Incidents à l’ONU à la veille du départ de Koffy Annan
par Antoine Christian LABEL NGONGO
mercredi 27 septembre 2006
Alors que l’ONU s’apprête à changer de secrétaire général, G. W. Bush, le président américain, s’est fait conspuer par deux de ses adversaires directs dans l’enceinte des Nations unies.
A l’occasion d’un sommet des Nations unies, le président des USA s’est fait ridiculiser par ceux là-mêmes qu’il traite de présidents « démoniaques ». Les présidents iranien et vénézuelien Ahmadinejad et Hugo Chavez se sont défoulés à l’ONU en exprimant avec virulence des propos peu amènes à son encontre.
Le même sempiternel leitmotiv de Bush.
Bush fut le premier à parler. Dans son message, le président américain s’est adressé aux populations sinistrées du Darfour au Soudan. "Vous avez souffert d’indescriptibles violences, et ma nation a qualifié ces atrocités de génocide, ce qu’elles sont. Le monde va se lever contre pour apporter une aide humanitaire supplémentaire", leur a-t-il dit en substance. Depuis qu’en 2004, des miliciens arabes armés par le gouvernement de Khartoum ont engagé une croisade de la mort contre les populations de la région rebelle du Darfour, le président Bush et son administration ont mille et une fois été sollicités par des agences humanitaires, des hommes politiques et la rue, pour stopper un autre carnage du type rwandais de 1994. L’un des appels les plus pressants venait du plus grand parc de New York à la veille des travaux de la 61e Assemblée générale de l’Onu, le jour même où George Bush atterrissait dans la ville pour prendre part aux assises de l’Onu. Autant donc dire qu’en parlant du Soudan, le président américain a aussi voulu régler quelques problèmes de politique interne. Mais George Bush ne pouvait pas oublier ce qui fait son leitmotiv depuis les événements du 11 septembre 2001, le monde arabo-musulman. "Notre objectif est de vous aider à construire une société plus tolérante et libre, qui honore les gens de toutes les fois et promeut la paix", leur a-t-il dit dans son allocution d’une vingtaine de minutes. Il a spécifiquement parlé, tour à tour, aux peuples iranien, libanais, syrien, irakien et afghan, les appelant à ne pas croire à la propagande faite par des extrémistes musulmans qui indexent l’Amérique comme ennemie de l’islam. De ce ton paternaliste auquel il a désormais habitué ses compatriotes, il n’a cessé d’encourager ces peuples du Moyen-Orient à sortir de la barbarie et de la tyrannie de leurs dirigeants. "De Beyrouth à Bagdad, les gens sont en train de faire le choix de la liberté", s’est-il félicité.
Le président Hugo Chavez harangue.
Le président du Vénézuela Hugo Chavez n’a pas lésiné pour s’en prendre directement et vertement au président des USA. Sans état d’âme, il a conspué le président américain et l’a traité de diable. "Le président des Etats-Unis, le monsieur que je compare au diable était ici ", a t-il dit en montrant le podium de l’Onu où George Bush l’avait précédé une journée plus tôt. Le président Hugo Chavez a même fait le signe de croix comme pour appeler à la protection du Ciel. Ce geste a immédiatement provoqué des rires bruyants parmi les participants à l’assemblée générale. Un numéro comique de ce genre, on ne l’avait vu auparavant à l’Onu que lorsque Yasser Arafat s’y était présenté un jour avec son pistolet. Et avant le chef du Mouvement de libération du peuple palestinien, c’est le président de l’URSS Nikita Kroutchev qui avait cogné sa chaussure sur la chaise de l’Onu. L’empire américain fait tout son possible pour perpétuer son système de domination... Quel type de démocratie pouvez-vous imposer avec des marines et des bombes ? a t-il demandé. Le président Hugo Chavez ne s’est pas contenté de s’en prendre aux Etats-Unis et à leur président à la tribune de l’Onu. Il est allé au cœur même de New York, dans le célèbre quartier délabré de Harlem, où il a lancé une opération coup de cœur pour offrir du carburant et du chauffage aux populations pauvres. Un vrai pied-de-nez à la première puissance mondiale. Là-bas, à Harlem, il a qualifié le président américain de menace pour le monde entier. Partant des dénonciations de la campagne militaire américaine en Irak, il a abouti à des insultes directes, taxant George Bush "d’alcoolique, malade et complexé". Tandis que quelques centaines de personnes applaudissaient la bête noire du patron de la Maison Blanche, la classe politique américaine ne se montrait pas très amusée par les facéties de Hugo Chavez. "George Bush est le président des Etats-unis et représente la nation entière. Toute inexplicable attaque contre lui doit être prise par les républicains, les démocrates et tous les Américains comme une attaque contre nous tous", devait promptement réagir Charles Rangel, membre du Congrès américain pour la circonscription de Harlem. Entre autres, l’ancien président Bill Clinton faisait remarquer que Hugo Chavez ne s’était fait du mal qu’à lui-même. Et la rue américaine n’en démord de colère, avançant que les Etats Unis ne déposent pas 1,3 milliard de dollars dans les caisses de l’Onu chaque année pour que cette dernière serve de porte-voix aux ennemis du pays. Pour reprendre les propos du linguiste américain, Noam Chomsky : " L’administration de Bush a supporté un coup d’Etat pour renverser son gouvernement. Supposons que le Vénézuela supporte un coup d’Etat pour renverser le gouvernement des Etats-Unis, allez-vous croire que c’est de la blague ?", s’est-il notamment demandé.
La diatribe Ahmadinejad.
Le discours du président américain ne pouvait pas être du goût du président iranien Mahmoud Ahmadinejad. Avant même le début de l’Assemblée générale de l’Onu, le président iranien avait déjà souhaité un débat médiatique avec George Bush. Il faut dire que le chef d’Etat américain est le plus sceptique au monde sur les intentions pacifiques des expériences nucléaires iraniennes. Le disciple avoué de l’ayatolah Khomeni, par ailleurs soupçonné aux Etats-Unis d’avoir participé à la prise d’otages de diplomates américains en 1979, à Téhéran, pendant 444 jours, insiste : son pays ira de l’avant dans la conquête de l’énergie nucléaire pour des fins pacifiques et non apocalyptiques, comme le soutiennent les grandes puissances.
Il a donc saisi la tribune des Nations unies pour pourfendre le monde occidental qu’il qualifie d’hégémonique et hypocrite. "Qui viendra donc parler pour les oppressés ?", a t-il demandé. "Certains, dit-il, veulent diriger le monde en utilisant les armes et les menaces pendant que d’autres vivent perpétuellement dans l’insécurité et le danger". Quoique mordant dans le verbe, le ton calme et le discours bien structuré de cet homme en ont pris plus d’un à contre-pied. Obligé de monter sur le podium des Nations unies huit heures après son homologue américain, absent du dîner offert par le secrétaire général de l’Onu, cet homme, qui proclama un jour qu’Israël devait être rasé de la carte du monde, s’est donné un profil étonnant à New York, à tel point que la prestigieuse Université de Columbia lui a adressé une invitation. Fait marquant pour les observateurs, quoique cette invitation ait été annulée, officiellement pour défaillance de la logistique.
Les premiers adieux de Kofi Annan.
Cette soixante-et-unième assemblée générale de l’Onu, qui devait marquer les débuts des adieux du secrétaire général Kofi Annan, a été gâchée par les manifestations de trois énergumènes qui sont pourtant des chefs d’Etat. A quoi ont bien pu servir leurs cris ? A se soulager, peut-être. A faire oublier leurs bourdes, possible. Qu’en est-il exactement de Kofi Annan ? Il est le septième secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, et le premier à sortir des rangs du personnel. Il a entamé son premier mandat le 1er janvier 1997. Le 29 juin 2001, sur recommandation du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale l’a réélu par acclamation pour un second mandat, commençant le 1er janvier 2002 et s’achevant le 31 décembre 2006. Kofi Annan, d’origine ghanéenne, s’en va après dix ans de bons et loyaux services. Il est l’un de ceux qui ont pu tenir tête au président américain lors des différents conflits de ces dernières années. Les Nations unies ne vont pas bien, et chacun des observateurs y va de son diagnostic. Le président Hugo Chavez propose le transfert du quartier général de l’Onu dans son pays, le Venezuela. Le successeur de Kofi Annan aura à traiter de l’emplacement du QG de l’ONU.