Israel/palestine : l’inévitable pardon

par Caleb Irri
mercredi 28 novembre 2012

J’ai écrit un article sur le conflit israélo-palestinien. Comme une bouteille à la mer, quelque chose qui se voulait présomptueusement « au dessus de la mêlée » et qui pour moi paraissait naïvement logique tant ce conflit m’apparaît aberrant. J’ai beaucoup hésité avant de le publier, et je croyais avoir suffisamment fait attention à ce que mes mots ne fâchent personne, pour ne pas créer de malentendu, afin que l’esprit du lecteur puisse se concentrer sur « l’après », et pas sur la comptabilité du nombre de morts ou d’horreurs subies par des êtres humains, dont les vies sont toutes également précieuses.

Mais force est de constater que je n’ai pas réussi à faire passer mon message. Il apparaît, au nombre de critiques reçues à cet égard (et auxquelles je n’ai pas pu répondre individuellement, je leur prie de bien vouloir m’en excuser), que je suis moi-même tombé dans ce qu’un de mes plus virulents critiques appelle « le syndrome de Tom et Jerry, c’est-à-dire une sorte de « non-engagement » intellectuel qui est passé pour de la lâcheté : à trop vouloir ne blesser personne, je n’ai pas pris le soin de confirmer ce que j’avais déjà dit sur le sujet , et que je croyais stupidement acquis, au moins pour mes lecteurs « habituels » : la politique menée par le gouvernement israélien est ignoble et inhumaine, et je ne désire ni minimiser l’horreur de cette politique, ni mettre sur le même plan les souffrances subies par les Palestiniens dans leur ensemble et… je m’aperçois que je cherche le terme à employer pour parler sans choquer quiconque- le défi est rude à relever sur le sujet- de ce que « subissent » (mais « subissent » est-il approprié ?) les Israéliens : sont-ce des souffrances, ou des vexations, et peut-on dire que la peur est une souffrance ?
Car même si les rapports meurtriers sont impossibles à faire - question d’échelle (sur environ 10 000 morts depuis plus de 20 ans, on compte à peu près 8 500 morts Palestiniens- voir chiffres en 2009, contre 1 500 morts Israéliens - le tout sans compter les morts de faim, de maladies, les réfugiés, ceux qu’on ne compte pas, etc…), les Israéliens reçoivent tout de même quelques roquettes, qui tuent parfois ; et pour les familles de ces victimes on doit bien pouvoir parler de souffrances… Mais plus de 1 000 morts, peut-on parler de « quelques » souffrances, ou doit-on parler de « souffrances » en général ? La souffrance d’une famille israélienne vaut-elle plus, ou moins, ou autant que celle d’une famille palestinienne ?

Enfin toujours est-il que s’il faut parler au niveau des « Etats » (mais là aussi le terme est ambigüe), ou au niveau « global », « démographique », bien entendu la victime est palestinienne, et le bourreau est bel et bien israélien.

Cela étant dit et précisé clairement, je ne renie donc pas cet article car une fois cette constatation établie, le problème reste le même : que peut-on faire, imaginer, proposer pour que ce conflit s’arrête ?

Faut-il appeler à la vengeance éternelle et impossible des Palestiniens et rayer Israël de la carte ? Faut-il leur fournir des roquettes supplémentaires, ou continuer de se satisfaire d’être « du côté des gentils » pour continuer à croire qu’un jour les Etats-Unis oublient de mettre leur veto à une résolution véritablement contraignante de la part de la communauté internationale ? Ou que les dirigeants israéliens se réveillent un matin en se disant « cela a assez duré, nous allons faire la paix » ?

Voilà le véritable sujet de l’article. Pour moi, il s’agit non pas d’oublier ni de faire comme si les horreurs n’avaient pas existé, mais de passer au dessus - même si cela paraît impossible - et de se pardonner pour pouvoir offrir aux générations suivantes un autre avenir que la certitude de la misère et l’oppression, pour toute leur vie, avec comme seule perspective d’atteindre un jour quelques civils, là-bas de l’autre côté, juste pour « se venger ». C’est inévitable. Et il ne s’agit pas non plus de confondre un gouvernement avec son peuple (dans aucun pays au monde d’ailleurs). Car je reste persuadé que si on interrogeait les acteurs et les victimes de ce conflit, la majorité des Israéliens comme des Palestiniens seraient pour la paix.

Seulement comment faire la paix si personne n’est d’accord sur les frontières, sur les « dédommagements », comment faire si les roquettes continuent de tomber pour faire cesser le blocus et que le blocus continue d’être appliqué pour éviter aux roquettes d’être acheminées ? Sans doute si j’étais Palestinien je voudrais moi-aussi lancer des roquettes. Mais sans doute aussi si j’étais Israélien je voudrais moi-aussi la mort des lanceurs de roquettes.

Les dirigeants de ces deux « pays », de ces deux « entités », ont un intérêt bien compris à se poser en garants qui de sa sécurité, qui de son combat pour l’indépendance. Mais ce sont eux les principaux responsables de cette situation qu’ils perpétuent. Ils n’accepteront jamais aucune solution qui menace leur pouvoir ou leur autorité, et ils considéreront toujours un compromis comme un recul ou un échec. C’est pour cela que seuls les peuples concernés sont en mesure de faire la paix. Car eux-seuls sont capables de pardonner. Non pas par lâcheté ni par trahison pour leur cause, mais pour leurs enfants, et tous ceux qui viendront après eux. Et même si ce n’était pas pour cela, ils doivent le faire pour le reste du monde.

Il ne suffit plus de dire « les Palestiniens sont traités comme des sous-hommes, il faut punir les Israéliens pour leurs crimes » ; il faut que les peuples se lèvent ensemble pour dire « nous ne voulons plus de cette situation, arrêtons le massacre ». C’est sans doute un voeu pieu, et je serais ravi qu’on ricane à mon propos. Mais qu’on me dise alors ce qu’il faut faire, et si ce qu’on fait actuellement est suffisant.
Et qu’on ne vienne plus me dire que je soutiens la politique israélienne : je suis pour la paix, et la paix ne peut exister sans le pardon.

 

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr


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