J’ai 100 ans et j’suis pas content (que le grand Kirk me croque !)

par Pale Rider
mercredi 9 novembre 2016

C’est un Américain fils d’émigrés russes. Il aura 100 ans le 9 décembre, et il avait expliqué pourquoi Donald Trump est un type extrêmement dangereux. Hélas, les « jeunots » ne l’ont pas écouté.

Est-ce que vous connaissez Issour Danielovitch Demsky ? Eh bien oui, car ce n’est autre que Kirk Douglas, l’acteur à la fossette légendaire au menton, qui a joué dans plusieurs westerns et qui a, entre autres, tenu le rôle de Einar dans Les Vikings, ou le rôle de Spartacus dans… Spartacus. Douglas est un fils d’émigrés juifs biélorusses qui fuyaient les pogroms. Autrement dit, il n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche.

À l’époque de la chasse aux sorcières qui sévissait jusqu’à Hollywood, il a su imposer des gens qui sentaient le soufre. Et il a tourné des films qui ne sont pas anodins. Par exemple, il a incarné le colonel Dax dans Les sentiers de la gloire, un film qui fut longtemps interdit en France parce qu’il traitait des « fusillés pour l’exemple » dans l’armée française pendant la guerre de 14.

Kirk Douglas ne supporte pas les dictateurs et, selon lui, Trump balance des idées infâmes et dangereuses qu’il faut combattre frontalement. Et c’est justement parce qu’il est très vieux qu’il a le droit de parler et même de comparer Trump à un sinistre moustachu : « J’avais 16 ans quand [Hitler] a pris le pouvoir, en 1933. Pendant la décennie qui a précédé, on se moquait de lui – il n’était pas pris au sérieux. Il était considéré comme un bouffon qui ne pourrait jamais tromper une population civilisée et éduquée avec sa rhétorique haineuse et nationaliste. Les “experts” le considéraient comme un comique. Ils avaient tort. »

Reductio ad Hitlerum

Pour établir cette analogie, le vieux Kirk se réfère aux propos de Trump sur l’immigration : « tous ceux qui veulent rejoindre notre pays ne pourront pas être pleinement assimilés ». Ça, ça fait bondir Kirk Douglas : « Il y a quelques semaines, poursuit-il, nous avons entendu des mots en Arizona. Ils ont glacé le sang de ma femme Anne, qui a grandi en Allemagne. Ils auraient pu être prononcés en 1933. »

La comparaison avec Hitler, ça clôt toute discussion. C’est ce qu’on appelle le « point Godwin », ou la reductio ad Hitlerum  : une fois que vous assimilez quelqu’un à Hitler, il est satanisé. Mais du haut de ses 100 ans, Kirk Douglas ne débloque pas du tout, et cette reductio est hélas assez justifiée. Quand on entend les insanités que profère Trump sur Alicia Machado, une Miss Univers qui a le double tort d’être femme et latino, quand on constate que ce milliardaire (qui, en réalité, n’a fait que mal gérer la fortune héritée de son père) s’est arrangé pour ne pas payer d’impôts pendant 18 ans, quand on voit comment il considère les minorités alors que, en période Obama, les noirs se font déjà sommairement descendre par la police, il y a effectivement de quoi s’inquiéter.

Mea culpa

Hier, dans un précédent article, j’ai répondu ceci à une lectrice :

On peut tout à fait comprendre ce que vous dites [sur le mépris qu’il ne faut pas avoir sur les blancs déclassés par la crise] : c’est une réalité avec laquelle il faut compter, y compris chez nous. Et il n’y a pas de mépris à avoir de ce point de vue là seulement.
Mais aux USA, concernant les noirs qui sont là quasiment depuis les origines, et contre leur gré, votre argument ne tient pas. Certes, je ne crois pas que Trump ait dit quelque chose contre les noirs explicitement. Mais eux qui, déjà, sous un président noir, se font tirer comme des lapins par la police dans une impunité quasi totale, vous imaginez ce qu’ils deviendraient sous Trump qui, c’est le moins qu’on puisse dire, n’est pas un humaniste. Donc, il n’y a probablement aucun vote noir, latino, musulman, homo, ni minoritaire en général pour Trump ; probablement peu de femmes, indifférentes aux « balls » qu’il se vante vulgairement d’avoir et qu’il semble ne pas réserver qu’à Melania... Il ne lui reste plus que des blancs mâles qui croient son couplet sur la corruption dont il est un des premiers coupables.
On verra, mais il se pourrait que mamie Clinton remporte ces élections haut la main.

 

Pale Rider n’a donc pas brillé par son prophétisme. L’impensable s’est produit : la démocratie américaine s’est torpillée. Les États-Unis s’enfoncent dans une sorte de nuit qu’ils n’ont jamais connue dans leurs deux siècles d’histoire. Ils ont réussi à se donner pire que « W » Bush. « Deal with It », titrait Time  : « Il va falloir se le farcir » ou "Faut faire avec"…

Et nous, les Français-plus-malins-que-tout-le-monde, oserons-nous porter au pouvoir pire que Sarko ? Un commentateur politique, Thomas Legrand, disait sur France Inter qu’on ne peut plus, désormais, être surpris par les surprises. C’est le danger récurrent des périodes troublées : quand ça va mal, les masses sont prêtes à se prostituer au pire bateleur qui leur promettra des lendemains qui chantent. Mais ce sont des larmes qui attendent les neveux d’Uncle Sam, probablement des émeutes, peut-être la guerre civile. Quoi qu’il en soit, l’Amérique est fracturée en deux camps irréconciliables. Et nous ne sommes pas loin d’en arriver au même point chez nous.


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