Iraq : la corruption mine la sécurité bien plus que les attentats
par Michel Koutouzis
mercredi 1er juillet 2009
Selon Trasparency International, l’Iraq est le troisième sur la liste « des pays les plus corrompus », juste après la dictature birmane et le non-Etat somalien. Les bénéfices de ces pratiques dans l’armée, censée remplacer celle des Etats-Unis, sont si importants qu’aujourd’hui il faut payer au moins cinq cent dollars pour être « engagé » comme simple trouffion. Selon Alia Nusaif, parlementaire faisant partie du comité anticorruption de l’assemblée, des milliards de dollars sont chaque année perdus à cause de ces pratiques, qui vont, c’est un euphémisme, dans le sens d’une économie irrationnelle. Ce même comité anticorruption, créé pour répondre à plus de 12 000 plaintes contre l’administration, vient de publier une liste des ministères les plus corrompus : défense, intérieur, économie et finances, éducation, santé, etc. D’après les dires d’ Alia Nusaif, rapportés par la BBC, le comité n’a pu « gratter qu’en surface ». Lutter contre la corruption se révèle un sport dangereux. Madame Nusaif est bombardée de poursuites, ce qui semble un moindre mal : la semaine dernière, un autre membre de ce comité a été assassiné dans la rue à Bagdad.
Le pactole que le gouvernement iraquien propose aux compagnies pétrolières implique des « manques à gagner » faramineux, et dont personne ne veut mettre une croix dessus. D’après le général David Walker qui, en 2006 présentait son rapport au sénat américain au comité de la « stratégie nationale pour une victoire en Iraq », la corruption dans le secteur des hydrocarbures était « gigantesque » : 10 % du pétrole raffiné et 30% du pétrole importé disparaissent des circuits officiels pour rejoindre le marché noir et la réexportation frauduleuse, surtout via la Turquie. Suivant l’exemple iranien, les potentats locaux branchent des pipe line personnels sur les terminaux, cela diminuant de près de 40% les arrivages à la destination finale. Quant aux dépôts stratégiques, à Kirkuk ou à Bayji entre autres, ils sont devenus des « supermarchés de la trêve » : alliés et ennemis se retrouvent pour percevoir leur dîme. Les ponctions sont universelles : les chefs de bandes kurdes et turkmènes, la mafia du pétrole, les militaires, Al Quaida, tout le monde se nourrit sur la bête.