commerce en ligne, ainsi nous provoquerions une division au sein des secteurs capitalistes qui soutiennent encore aujourd’hui le gouvernement Trump... s’en suit une longue liste des domaines dans lesquels, selon lui, il faudrait agir : comme l’industrie du divertissement, de la culture (Disney, Netflix, Universal…), pharmaceutique (Pfizer, Moderna, Roche…), des GAFAM (Microsoft, Apple, Google…) etc. lien
D’ailleurs au sein même de son gouvernement, Musk, sans doute touché par la crise qui touche son entreprise, commence à afficher son désarroi, et s’en prend directement au conseiller au commerce de Trump, le traitant de « crétin, bête comme un sac de briques ». lien
Est-ce suite à ça que Trump vient de faire machine arrière, suspendant pour 90 jours, sauf pour la Chine, contre qui il engage un bras de fer qu’il pourrait bien perdre, toutes les mesures douanières envisagées ? lien
Au même moment, Darmanin explique que si la France est fauchée, c’est à cause des français qui « ne travaillent pas assez (...) c’est pas à cause de 100 milliards d’évasion fiscale, ni a cause des 4,5 milliards perdus suite à l’abandon de l’impôt sur la fortune, c’est pas parce que les milliardaires sont moins imposés que le travailleur lambda, c’est pas parce que l’état verse 8,5 milliards aux écoles privées, y compris celles de Bétharram, ce n’est pas parce que le même Darmanin accumule les salaires en tant que conseiller municipal, maire, conseiller général, député, conseiller régional, ministre... » s’amuse Pierre-Emmanuel Barré sur l’antenne de Radio Nova. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « celui qui a la diarrhée n’a pas peur de la nuit ».
le dessin illustrant l’article est de Large
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Olivier Cabanel
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