JO ou j’y vais pas ?
par Elbe
mercredi 26 mars 2008
Le 13 juillet 2001 le Comité international olympique (CIO) attribuait les jeux Olympiques d’été 2008 à la Chine. Ce fut alors un grand nombre d’interrogations qui investirent les milieux sportifs et politiques se demandant l’impact qu’aurait une telle manifestation sur la Chine mais également sur le monde.
Attribuer les olympiades à la Chine pouvait être vu comme un pari pour la démocratie reposant sur l’espoir d’une ouverture inévitable de ce pays pour accueillir athlètes, journalistes, organisations et politiques de tous pays. Cette désignation pouvait également être interprétée comme la conquête d’un marché économique au potentiel sans pareil sur la planète pour le marché du sport. Effectivement, quel domaine mercantile pourrait se priver d’une réserve d’approximativement un milliard de consommateurs ? Économique ? Sportif ? Toujours est-il que la question demeure problématique aux regards du traitement de la presse, de la population, de la politique africaine ou encore de l’oppression du Tibet exercés par la pouvoir communiste chinois. Les instances internationales, à quelques mois de l’allumage de la flamme olympique en terre pékinoise, réactivent l’hypothèse d’un boycott de la manifestation. Une telle éventualité nourrit désormais les débats médiatiques, familiaux ou encore politique. Tentons de voir les tenants et les aboutissants de cette réflexion en elle-même sportive.
Dès la désignation de Pékin, des voix du milieu du sport se sont levées pour exprimer les craintes et les réticences qu’elles auraient à jouter dans l’arène du sport pendant que le pouvoir chinois capitaliserait sur ces exploits pleins de sueur. La dimension hautaine des cercles politiques et institutionnels ont bien entendu très peu relayé ces revendications émanant pourtant du cercle des premiers concernés. Puis, le monde a commencé, continué, à s’intéresser à ce pays présenté comme futur acteur majeur des relations internationales et les affronts aux droits de l’homme constatés ont nourri l’idée de boycotter les olympiades afin de marquer la protestation de la communauté internationale, toujours délicate à identifier, au régime chinois. « Des droits de l’homme pas de jeux Olympiques », s’écria le dimanche 23 mars 2008 un militant pour le Tibet, il verra les compétitions des idoles de muscles au fond de sa geôle pendant cinq années.
L’histoire des JO connut quelques boycotts en temps de guerre froide comme à Moscou (1980) ou à Los Angeles (1984). Des décisions rattachées au contexte politique de l’affrontement des deux blocs et notamment de l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS. Si un tel acte avait fait du bruit dans le monde politique et sportif, les effets ne furent pas forcément ceux escomptés et renforça, dans une certaine mesure, l’opposition bipolaire. Toutefois, la relation politique et olympisme ne se limite pas à ces démonstrations d’envergure. En 1936, au milieu de la sordide démonstration du nazisme, il y eut Jesse Owens qui arracha quatre médailles d’or et qui finit dans les bras de son adversaire allemand Lutz Long en plein cœur de l’avènement de l’Allemagne hitlérienne. Quelques années plus tard, le testament du sportif allemand portera quelques mots pour l’athlète américain : « Après la guerre, vas en Allemagne, retrouve mon fils et parles-lui de son père. Parles-lui de l’époque où la guerre ne nous séparait pas et dis-lui que les choses peuvent être différentes entre les hommes... Ton frère. Lutz ». Preuve que l’humain peut parfois faire triompher les valeurs que toute une organisation finement menée rêve de cacher. On se souviendra également de ces points levés de Tommie Smith et de Mexico 1968 autre contradiction apportée aux hommes et aux femmes reléguant le sportif à un être aseptisé comptant ses points et ses mètres sans jamais se poser en penseur sans doute en raison d’une incompatibilité présumée entre short et réflexion.
Boycotter Pékin 2008 aurait-il un impact sur la politique chinoise décriée actuellement ? Si un acte de boycott fera, sans nul doute, beaucoup parler dans les pays occidentaux, l’impact médiatique à l’intérieur même de la Chine risque d’être plus mesuré voire inexistant. Il nous suffit de voir le silence entourant les « débordements » qui ont émaillé la célébration de l’allumage de la flamme le dimanche 23 mars 2008 dans les médias chinois. Parler de Boycott c’est également parler d’une décision politique qui n’aurait de réel effet que si l’ensemble des grandes puissances mondiales, économiques, mais également sportives, décident de concert ce boycott. Effectivement, si seule la France et l’Angleterre décident de ne pas participer aux olympiades de 2008, l’absence ne sera sans doute pas développée dans les journaux pékinois et le boycott passera par les voix du silence. Dans un tel contexte de maîtrise des moyens de communication, d’internet aux journaux en passant par les télévisions, par le pouvoir chinois, ne risquerions-nous pas de tomber dans une manifestation entre bonnes consciences occidentales pendant que le gouvernement chinois récolte le prestige et la fierté populaire des jeux Olympiques ? De plus, au moment où la société civile commence à s’organiser, de façon embryonnaire certes, un boycott pourrait être perçu comme une arrogance venue de l’Occident et servirait plus l’union nationale derrière le gouvernement que l’émergence d’une réelle démocratie et liberté d’expression.
Pékin 2008 c’est l’occasion de découvrir un pays, une culture et une organisation encore méconnue par l’opinion publique. Pendant environ un mois, des journalistes du monde entier pourront aller sur ces terres pour tenter de comprendre et de saisir les pensées du peuple chinois, d’aller à la rencontre des activistes de la liberté et aussi, pourquoi pas, d’établir des liens avec cette population. Il va de soit que si un boycott peut entraîner des effets pervers, le travail des journalistes et autres sphères qui seront menés à intervenir doit bénéficier de la liberté de circulation et d’expression afin que ce soit une réalité qui soit retransmise et non celle du gouvernement chinois. En effet, depuis quelques mois ce dernier élabore la mise en place d’une ville fidèle à l’image que les Occidentaux s’en font que ce soit au niveau architectural comme sociétal. Ainsi, rapporter des faits, établir des liens avec la population se doit d’être lié aux droits fondamentaux de l’homme afin que chacun des acteurs qui aura à se confronter aux structures chinoises puisse bénéficier de l’assurance de pouvoir agir dans le sens de la réalité et de ne pas être contraint à devenir des complices à leur insu d’une démonstration de force.
Pékin 2008 donne rendez-vous au sport, mais également aux défenseurs de la liberté du monde entier. Le réveil tardif des appelants au boycott, le silence des politiques de tous pays face aux dérives de la politique chinoise font que les mois précédents les JO sont perturbés et agitent, à juste titre, les questions autour de la participation à ces olympiades qui peuvent devenir symboles d’une puissance chinoise ou bien d’une puissance civile en éveil. Toujours est-il que c’est au peuple chinois de pousser les murs de l’oppression pour garder son destin en main. La communauté internationale, elle, ne peut que se présenter du côté de cette société civile, se battre pour les libertés, mais n’a pas le droit de faire la révolution pour les autres qui pourrait avoir, comme effet néfaste, de détruire plutôt que de construire une réelle démocratie tirant sa légitimité du peuple. Espérons que drapeaux tibétains et droits de l’homme feront une percée dans la Chine durant ces jeux Olympiques, mais aussi plus tard. Ce plus tard est dans les mains de la politique et se jouera au-delà d’une foulée, après les olympiades. Un bruit accompagne le Dalaï-Lama et les opprimés de Chine, espérons que la flamme ne s’éteindra pas avec les prémices d’une liberté. L’oubli après la sueur serait sans doute le plus dangereux boycott du peuple chinois.
Fabien Pie