Journée mondiale du refus de la misère : quels enjeux ?

par Mohamed Saleck
mercredi 22 octobre 2008

Accepter la misère d’êtres humains, c’est se déshumaniser soi-même. Le monde entier s’est levé, le 17 octobre 2008, pour célébrer la Journée mondiale du refus de la misère. Cette Journée a été initiée en 1987 par des activistes des droits de l’homme, regroupés autour du père Joseph Wresinski (1917-1988), qui est le fondateur de l’organisation internationale non-gouvernementale de lutte contre la grande pauvreté et l’exclusion-ATD Quart Monde. Elle a été officiellement reconnue par les Nations unies à partir de 1992 comme la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté. Depuis lors, chaque année, la Journée mondiale du refus de la misère est célébrée le 17 octobre à travers le monde.

Les objectifs majeurs de la célébration de cette journée portent sur la mobilisation à l’échelle planétaire, des citoyens, des responsables publics et des décideurs privés sur le phénomène de la misère comme étant une violation des droits humains fondamentaux. C’est aussi une opportunité de communication pour faire comprendre à tous que la misère n’est pas un destin fatal, elle peut être combattue et vaincue comme l’ont été d’autres fléaux comme l’esclavage et l’apartheid. Enfin, c’est une occasion pour rendre hommage aux victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence, plaider pour s’unir et proclamer la solidarité universelle avec tous ceux qui, partout dans le monde, luttent quotidiennement pour combattre la misère et la pauvreté.

Mais, puisque plus rien n´est sérieux, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, les idéaux, les principes, les dires, c’est théoriquement parfait, sauf que le grand problème reste au niveau des faits et des décisions qui ne suivent pas toujours. Pire encore, la célébration de la Journée mondiale de l’élimination de la pauvreté coïncide cette année avec les graves répercussions des crises alimentaire et énergétique qui continuent malgré tout et, surtout, avec l’avènement de la nouvelle crise financière qui bouleverse actuellement les plus grands marchés financiers du monde et balaye les économies colossales des pays les plus développés, au risque de saper les engagements mondiaux du millénaire visant à consacrer davantage de ressources aux pays pauvres, leur permettant de financer des programmes de développement durable et de lutte contre les changements climatiques notamment.
 
Déjà les prévisions de la croissance mondiale d’avant la crise financière montrent un fort ralentissement, notamment pour les États-Unis, la Grande-Bretagne, la zone euro et pour l’Afrique, dont le taux de croissance attendu cette année serait autour de 6,3 %. 
 
Si, déjà, le changement climatique, les prix élevés des produits alimentaires et du pétrole ont assombri les perspectives de développement mondial en 2007, bien avant l’implosion de l’actuelle crise financière, peut-on se demander quelles seraient ces perspectives une fois conjuguées aux effets épouvantables de la crise financière ?!
 
L’alarme vient d’être donné au 12e sommet de la francophonie qui se tient du 17 au 19 octobre 2008 au Québec (Canada), où le secrétaire général des Nations unies a martelé l’importance de l’aide au développement et supplié les pays donateurs à ne pas réduire leur aide sous l’effet de la crise financière. "Nous devrons faire en sorte que la crise financière ne sape pas nos engagements visant à consacrer davantage de ressources au développement et à la lutte contre les changements climatiques… le mois prochain, la conférence internationale de suivi sur le financement du développement nous donnera une excellente occasion de tenir nos promesses", a déclaré M. Ban Ki-moon, devant plus de 2 000 participants au sommet de la francophonie. (Ndlr : la première conférence mondiale de suivi sur le financement du développement sera tenue du 29 novembre au 2 décembre 2008 à Doha au Qatar).
 
Le même message d’alerte a été relayé également par M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne qui a mis en garde les nations riches contre la tentation de détournement de leur responsabilité sous le prétexte du terrible choc financier. "Ne nous soustrayons pas à notre responsabilité politique et à notre devoir moral parce qu’une autre crise moins spectaculaire peut-être, mais infiniment plus grave, frappe le monde en développement", a-t-il lancé aux conférenciers de Québec ville.
 
Si, aujourd’hui, 1 milliard de personnes souffrent de la faim, 1 milliard de personnes manquent d’un accès raisonnable à l’eau potable et 2,6 milliards de personnes, soit 75 % de la population mondiale, n’ont toujours pas accès à l’eau, à la nourriture et aux services d’assainissement de base, l’universalité des droits de l’homme pourra-t-elle se réaliser véritablement sans l’éradication universelle de la pauvreté ?!
 
Les Nations unies, qui prévoyaient que, d’ici 2030, les pays en développement auront besoin de 30 milliards de dollars pour réaliser les OMD en matière d’eau et d’assainissement, 15 milliards de dollars pour enrayer la faim dans le monde sur une année, 100 milliards de dollars par an pour financer les activités d’atténuation du changement climatique et 28 à 67 milliards de dollars pour s’adapter à ce changement, ressentent, aujourd’hui, qu’il y a des raisons pour s’inquiéter sur la disponibilité de ressources financières minimales, nécessaires pour le financement du développement durable et la réalisation des OMD notamment.
 
Autant le dire clairement, dans de telles circonstances, il y a bien lieu pour que les pays pauvres se préoccupent pour leur sort. M. Barroso avait parfaitement raison : "Comment pourrions-nous justifier un jour d’avoir mobilisé tant de moyens et de volonté politique pour imaginer des solutions à la crise financière et de n’avoir rien tenté face à l’injustice de la faim ?" C’est bien le fond du problème. Accepter la misère d’êtres humains n’est-il pas se déshumaniser soi-même ?
 

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