Iran : Des médailles aux tyrans ?

par Mazdak Teherani
jeudi 10 août 2017

On se croirait chez George Orwell. Les mots perdent leurs sens et toutes les valeurs semblent inversées. La novlangue s’inscrit de plus en plus comme le langage commun, entendu et répété par tout le monde. La guerre, c’est la paix. L’ignorance, c’est la force… Et la rhétorique chère aux plus fanatiques des religieux et des croyants semble s’adapter à toutes les situations géopolitiques ; si vous n’êtes pas avec nous, c’est que vous êtes contre nous. Et donc que vous ne méritez rien d’autre que la mort.

Et tout ceci n’est même pas une caricature. Alors que le mouvement pour la justice pour les victimes du massacre de 1988 prend une ampleur internationale, et que le sujet s’est même immiscé lors des dernières (pseudos) élections présidentielles Iraniennes, les hauts dignitaires Iraniens sont invités à répondre aux différentes questions sur ce massacre. Et leurs réponses dépassent l’entendement. Insolence suprême, arrogance infinie, folie sans limite… Voilà comment pourraient être résumées leurs interventions. Dans un film, ces propos paraîtraient trop gros pour être crédibles. Mais nous ne vivons pas dans un film. Et c’est encore pire que ce vous pensez !

Comme c’est le cas pour chaque média lorsque les propos sont trop explicites, je me vois ici dans l’obligation de prévenir les lecteurs que ce qui va suivre pourrait les choquer. Nous allons citer différents intervenants, dignitaires du régime Iranien, dans leurs justifications du massacre de l’été 1988. Et pour tous ceux qui penseraient encore que l’Iran est devenu un régime modéré, le choc des propos tenus par ces dignitaires risque d’être violent. Car il apporte la preuve que la modération n’est pas un concept envisageable chez les mollahs, quelle que soit la faction qu’ils soutiennent.

Ali Fallahian, un CV de criminel long comme le Tigre

On peut tout simplement commencer par le guide suprême en personne, qui invite toute personne analysant ce massacre à ne « pas inverser la place du martyre avec celle du bourreau. » De son point de vue, donc, les morts assassinés sont les bourreaux, et les exécuteurs les martyres… Mais un des personnages les plus intéressants sur le sujet reste Ali Fallahian, ancien ministre du renseignement entre 1988 et 1997, sous la présidence criminelle de Rafsandjani. Ce haut dignitaire Iranien vit en toute impunité et en toute quiétude à Téhéran, alors qu’Interpol a lancé plusieurs mandats d’arrêts internationaux à son encontre.

La tuerie des leaders du Parti Démocratique du Kurdistan iranien au restaurant Mykonos à Berlin en septembre 1992, c’est lui. L’explosion du Centre juif de Buenos Aires, tuant 85 personnes, c’est encore lui. L'assassinat du Dr. Kazem Radjavi, représentant de la Résistance iranienne en Suisse, le 24 avril 1990, c’est toujours lui. Par l’intermédiaire du Vevak, services secrets parmi les plus violents qui existent au monde. Et cette liste n’est pas exhaustive. Aujourd’hui, l’homme semble en paix avec sa conscience, si tant est qu’il puisse encore en avoir une. Un homme sans conscience n’est plus un homme, mais un simple psychopathe, un prédateur, portant en lui des valeurs très éloignées de l’amour universel que peut prôner quelque forme de spiritualité que ce soit.

Il faut dire que Fallahian est un adepte de la frange dure. Très dure même. Et qu’il est bien entouré dans les hauts rangs Iraniens : « Montazeri était convaincu que ces exécutions allaient se retourner contre nous et qu’il fallait éviter ces méthodes qui donneront l’alibi à nos ennemis d’écrire contre nous et de nous salir, alors que l’Imam était convaincu qu’il fallait accomplir notre devoir religieux, sans se soucier du jugement de l’Histoire ». Ali Montazeri était persuadé que l’éradication des membres de la résistance (OMPI) relevait bien plus du génocide ou du crime de guerre que de l’anéantissement de la rébellion. Longtemps n°2 du régime, l’homme a payé cher son opinion divergente…

La révolution Islamique Iranienne, résurgence de la barbarie moyenâgeuse

En 1988, toute personne suspectée d’appartenir à l’OMPI ou même simplement de distribuer des tracts, des journaux, ou de la nourriture à des membres présumés de l’OMPI fut arrêtée, parfois torturée et toujours exécutée. Indépendamment du genre et de l’âge. Des enfants sont entrés en prison pour 6 ou 8 ans à l’âge de 12 ans, avant d’être exécutés alors même que leur peine était purgée. Comment justifier des actes aussi barbares ? Aussi simplement que le fait Ali Fallahian… « Quand quelqu'un est membre d'un groupe militaire, ce groupe se bat avec des armes, que cette personne soit armée ou non... Maintenant, quelqu'un peut aller acheter du pain pour les gens dans cette maison secrète. Ou quelqu'un, par exemple, fournit d'autres matériels... Finalement, il est avec eux. »

« Nous devons tous garder à l’esprit que le verdict pour un membre des Moudjahidine Mohareb (ennemi de Dieu) est la peine de mort, c’était à la fois la fatwa de l’Imam et son verdict ». Finalement, pour un mollah Iranien, les choses sont simples. Si vous n’êtes pas avec moi, c’est que vous êtes contre moi. Et comme le maître, c’est moi… Mais certains de ses coreligionnaires vont encore plus loin. Lors de la prière du vendredi 28 juillet dernier, Ahmad Khatami, membre influent de l’Assemblée des experts du régime iranien a quant à lui déclaré que le massacre de l’été 1988 «  fut un mouvement divin mené par l’imam [Khomeiny] pour se débarrasser de l’OMPI. Tous ceux qui ont agi conformément à ses ordres devraient être récompensés par des médailles... »

Alors, l’Iran, un pays démocratique modéré ?


Lire l'article complet, et les commentaires