Joseph Stiglitz à la tête de la Banque mondiale ?

par Michel Monette
vendredi 18 mai 2007

Maintenant que les jours de Paul Wolfowitz sont comptés, la quête de l’éventuel successeur peut commencer. Dans un geste d’apaisement envers un Congrès dominé par les démocrates, le président George W. Bush serait fort avisé de choisir Joseph Stiglitz. Après tout, cet économiste américain a toutes les qualités requises pour le poste de président de la Banque mondiale.

Professeur à l’université Columbia, prix d’économie 2001 en l’honneur de Nobel octroyé par la Banque de Norvège, vice-président et économiste en chef de la Banque mondiale de 1997 à 2000, principal conseiller économique de Bill Clinton de 1995 à 1997, Stiglitz a pris fait et cause pour les nations les moins favorisées de la terre. Il a eu le courage de dénoncer le Fonds monétaire international, reprochant à ce dernier de faire passer les intérêts américains avant les intérêts des pays qu’il est censé aider.

Stiglitz a contribué à renouveler la pensée de John Maynard Keynes, au point où on le considère comme un des économistes les plus représentatifs du «  nouveau keynésianisme ».

Bien entendu, Bush pourrait lui reprocher d’avoir ouvertement appelé à voter contre lui, et de s’en être pris aux chiffres officiels de son administration concernant les coûts de la guerre d’Irak, mais ce sont là des détails qui pèsent bien peu dans la balance de l’avantage stratégique à le nommer à la place de Wolfowitz. Outre le Congrès américain, la communauté internationale verrait d’un très bon oeil une telle nomination. Il apaiserait ceux qui reprochent aux États-Unis de maintenir leur emprise sur les institutions financières internationales.



Qu’est-ce que Stiglitz apporterait à la Banque mondiale et au développement international ? Une approche différente qui pourrait contribuer à faire avancer, paradoxalement, diront ceux qui le croient moins enthousiaste envers la mondialisation, l’intégration économique mondiale.

Il suffit de lire un de ces derniers textes (Towards a New Model of Development, Remarks Prepared for the China Development Forum, Beijing, mars 2007), pour constater qu’au fond, Stiglitz ne demande pas mieux que la réussite de l’économie de marché. Pour lui, les États ont un rôle crucial à jouer dans cette réussite, ne serait-ce que dans leur capacité de trouver et de mettre en application des solutions adaptées au contexte propre à leur économie.

Dans le cas de la Chine, les récentes années de croissance économique dues à ses exportations doivent désormais être suivies d’une politique visant le développement du marché domestique, soutient Stiglitz. Les bases sont solides, puisque la Chine a profité du boom de ses exportations pour développer sa capacité d’innovation ainsi qu’un environnement institutionnel interne favorable, dont un solide système financier domestique.

Ce qui manque à la Chine, c’est une meilleure répartition de la richesse qui va faire en sorte que la demande intérieure pour des produits et services puisse augmenter rapidement. Mais, avertit Stitglitz, l’absence d’un filet social solide contribue davantage à nuire au développement de la consommation intérieure. Encore ici, seul l’État peut mettre en place un système de santé, un système de protection sociale et un système éducatif efficaces qui vont détourner les ménages de leur habitude d’épargne préventive.

Enfin, dernier élément non négligeable, l’État doit soutenir les PME, créatrices de beaucoup d’emplois, qui ne réussissent pas à obtenir du crédit auprès des banques, celles-ci préfèrant prêter aux grandes entreprises. À ce propos, Stiglitz donne comme exemple le programme de soutien financier du gouvernement américain aux petites et moyennes entreprises de ce pays.

De toute évidence, Joseph Stiglitz possède toutes les qualités requises pour prendre la relève de Wolfowitz. Même la Chine pourrait voir d’un bon oeil sa venue à la tête de la Banque mondiale. Il apporterait un vent de renouveau dont pourraient bénéficier à la fois les pays les moins avancés, les pays en transition et les pays riches.

Les paris sont ouverts, quelqu’un veut proposer une autre candidature ?


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