« Je hais tous les Iraniens »

par Dominique Larchey-Wendling
vendredi 5 octobre 2007

Je n’ai même pas envie de faire un commentaire. Au moins, cette femme a le mérite de montrer la véritable nature de ceux que l’on va devoir combattre pour éviter le cataclysme.

"Je hais tous les Iraniens"

traduction d’un article de Gary Leupp, original ici.

En d’autres temps, c’était synonyme de suicide politique. Un officiel de l’administration Bush (plus spécifiquement, l’assistant du ministre de la Défense pour les affaires de la coalition) a prononcé les mots suivants devant un groupe de six parlementaires britanniques, "quoi qu’il en soit, je hais tous les Iraniens". Trois parlementaires qui étaient présents à cette réunion ont confirmé ces propos au tabloïd britannique le Daily Mail.

L’officiel en question, Debra Cagan, apparaît en photo dans le Daily Mail, dans une veste de cuir rouge accompagné de ce qui semble être un collier de cotte de mailles autour du cou doublé d’un pendentif en forme de croix martiale, bien qu’à ma connaissance cette femme soit juive. Ses cheveux sont gominés vers l’arrière comme chez un membre d’une de ces bandes de jeunes des années 50. Cela lui donne le look d’une "gouine dominatrice sado-maso" [Ndt : "butch dominatrix" expression argotique difficile à traduire]. J’espère qu’elle ne sera pas offensée par cette description parce qu’elle est fidèle et que je suspecte qu’il est dans son intention de projeter une telle image. (On pourrait la comparer à celle de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice quand elle débarqua à l’aéroport militaire de Wiesbaden en février 2005, portant une jupe noire laissant à peine entrevoir ses jambes, un grand manteau noir à boutons dorés descendant à mi-mollets, et une paire de bottes à talons hauts montantes jusqu’au genou. Quelle volonté d’affirmation vestimentaire anime ces puissantes femmes politiques ?)

Habillée de cette manière, elle affirme dans un aparté détendu avec de respectables Britanniques, comme s’ils étaient susceptibles de comprendre et pouvaient avoir une autre réaction que celle d’être consternés : "je hais tous les Iraniens". A-t-elle pris la précaution de préciser "juste entre nous les impérialistes" ? S’attendait-elle juste à ce qu’ils acquiescent sympathiquement et gardent cette information pour eux ? Le Daily Mail rapporte qu’ils ont en fait été "interloqués", ce qui nous rassure sur leur état mental.

Donc le mot est maintenant lâché, mais de manière prévisible, il a fait l’objet d’un démenti. Un officiel anonyme du département de la défense a assuré le Daily Mail "qu’elle ne s’exprime pas de cette manière". Au début du XXIe siècle, il n’est pas à la mode de haïr des peuples entiers, et dans les pays civilisés, il existe en fait des lois qui punissent les discours de haine. Un officiel du département de la défense ne peut pas dire à des parlementaires britanniques, "quoi qu’il en soit, je hais tous les juifs", par exemple. Cela était possible dans les années 1930, mais ça serait un suicide politique aujourd’hui. Mais peut-être est-il possible de dire la même chose que ce qu’a dit Cagan sans conséquence pour son emploi.

Lorsque la totalité des sénateurs appellent les Etats-Unis à "se confronter" à l’Iran, lorsque la totalité des parlementaires décident, sous l’injonction de l’AIPAC [Ndt : American Isaeli Public Affairs Committee], de refuser de demander que Bush consulte le congrès avant une attaque de l’Iran, lorsque l’empire Perse de Xerxès est dépeint de manière ridicule comme un ennemi de la "liberté" dans un film populaire [Ndt : le film 300], lorsque le président d’une grande université américaine utilise l’opportunité d’une invitation du président iranien pour l’insulter en long et en large avant de lui laisser la parole... Eh bien, vous comprenez que les normes de la civilité ne s’appliquent plus. La logique et la raison font pâle figure à côté de la puissance des mythes et des arrière-pensées de ceux qui cherchent à créer leur propre réalité, nouvelle, sauvage, et spectaculairement démente. Les nazis appelaient cela "le triomphe de la volonté" - la volonté qui anéantit ceux que l’on haît, les faibles, les insignifiants et qui permet aux "Übermenschen", les surhommes, de réaliser leur destin.

D’une certaine manière, il semble approprié qu’un officiel du département de la défense parle de manière aussi directe alors même que trois porte-avions américains croisent au large des côtes iraniennes, que la campagne de désinformation anti-iranienne richement dotée bât son plein, et que des idéologues néoconservateurs qui ont un large accès à la Maison-Blanche demandent explicitement le bombardement de l’Iran [Ndt : Norman Podhoretz]. Il s’agit-là du paroxysme naturel de la vague de diabolisation. Si vous les haïssez "tous" (alors même que vous êtes grotesque dans votre ignorance de leur très grande contribution à la civilisation humaine,) pourquoi ne pas les atomiser, eux, leurs monuments et leurs trésors, en détruisant 3000 ans d’Histoire, et en "les rayant de la carte" ? Pourquoi ne pas préparer l’opinion publique pour ce scénario bouleversant, tout en écrasant de ses bottes la conscience de tous les sympathisants de ceux que vous appelez "nègres des sables", alors que vous cherchez à propager l’évangile de haine de Bush ?

Gary Leupp est professeur d’histoire à l’université de Tufts, et professeur adjoint de l’étude des religions.


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