Israël adhérera-t-il à un accord américano-iranien  ?

par Dr. salem alketbi
mardi 18 juillet 2023

Analysant la position d’Israël sur un éventuel accord américano-iranien, le Premier ministre Benjamin Netanyahou affirme une position résolue, affirmant qu’Israël ne sera lié par aucun accord avec l’Iran. Israël, ajoute-t-il, prendra les mesures nécessaires pour se défendre.

Toutefois, il semble que les cercles israéliens soient de plus en plus enclins à accepter un cadre d’entente entre Washington et Téhéran, facilité par divers intermédiaires tels que le sultanat d’Oman.

Certaines personnalités israéliennes influentes affirment qu’une «  entente  » pourrait entraîner moins d’obligations qu’un accord formel. Néanmoins, l’objectif principal reste de parvenir à un consensus sur la relance de l’accord nucléaire de 2015 et le renouvellement de ses dispositions, en particulier celles relatives à l’enrichissement de l’uranium dans les installations nucléaires iraniennes.

Lors d’une interview sur Channel 12, Yuli Edelstein, président de la commission des affaires étrangères et de la défense à la Knesset, a exprimé son point de vue sur la nature de l’accord potentiel. M. Edelstein l’a décrit comme un mini-accord ou un protocole d’accord, plutôt qu’un accord global. Il a en outre souligné qu’Israël pourrait accepter un tel accord s’il prévoyait un contrôle rigoureux.

Il est intéressant de noter que le bureau du Premier ministre Netanyahu s’est abstenu de commenter les déclarations de M. Edelstein et leur alignement sur le point de vue du gouvernement, ce qui suggère l’existence de perspectives divergentes au sein du gouvernement israélien, de la sphère législative et des partis. Cette divergence de vues représente un développement positif qui permet une certaine flexibilité dans l’établissement d’un terrain d’entente entre Israël et les États-Unis concernant l’accord nucléaire, plutôt qu’une position israélienne rigide et intransigeante.

Le principe sous-jacent reste inchangé  : Israël, quelle que soit la coalition au pouvoir, reconnaît qu’il est extrêmement important de maintenir son alliance exceptionnellement forte avec les États-Unis. Parallèlement, Washington, quel que soit le parti ou la personne au pouvoir, ne peut se permettre de compromettre un accord qui mettrait en péril la sécurité et les intérêts fondamentaux d’Israël, en particulier à l’approche des élections présidentielles américaines de 2024.

Les développements en cours reflètent une manœuvre stratégique visant à sauvegarder les intérêts des deux alliés. Les négociateurs américains peuvent exploiter le refus constant d’Israël d’approuver la relance de l’accord nucléaire comme un moyen de faire pression sur l’Iran et d’obtenir les concessions les plus avantageuses.

L’objectif premier est d’assurer la sécurité d’Israël face à la menace nucléaire iranienne tout en préservant sa flexibilité stratégique. Cet objectif est atteint en affirmant constamment la position non contraignante d’Israël sur tout accord entre les États-Unis et l’Iran concernant le programme nucléaire. Ce faisant, Israël vise à neutraliser ou à retarder la menace que représentent les ambitions nucléaires de l’Iran sans compromettre sa propre capacité de manœuvre tactique.

L’alignement des positions, entre le refus de s’engager dans tout accord américano-iranien, d’une part, et le plaidoyer pour des conditions plus strictes dans le cadre d’un tel accord ou même la dilution de sa forme pour tomber dans la catégorie des ententes plutôt que des accords formels, permettant ainsi aux futures administrations américaines de se désengager si nécessaire, sert probablement à la fois les intérêts d’Israël et ceux de l’Iran, bien que de manière différente.

L’Iran a la possibilité de se dissocier de tout accord potentiel conclu, et il est probable que les négociateurs iraniens trouveraient ce format acceptable en raison de sa force contraignante limitée. Cette absence de force contraignante substantielle est principalement due à l’accent mis sur le respect mutuel, par opposition au recours au droit international pour remédier aux violations. Les ententes ou protocoles d’entente sont considérés comme une étape préliminaire aux traités et accords formels entre les nations et, par conséquent, n’ont pas de force exécutoire. Les experts les perçoivent comme des «  accords potentiels  » plutôt que comme des accords concrets.

Néanmoins, Israël exploite efficacement sa position concernant les actions américaines à l’égard de l’Iran dans d’autres domaines. Il est particulièrement intéressant d’observer les efforts intensifs déployés par les États-Unis pour finaliser des accords de paix avec d’autres acteurs arabes et du Golfe, notamment le Royaume d’Arabie saoudite, ce qui suscite une attention exceptionnelle de la part des parties prenantes tant israéliennes qu’américaines.

Il est indéniable que le rejet de l’idée de revenir à l’accord nucléaire de 2015 et l’exploration de formats alternatifs signifient, d’une part, un triomphe pour la diplomatie israélienne, qui a été un acteur clé plaidant pour clore le chapitre de l’accord et empêcher sa réintégration. D’autre part, l’administration Biden considère la conclusion de toute forme d’accord avec l’Iran comme une étape souhaitable, visant à accumuler les succès en matière de politique étrangère, compte tenu de son bilan relativement faible dans ce domaine.

Du point de vue iranien, la conclusion d’un accord avec Washington, quelle que soit la nature du cadre - qu’il s’agisse d’un protocole d’accord, d’un accord formel ou de toute autre structure - ferait de Téhéran le vainqueur incontestable. Un tel accord donnerait la priorité à l’accès de l’Iran aux fonds gelés à l’étranger et impliquerait une levée partielle ou complète des sanctions américaines en échange de son engagement à réduire les niveaux d’enrichissement de l’uranium aux limites stipulées dans l’accord de 2015.

L’accord actuel limite les activités d’enrichissement de l’uranium de l’Iran, autorisant la production d’uranium faiblement enrichi contenant trois à quatre pour cent d’isotopes U-235, qui convient pour le combustible des réacteurs nucléaires. En outre, l’Iran est censé maintenir un stock d’uranium faiblement enrichi ne dépassant pas 300 kilogrammes.

Or, l’Iran a dépassé ces deux conditions, avec des niveaux d’enrichissement supérieurs à 60 % et des quantités d’uranium faiblement enrichi supérieures à 300 kilogrammes. Par conséquent, la question du rétablissement des restrictions sur le programme nucléaire semble être principalement une question de formalités. Cela s’explique par les difficultés liées à la vérification de la conformité par l’Agence internationale de l’énergie atomique, influencée par divers facteurs, et le problème sous-jacent ne réside pas seulement dans les quantités et les stocks, mais plutôt dans la possession par l’Iran de la technologie nucléaire elle-même.

Selon moi, tout accord potentiel qui pourrait être conclu entre Washington et Téhéran n’impose pas de contrainte stratégique à Israël.

Du point de vue d’Israël, la consolidation et la validation de sa capacité à préserver sa sécurité et sa stabilité constituent des garanties cruciales pour dissuader l’Iran de poursuivre l’enrichissement de l’uranium. Israël dispose ainsi d’une marge de manœuvre pour faire face à la menace nucléaire iranienne par des méthodes non traditionnelles, notamment des cyberattaques et d’autres moyens non conventionnels.


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