Il y a 100 ans : la première révolution chinoise, un événement mondial fondateur

par Philippe Vassé
mercredi 4 mai 2011

2011 est et restera une année où les révolutions populaires sont passées du stade de « spectre » effrayant pour les uns, d'espoir de renaissance pour les autres, à la réalité vivante, concrète, pour des centaines de millions d'habitants de la planète.

Pour l'Asie, cette année 2011 marque aussi un événement fondateur essentiel : l'entrée du continent tout entier, en 1911, dans l'ère des révolutions émancipatrices, lesquelles se sont poursuivies tout le long du siècle, de l'Afghanistan à l'Inde, de la Russie à l'Indonésie, en passant par les pays de l'ancienne Indochine et la Turquie.

Ces révolutions nationales et démocratiques ont permis, avec du temps, avec des millions de morts et des souffrances innombrables, de donner naissance aux Etats actuels en plein essor que sont la Chine, l'Inde, la Russie, le Pakistan, la Corée du sud, le Vietnam, Taïwan, entre autres pays.

Son point de départ fut le mouvement révolutionnaire qui ébranla le monde de l'époque, engagea tout un continent sur la voie de l'expulsion des pouvoirs colonialistes étrangers et essaya à de multiples reprises d'accéder à une vraie démocratie : la révolution chinoise victorieuse en octobre 1911.

1911 : la révolution chinoise triomphe incomplètement du passé autocratique et colonialiste
 
En 1911, l'Europe et les Etats-Unis ont déjà connu depuis longtemps leurs révolutions démocratiques, lesquelles se sont étalées de 1776 à 1848.
 
Les Etats européens ont colonisé, dans le sang et surtout dans l'humiliation de nombreux peuples, la majjeure partie de l'Afrique et de l'Asie. Les Etats-Unis ont mis sous leur tutelle militaire, directe ou indirecte, les peuples d'Amérique latine.
 
Deux révolutions populaires ont échoué en Europe dans un passé relativement récent : la Commune de Paris de 1871 et la révolution russe de 1905. Elles ont été sauvagement réprimées : le sang des populations pauvres a coulé largement à Paris et dans la ville de Pétrograd (Saint Petersbourg).
 
Depuis quelques années, les tensions entre puissances colonialistes s'accroissent car le partage du monde colonial n'a pas été très « égal » entre les puissances européennes. Pour l'Europe, l'Angleterre et la France se sont emparées de la part essentielle. L'Allemagne, l'Italie, la Hollande, la Belgique, n'ont obtenu que des miettes.
 
Le public européen ne s'occupe fondamentalement que des affaires de son continent : seuls, les milieux industriels et financiers s'intéressent, à leur manière prédatrice, au reste de l'humanité et de la planète.
 
La Chine a bien connu, avant 1911, des soubresauts révolutionnaires, mais aucun de ces mouvements n'a abouti.
 
A la tête d'une organisation agissant dans divers pays du monde en lien avec les émigrations chinoises locales et en Chine même, organisation qui lutte pour l'indépendance nationale, la liberté pour le peuple, l'unité nationale et une République sociale fondée sur l'égalité économique, se trouve un médecin venu de Chine.
 
Celui-ci, appartenant à l'ethnie hakka (une ethnie chinoise très active, solidaire et structurée), a pour nom Sun Yat Sen. Ce docteur a fondé un parti connu par ses initiales : KMT ou parti nationaliste chinois. Au sein de ce parti coexistent en ce début de XXème siècle diverses tendances politiques, la principale étant influencée conjointement par les théories du russe Lénine et des socialistes allemands ainsi qu'anglais.
 
L'objectif commun est clairement défini : détruire le régime impérial vermoulu et corrompu, établir sur ses ruines une République chinoise libre, souveraine, sociale et démocratique, chasser les colonialistes étrangers qui pillent le pays, ruinent son économie et saignent ses habitants.
 
En octobre 1911, 6 ans avant la révolution russe du même mois de 1917, le dixième (! !!) soulèvement organisé par les militants du parti nationaliste chinois réussit à chasser l'impératrice Tseu Chi et sa cour de prébendiers prévaricateurs.
 
La première révolution chinoise est en marche. Le 10 octobre 1911, Sun Yat Sen, proclame au monde la naissance de la première République chinoise de l'histoire.
 
Certes, la révolution de 1911 ne pourra pas mettre tout à fait fin au colonialisme en Chine, ni aux tendances autocratiques, mais il porte un coup mortel au premier pour l'Asie et va permettre de fonder les bases d'une Chine industrielle, plus moderne et plus cultivée, gage d'un avenir où le vieux pays aux richesses colossales pourra restaurer sa place dans les affaires du monde.
 
Ainsi, si les résultats immédiats de cette révolution pour le peuple chinois ne seront pas, en apparence, évidents et positifs, l'Histoire voit dans cette révolution la première d'une longue série sur le continent asiatique et le coup d'envoi, l'exemple encourageant pour les mouvements nationaux et sociaux de libération de l'époque, de l'Inde à l'Indochine, de la Russie à la Turquie.
 
 
Le long et sanglant combat des peuples de tout un continent pour leur dignité et être parties prenantes de l'histoire de l'humanité
 
En 1911, l'effet de souffle de la révolution chinoise a moins marqué l'Europe que celle, plus proche et bien plus menaçante immédiatement pour l'ordre social du moment, de la révolution russe d'octobre 1917.
 
De plus, à l'époque, les négociations avec le relativement faible gouvernement républicain chinois permettent à des pays européens, notamment l'Angleterre, de conserver, ici et là, des portions de leurs anciennes possessions coloniales. Mais, le coup essentiel a été porté. Pour les révolutionnaires chinois, la tâche fixée n'est pas remplie en 1911 : il faudra continuer le combat révolutionnaire pour à la fois chasser les tendances autocratiques dans la République et les colonialistes étrangers.
 
Ce programme initial anti-colonial sera quasi-achevé, à l'exception des cas de Hong-Kong, Macao et Singapour, par la troisième révolution chinoise de 1949, après l'échec sanglant de celle de 1927.
 
Quant à la revendication démocratique et sociale, la longue marche douloureuse du peuple chinois continue, entre prison, oppression et répression.
 
Pour les peuples d'Asie, le XXème siècle est celui du réveil de l'indépendance et de la souveraineté nationale, le combat contre le colonialisme humiliant qui appauvrit les peuples et pour accéder enfin à une reconnaissance de l'ensemble du monde des pays du continent.
 
En 2011, on mesure le chemin parcouru : la Chine est devenue, avec sa force démographique, la seconde puissance économique mondiale et la banque créancière de la planète, l'Inde est en essor continu et affirme chaque jour sa place de grande puissance à tous les niveaux, la Russie, malgré ses immenses difficultés, a pris une place à la hauteur de sa puissance, et les autres pays asiatiques sont de plus en plus influents dans l'économie mondiales et les affaires politiques internationales.
 
D'une certaine manière, au vu des réalités présentes, les populations chinoises du monde entier, où qu'elles vivent, peuvent maintenant regarder leur histoire avec fierté et se tourner vers l'avenir avec une certaine confiance.
 
 
Un anniversaire diversement apprécié, une source de fierté pour les peuples et un avertissement pour le futur
 
L'anniversaire de la première révolution chinoise sera donc célébrée dans tout le monde chinois cette année, mais avec des manières diverses qui reflètent bien les peurs du présent face à l'avenir.
 
Célébrer une révolution par les temps de crise actuelle, notamment dans le monde chinois, n'est pas un exercice aisé pour toutes les autorités concernées.
 
A Pékin, la chose est à manier avec délicatesse, entre le souvenir pour le gouvernement du mouvement révolutionnaire de mai-juin 1989 qui se termina par le massacre des étudiants et jeunes travailleurs de la Place Tienanmen. L'accent sera donc mis sur l'aspect nationaliste et patriotique, la grandeur des réalisations du pays (présentées aussi comme les succès du régime), l'ancienneté cinq fois millénaire de la nation chinoise et son courage à vaincre les difficultés (et ses ennemis).
 
Il importe au pouvoir de s'approprier publiquement l'héritage de la révolution de 1911, tout en écartant les revendications aujourd'hui gênantes pour l'autocratie de 2011 : la démocratie, la République sociale, l'égalité économique, le respect des différentes cultures au sein de la Chine.
 
A Taïwan, la fête est aussi à organiser avec habileté face à une opinion qui, si elle accepte des accords de relations pacifiés avec la Chine, ne veut pas intégrer cet Etat et abandonner son indépendance de facto.
 
A Hong-Kong, vestige symbolique du colonialisme, là aussi, les autorités devront fustiger avec finesse le passé colonial qui a « fait » la cité tout en évitant de trop mettre en cause les spécificités « démocratiques » du territoire, revenu officiellement à la Chine en 1997. Difficile jeu d'équilibres subtils.
 
Dans les pays d'émigration chinoise, l'anniversaire est un moment de fierté de la culture et de l'histoire chinoises au sens général. Cela sera probablement le temps de faire le bilan formidable des évolutions entre l'époque de la Chine divisée, morcelée, colonisée et humiliée d'avant octobre 1911 et la puissance retrouvée, le statut international reconnu, la force montante économique et financière actuelle des population sd'origine chinoise en 2011.
 
Au-delà même de ce qui touche à l'histoire chinoise, c'est toute l'Asie qui devrait célébrer le centième anniversaire de cet événement considérable dont est sortie une Asie qui a enfin repris sa place naturelle dans le monde : la première, que ce soit pour l'économie, la superficie, la population et la puissance conjuguée.
 
 
Et en France ?
 
Dans ce contexte, il est intéressant de noter, qu'en France, l'émigration de culture chinoise, malgré ses origines diverses, prend aussi conscience de sa puissance économique et de la force que lui confère sa cohésion solidaire.
 
En témoignent la richesse dynamique de ses activités culturelles (le chinois dans ses différentes formes est de plus en plus diffusé), la popularité des ses traditions (Nouvel An chinois par exemple avec ses défilés colorés et joyeux) et la montée en puissance de ses associations, publications et sites internet.
 
Cette fierté naturelle, qui se concrétise notamment par cette assurance sereine de la jeune génération sinophone en France, souvent très instruite et consciente de ses droits, se reflète aussi dans l'organisation de la collectivité d'origine chinoise, y compris sur le plan politique
 
Parallèlement, il est aussi nécessaire d'observer que cette émigration compte aussi dans ses rangs des structures de nature criminelle, comme toute collectivité en produit, sous toutes les latitudes, « sauf les pôles sud et nord » selon le mot amusant d'un sociologue chinois.
 
Adossée à des pays aux moyens colossaux et croissants, venant de Chine, Taïwan et Hong-Kong, l'émigration chinoise est, en toute discrétion, très organisée et puissante : commerce international, banques, tourisme, cafés-bars-tabac, restauration, artisanat, les émigrants d'origine chinoise s'implantent dans tous les secteurs avec dynamisme et efficacité, sans susciter de rejet notable dans la population d'origine française, sauf cas rarissimes.
 
En milieu urbain, les actes de rejet xénophobe d'émigrants chinois sont rares, et, s'ils existent, ne défraient pas l'actualité. Tel n'est pas toujours le cas, semble-t-il, dans les campagnes.
 
Les blogs sinophones ont souvent alerté sur des cas présumés de discrimination avec certaines administrations en ville, mais ils relèvent et publient des cas parfois humainement plus graves en zones rurales, particulièrement sur des situations liées à des divorces de couples franco-chinois et aux droits des enfants.
 
Le dernier cas identifié analysé comme « anti-chinois », et qui commence à provoquer des réactions significatives, est identifié dans une petite commune de Haute Vienne (Saint Laurent sur Gorre pour la nommer).
 
Selon ces blogs sinophones, le maire de la commune, appuyée apparemment par une administration locale présentée comme complaisante par son silence sur le cas, est accusé, avec un magistrat du Parquet de Limoges, documents à l'appui, de « discrimination et harcèlement » à l'égard d'une ressortissante d'origine sinophone, représentante de groupes financiers asiatiques spécialisés dans le tourisme et les résidences secondaires.
 
L'affaire fait d'autant plus de bruit dans l'émigration sinophone que, pour le côté humoristique, la personne en question « soigne » avec une efficacité reconnue, et avec des herbes médicinales douces issues de la médecine traditionnelle chinoise, des pathologies rurales professionnelles de ses voisin(e)s sachant que le maire qui est accusé par les blogs sinophones de « discrimination et de harcèlement » est..... médecin !!!
 
Mais, dans l'ensemble, en dépit de ces quelques malheureuses et condamnables exceptions, la France est et demeure un pays accueillant aux émigrants sinophones, qui, en retour, contribuent positivement et fortement à son activité économique.
 
Ceci dit, il est à prévoir des festivités notables en France aussi à l'initiative l'émigration chinoise pour ce centième anniversaire de la révolution chinoise de 1911.
 
Comme le résumait si bien un militant chinois démocrate : « en 1911, la Chine s'est réinscrite dans l'histoire du monde. En 2011, elle en est devenue une actrice incontournable et en écrit de nouvelles pages, parfois sanglantes comme le 4 juin 1989, parfois nécessaires quand elle se fait respecter de nouveau sur la scène mondiale ».
 
 
Plus de documentation sur le sujet avec les liens suivants :
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_chinoise_de_1911
 
http://www.chine-informations.com/guide/revolution-chinoise-de_1673.html
 

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