Inde : un petit pas pour la démocratisation des médias

par Asle
samedi 4 décembre 2010

« Speak Up India !  » sera en fait la version télévisée du dernier programme créé par Video Volunteers. Cette organisation se bat depuis 2003 pour démocratiser le paysage audiovisuel dans un pays où, malgré les lois et la théorique liberté de la presse, les barrières invisibles sévissent toujours.

Le programme d’origine s’appelle « India Unheard ». Il est diffusé sur internet du lundi au vendredi depuis le 3 Mai 2010, journée internationale de la liberté de la presse. Le principe est ambitieux mais plutôt simple : Video Volunteers a recruté une vingtaine de correspondants, un par état, issus des communautés les plus marginalisées et défavorisées. En Inde, il s’agit surtout des Dalits (« Intouchables »), des femmes bien sûr mais aussi de beaucoup de minorités sexuelles, religieuses ou linguistiques. Lors d’un stage intensif de deux semaines, ils ont appris à manier la caméra et à se servir du film comme moyen d’expression. Depuis, à l’aide du matériel qui leur a été prêté, ils réalisent leurs reportages et les envoient régulièrement au siège de l’organisation, où ils sont ensuite montés, sous-titrés et mis en ligne. Ils y racontent les problèmes quotidiens que rencontrent leurs villages ou les discriminations dont sont victimes leurs communautés, les maux profonds de l’Inde, sujets peu abordés à la télévision.

La télévision indienne, parlons en. Très populaire depuis l’arrivée du câble, elle se perd aujourd’hui entre sitcoms mielleuses émanant du style bollywoodien – les danses en moins – et les copies conformes de shows à l’américaine. Pourtant le pays est plutôt à l’avant garde en matière de droit à l’information. Déjà en 1985, une loi du type « Freedom of Information Act » voyait le jour. Début novembre, lors de sa visite Dehli, Barack Obama saluait les mérites de l’e-panchayat, la mise en ligne des informations municipales pour permettre à tous de devenir un e-citoyen informé...

Mais dans un pays qui compte 5% d’internautes et dont à peine 2% des ménages possèdent un ordinateur, c’est à se demander si on aurait pas sauté une étape. Et on imagine mal les 400 millions d’analphabètes indiens (un tiers du chiffre mondial) aller surfer sur la toile.

C’est un fait : les nouvelles technologies sont entrain de transformer totalement le traitement de l’information au nom de la démocratie. Selon Video Volunteers, la plus grosse erreur serait que les plus défavorisés en soient exclus. Les rendre « acteurs de cette révolution en marche » est le leitmotiv de l’organisation. « La technologie élargit parfois le fossé entre les riches et les pauvres (…) et Internet est à des années lumières de certaines communautés. On peut apprendre à quelqu’un à faire un film en quelques semaines, apprendre à lire et à écrire, ça prend des années » explique la fondatrice, Jessica Mayberry.

Les vidéos India Unheard sont regardées par des milliers de personnes confortablement assises devant leur ordinateur – vous et moi - bien souvent des gens baignant dans le bouillon activiste et humanitaire international et non pas par le téléspectateur indien moyen. Interpellée par ce concept, la toute récente chaîne NewsX,qui cherche à se démarquer, a alors acheté le droit de les diffuser tous les soirs et en prime time. Pour la première fois, ces communautés marginalisées et mise à l’écart du monde médiatique et de la société publique, vont s’adresser au pays tout entier. Pour la première fois une chaîne grand public s’intéresse à un programme alternatif. Mais en parallèle India Unheard poursuit son chemin. Le réseau de correspondants s’agrandit, l’audience augmente et les premiers impacts se font sentir.Video Volunteers entreprend même d’élargir le programme à d’autres pays. Et si le milliard le plus pauvre de la planète détenait sa propre industrie des médias ? ("What if the poorest one billion people in the world had their own media industry ?" ) est le slogan de l’organisation.


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