Kabylie : ils sont des centaines qui ont bravé les interdits du ramadan en mangeant et buvant en public en pleine journée

par menou69
lundi 5 août 2013

En plein ramadan samedi dans la ville "rebelle" de Tizi-Ouzou ville kabyle située à 100 km d’Alger des centaines des centaines de personnes ont pris part au déjeuner public contre "l'inquisition"  et pour "la liberté de conscience" organisé ce samedi 3 août à 11h, au carrefour Matoub Lounès, à la sortie ouest de la ville.

Selon un manifestant cette action symbolique pour faire face à la persécution des non-jeûneurs est une réponse au courant d’un islam radical qui commence à supplanter l’islam tolérant pratiqué par les citoyens kabyles.

D'autant que la région et notamment la ville de Tizi-Ouzou, ont souvent été le théâtre de troubles, parfois sanglants, liés aux revendications culturelles et identitaires des Kabyles qui ont très mal vécu les politiques d'arabisation imposées par le gouvernement depuis l'indépendance.

Parmi les participants à cette action, figurent des citoyens sans affiliation et des militants politiques, surtout berbères, qui n’hésitent pas à afficher le drapeau berbère. Un étudiant de 18 ans, Lounès, va encore plus loin en arborant une pancarte sur laquelle est écrit  : "Je ne suis pas arabe. Je ne suis pas obligé d’être musulman".

Un non-jeûneur, Ali, la quarantaine, technicien à Tizi-Ouzou, a déclaré à un journaliste de l'AFP : "Il y a un climat de terreur qui règne contre ceux qui ne jeûnent pas" durant le mois de jeûne sacré musulman du ramadan. Un entrepreneur en climatisation Kabyle venu spécialement d'Alger,Tahar Bessalah, acquiesce. "Il faut que la religion reste du domaine du privé", dit-il en s’affirmant "musulman de tradition mais pas jeûneur". Il faut signaler que plusieurs militants kabyles venus d'Alger ont été interceptés par des barrages de police pour les empêcher de prendre part à cette action.

Vers 13 heures, la place Matoub-Lounès était noire de monde. Il y avait des jeunes et des personnes âgées, certains allumaient leur cigarette, d'autres buvaient de l'eau, voire de la bière et il y avait aussi ceux qui avaient apporté de quoi se nourrir. Un pique-nique géant somme toute banal, mais en Algérie, où l'islam est une religion d'État, c'est un véritable défi au pouvoir central. Ils ont tenu a afficher leur liberté de ne pas observer le jeûne et aussi à dénoncer la traque des non-jeûneurs par les service de sécurité comme ce fut le cas la semaine dernière au village Tifra, dans la région de Tigzirt, où des clients à l’intérieur de l’établissement ont été pris en photo. Or, les policiers, lorsqu’ils arrêtent les non-jeûneurs, font du zèle, puisqu’il n’est pas interdit par la loi algérienne de manger en public pendant le ramadan.

Pourtant en 2010, plusieurs non-jeûneurs avaient été poursuivis et condamnés à des peines de prison ferme pour non respect du ramadan. Alors que la Constitution algérienne garantit la liberté de culte et ne prévoit aucune sanction contre ceux qui refusent d’observer le jeûne, or les juges avaient invoqué l'article 144 bis 2 qui stipule qu'"Est puni d’emprisonnement quiconque offense le Prophète et les envoyés de Dieu, ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’islam."

Bouaziz Ait Chebib, président du MAK (Mouvement pour l'Autonomie de la Kabylie), et Hocine Azem, responsable au CMA (Congrès Mondial Amazigh) ont rappelé que "cette action a été initiée pour faire barrage au piétinement des valeurs de tolérance et de cohabitation harmonieuse de toutes les opinions et confessions qui ont cours en Kabylie depuis la nuit des temps".

Ils ont dénoncé "la persécution des non-jeûneurs, dont le seul crime est de ne pas appliquer un précepte d'une religion de plus en plus investie par les tenants d'un obscurantisme radical au mépris de l'islam tolérant pratiqué par les citoyens de Kabylie". Ils ont rappelé que chacun est libre face à sa conscience. Une liberté de conscience non partagée par le ministre des Affaires religieuses Bouabdellah Ghlamallah qui a qualifié cet appel au rassemblement de véritable "provocation", a rapporté le site Algérie Focus.

De nombreux policiers en civil étaient présents, le wali de Tizi-Ouzou avait annoncé le mardi précédent qu'aucune intervention par les services de l'ordre n'auraient lieu, le rassemblement a donc eu lieu dans le calme. L'Observatoire des droits de l'Homme craignait une provocation de la part des extrémistes, or elle n'a pas eu lieu.

Cependant pour certains habitants, ce rassemblement était un outrage, estimant que le respect de l'islam et donc de l'Algérie implique de faire le ramadan.

Selon une source locale, en milieu de matinée du samedi 3 août, une marche a été organisée par des non-jeûneurs à Aokas, sur la côte est de Béjaia. Cette marche était aussi contre le "salafisme" et dénonçait "l'inquisition" et réclmait l'ouverture des restaurants et cafés pendant le mois du ramada. Ils étaient munis de banderoles sur lesquels on pouvait lire : "Halte au salafisme et au wahhabisme", "non à l’islamisme, non au salafisme, non à l’inquisition", ou encore "punissez les voleurs de milliards et non les non-jeûneurs".

Ces contestataires, parmi lesquels se trouvaient des chrétiens et des militants du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), sont issus de villes et villages avoisinants, comme Souk El Tenine, Melbou et Tizi-N’Berber. Ils ont défilé sur la principale rue de la ville d’Aokas avant d’organiser un sit-in sur une placette du centre-ville, non loin du siège de la gendarmerie, selon la même source.

Jusque dans les années 1980, dans les villes au moins, les restaurants étaient ouverts et ne jeûnaient que ceux qui le voulaient. Mais la guerre anti-islamiste de plus de dix ans (à partir des années 1990) a changé la donne. Ces dernières années, la société civile et nombre de partis d'opposition dénoncent ce qu'ils appellent "l'islamisation rampante" de l'Algérie, celle-ci s'étant accentuée avec le Printemps arabe qui a vu l'arrivée au pouvoir d'islamistes dans plusieurs pays.

Dans le journal algérien APS du 3 août, Saib Mohand Ouidir, le directeur de wilaya des Affaires religieuses et des Waqfs a déclaré que le sti-in des non-jeûneurs à Tizi-Ouzou est un non-évènement :"Cette action a été une tentative vaine de susciter l'adhésion de l'opinion publique, mais le rassemblement s'est déroulé dans l'ignorance totale des citoyens".

Il a également fait observer que ceux qui ont participé au rassemblement sont parfaitement connus pour leur appartenance à un mouvement qui prône la division du pays et le reniement des valeurs sociales et religieuses de la société algérienne. Il a rappelé qu’à l’occasion du prêche du vendredi dernier, les imams ont prié pour que les initiateurs de la manifestation des non-jeûneurs "retrouvent le droit chemin".

Sources : Wikipédia, Wikipédia, Algérie Presse Service, Siwel, Algérie Focus, TSA, Siwel, El Watan


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