Iran et nucléaire : Kouchner, la grenouille, le boeuf et les diplomates
par John T.
mercredi 19 septembre 2007
Dimanche, M. Bernard Kouchner déclarait que la communauté internationale devait « se préparer au pire » dans la crise du nucléaire iranien. « Le pire, c’est la guerre », a-t-il dit quand on lui demandait ce qu’il entendait précisément par ce terme. C’est l’histoire d’une grenouille (française) qui voulait être un boeuf (américain, mais sans les hormones)... ;)
Suite aux déclarations de M. Kouchner ce dimanche 16/09/2007, notre Premier ministre vient de confirmer que son ministre des Affaires étrangères "avait raison" et que la situation avec l’Iran est d’une "très grande tension".
Je pensais que la carrière de M. Kouchner l’avait forgé à un langage plus modéré, une diplomatie à toute épreuve, il semblerait que non.
Allant jusqu’à l’extrême, notre fier ministre a donc placé la France dans l’offensive vis-à-vis de l’Iran, se positionnant sur la même ligne de conduite que le gouvernement d’extrême droite hollandais... belle image pour le pays des droits de l’homme.
La réponse ne s’est pas fait attendre. D’abord l’Iran, qui juge que ces déclarations ne sont pas dignes "de la tradition historique et culturelle de la France et sa civilisation" et l’IRNA (agence de presse officielle iranienne) qui voit dans N. Sarkozy "un Européen qui s’est glissé dans la même peau que celle des Etats-Unis et dont il imite les ’sorties’ et les postures nuisibles".
Les plus fâchés sont sans doute les partisans de l’AIEA et son président M. El Baradeï qui déclare, je cite, "nous avons affaire à un dossier très lié à la paix, à la sécurité et à la stabilité régionale au Proche-Orient et c’est pourquoi je demanderai à tout le monde de ne pas se laisser emporter jusqu’à ce que nous soyons parvenus au bout de la procédure"... et "j’ai clairement signifié que je ne voyais pas en ce moment de danger évident concernant le programme nucléaire iranien".
De son côté l’Allemagne, au travers de son porte-parole, M. Martin Jäger, s’est rapidement démarqué de ces propos français en indiquant : "Il serait faux de parler de menaces de guerre : au contraire, nous prenons cela comme la preuve que nos amis français prennent la situation au sérieux et qu’ils s’efforcent activement avec nous de parer à un tel développement".
La condescendence avec laquelle M. Fillon a parlé de l’Iran aujourd’hui est choquante : "Je crois que les Iraniens doivent comprendre" - !!! les Iraniens seraient-ils donc bêtes ? - "que la tension est à son extrême et en particulier dans la région, dans la relation entre l’Iran et ses voisins, dans la relation entre l’Iran et Israël. Nous sommes dans une situation de très grande tension". Questions : Quels sont les pays frontaliers de l’Iran qui se plaignent de ce pays en ce moment ? L’Irak que l’Iran arrose de milliards de dollars ou l’Afghanistan dont on a pu observer la fraternité avec le gouvernement de Téhéran lors des visites de son président ?... Ou seulement Israël ?
Une des demandes de M. Kouchner est la limitation des investissements en Iran. Pourtant à en croire les dernières estimations, la France est le 3e partenaire financier de l’Iran et a investi en 2007 plus de 30 milliards de dollars dans ce pays (voir cet article) majoritairement dans le secteur pétrolier et industriel. Qui pourrait donc croire qu’il serait profitable à la France de perdre ses contrats actuels en Iran dans le seul but de défendre Israël contre une hypothétique bombe iranienne dont l’ONU certifie qu’il n’y a aucune preuve d’existence et à laquelle seuls une poignée de pays s’efforcent de faire croire malgré les multiples propositions que l’Iran leur a fait dans le sens de la transparence et de la coopération (voir cet article concernant la proposition iranienne de consortium atomique franco-iranien, rejetée par Paris) ?
Qui va soutenir une France qui joue hors-ONU et partirait en guerre sans preuve tangible alors même qu’elle accusait les Etats-Unis d’en faire de même à propos de l’Irak ? La Hollande ? Qui d’autre ? Et vous ?
Qu’espère notre gouvernement à ce sujet ? Une confrontation militaire frontale avec l’Iran ? C’est stratégiquement suicidaire, on le sait. Une crise boursière au moment où le baril de brent a passé la barre des 83$ ?... Une recrudescence du risque terroriste en France peut-être ?
Une question que je me pose de plus en plus : l’axe NewYork-Tel Aviv passerait-il désormais par Paris ?