Israël 2019 : chant du cygne pour Benyamin Netanyahou ?

par Sylvain Rakotoarison
mercredi 18 septembre 2019

« Il y a trois sortes d’hommes politiques : ceux qui troublent l’eau ; ceux qui pêchent en eau trouble ; et ceux, plus doués, qui troublent l’eau pour pêcher en eau trouble. » (Arthur Schnitzler).



Ce mardi 17 septembre 2019 ont eu lieu de nouvelles élections législatives pour les 6,4 millions d’électeurs d’Israël. Pourtant, les citoyens israéliens ont déjà voté le mardi 9 avril 2019. Comme dans la plupart des démocraties (des "vraies" démocraties), le paysage politique israélien est particulièrement éclaté. Il suffit pour s’en convaincre (c’est un critère comme un autre) de voir quel est le score du premier parti. Ce premier parti, ce fut le Likoud qui a recueilli le 9 avril 2019 seulement 26,5% des voix, et encore, à l’époque, il a progressé de 3,1 points par rapport aux précédentes élections législatives du 17 mars 2015. De plus, ce score du printemps fut le meilleur du Likoud depuis 2003 !

Le caractère éclaté de la classe politique ainsi que le scrutin proportionnel ont rendu impossible toute formation d’une majorité gouvernementale (du reste, on retrouve la même situation actuellement en Espagne). Résultat, dans la nuit du 29 au 30 mai 2019, le Premier Ministre sortant Benyamin Netanyhou a fait dissoure la Knesset (la chambre des députés) et les urnes ont de nouveau parlé ce 17 septembre 2019.

Insistons sur le fait que six mois viennent d’être perdus à cause du scrutin proportionnel… à un moment pourtant clef de la vie d’Israël. En effet, l’attaque des puits de pétrole de l’Arabie Saoudite du 14 septembre 2019, réduisant de moitié la production de pétrole (soit 6% de production mondiale) pourrait embraser l’ensemble de la région, dans le cadre d’une guerre entre sunnites (Arabie Saoudite) et chiites (Iran) qui a déjà lieu, très meurtrière, au Yémen.

Israël a donc évidemment besoin d’un gouvernement fort, stable et on aurait imaginé que les électeurs auraient voulu réagir après leur "indécision" du printemps. En fait, les résultats du scrutin qui sont en train de se préciser (voir plus loin) montrent au contraire un éclatement accentué du paysage politique et surtout, les deux grands partis au coude à coude.

Pourtant, la classe politique elle-même avait réagi à cet éclatement après avril 2019, j’allais écrire, avait "bien" réagi, cet adverbe n’ayant pas le sens de jugement (je me garderais bien de savoir ce qui est "bien" ou "mal" pour un pays étranger, aussi ami soit-il), avec des partis qui ont cherché à se consolider en s'unifiant, en se coalisant, en formant des alliances de rassemblement.



Comme lors des élections législatives du 9 avril 2019, le duel politique se fait entre deux leaders politiques principaux : Benyamin Netanyahou (69 ans), Premier Ministre du 18 juin 1996 au 6 juillet 1999 et depuis le 31 mars 2009 (il a battu, il y a quelques mois, le record de longévité à ce poste détenu alors par le fondateur de l’État d’Israël, David Ben Gourion), chef du Likoud, parti politique déjà ancien (une cinquantaine d’années) de droite et de centre droit, et le général Benny Gantz (60 ans), ancien chef d’état-majori de Tsahal du 14 février 2011 au 16 février 2015.

Ce dernier s’est engagé dans la vie politique le 27 décembre 2018 en fondant son propre parti, centriste, Résilience pour Israël, constituant le 21 février 2019 une alliance appelée Bleu et Blanc (les couleurs du drapeau national).

Les élections législatives du 9 avril 2019 avaient été initialement prévues le 5 novembre 2019, mais le parti d’Avigdor Liberman était opposé au cessez-le-feu avec le Hamas dans la bande de Gaza, si bien qu’il s’était retiré de la majorité de Benyamin Netanyahou. La faible majorité (à 1 siège près) a explosé à la suite d’un désaccord avec un parti orthodoxe sur le service militaire. Le 26 décembre 2018, la Knesset a alors voté le principe d’élections anticipées par 102 voix sur 120.


Le 9 avril 2019, la participation a baissé à 68,5% des inscrits. Le parti de Benyamin Netanyahou, le Likoud, a amélioré ses résultats du 17 mars 2015 avec un gain de 5 sièges, ce qui l’a amené à avoir 35 sièges sur 120, avec 26,5% des voix, mais la nouvelle coalition de Benny Gantz a atteint un niveau similaire, 26,1% des voix, lui attribuant également 35 sièges. Quant au parti travailliste, qui fut l’un des grands partis qui ont gouverné Israël depuis sa fondation, il n’a représenté plus que 4,4% des voix, lui donnant seulement 6 sièges (au lieu des 19 obtenus en 2015).

Considéré comme le grand vainqueur du 9 avril 2019 (reconnu par Benny Gantz heureux d’avoir mis en place un parti permettant l’alternance future), Benyamin Netanyahou fut chargé de composer un nouveau gouvernement, mais a échoué pour les mêmes raisons qu’à la fin de l’année 2018, ses alliés de droite refusant certains points de sa politique (toujours à propos du service militaire). Refusant de s’allier vers sa gauche (comme ce fut le cas entre 2009 et 2013), Benyamin Netanyahou a préféré dissoudre la Knesset une nouvelle fois, votée le 29 mai 2019.

Comme je l’ai écrit plus haut, la plupart des partis se sont regroupés pour ces nouvelles élections du 17 septembre 2019, en particulier, Koulanou (formation centriste) a fusionné dans le Likoud. Ehud Barak (77 ans), ancien Premier Ministre travailliste du 6 juillet 1999 au 7 mars 2001 et Ministre de la Défense de Benyamin Netanyahou jusqu’au 18 mars 2013, a créé le 26 juin 2019 un nouveau parti, le Parti démocratique, qu’il a intégré dans une alliance plus vaste, l’Union démocratique, de centre gauche. Selon les premières indications, son pari d’en faire un grand parti de gouvernement a échoué, avec seulement 5 sièges obtenus.

Les premières indications des résultats des élections législatives du 17 septembre 2019 montrent que le pari de Benyamin Netanyahou de les gagner est en train d’être perdu. Par rapport au 9 avril 2019, la participation s’est très légèrement améliorée (69,4%).

Selon le dépouillement de 63,10% des bulletins (situation de ce mercredi 18 septembre 2019 à 12h53, heure de Jérusalem), Bleu et Blanc obtiendrait 25,66% des voix et le Likoud 25,03% des voix. Les deux coalitions verraient baisser leur importance à la Knesset avec 33 sièges chacun sur 120 au total. Le vrai bénéficiaire de ces nouvelles élections semble être le parti d’extrême droite d’Avigdor Lieberman qui passerait de 5 à 9 sièges. Shas aussi gagnerait un siège avec 9 sièges.

Benny Gantz, prenant ses responsabilités, a déjà proposé de conclure une "grande coalition" entre le Likoud et Bleu et Blanc, pour éviter qu’un petit parti prenne en otage l’ensemble de la classe politique, mais à la condition d’exclure du futur gouvernement Benyamin Netanyahou. La question est alors de savoir si ce dernier peut accepter une telle configuration qui permettrait à son parti de garder le pouvoir (voire de continuer à diriger le gouvernement s’il arrivait en tête, comme cela semblerait se dessiner, mais cet ordre peut encore se modifier). Cela l’obligerait à se retirer de la vie politique, à laisser un "héritier" au sein du Likoud prendre la direction des affaires.

Rien, en tout cas, ne semble en mesure de lui permettre de trouver une majorité en dehors de cette solution de grande coalition, dans la mesure où les causes des dissolutions de décembre 2018 et de mai 2019 restent les mêmes. Les jours de Benyamin Netanyahou à la tête du gouvernement israélien sont donc comptés…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 septembre 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les élections législatives israéliennes du 17 septembre 2019.
Poisons et délices de la proportionnelle.
Les enjeux des élections législatives israéliennes du 9 avril 2019.
Golda Meir.
La lutte contre l’antisémitisme est l’affaire de tous !
Les Accords de Camp David.
La naissance de l’État d’Israël.
Massacre à Gaza.
Emmanuel Macron et le Vel d’Hiv (16 juillet 2017).
Tentative de paix en 1996.
Un géant à Jérusalem.
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