Kadhafi et la carte tchadienne
par metamag
vendredi 9 septembre 2011
Le colonel aurait-il une stratégie sudiste
La question taraude les chancelleries. Kadhafi envisage-t-il une reconquête de la Libye à partir du Tchad ? Ce n’est pas totalement inenvisageable au regard du passé tumultueux de ces deux pays et du fait que l’ancienne colonie française a été, à plusieurs reprises depuis son indépendance, un protectorat libyen, sinon plus. On tente donc, très vite, d’en finir avec les poches de résistance tribale de Kadhafi et, surtout, de mettre la main sur lui avant une possible fuite vers le sud.
Car le cap au sud des kadafistes peut, bien sûr, être une simple fuite nigérienne, une demande d’asile au Burkina ou un repli stratégiste tchadien. Le silence de N’djamena trouble Paris. Il convient donc de faire un rappel historique.
Le Tchad, dans ses frontières actuelles, est une création de la colonisation européenne. Ses frontières résultent de négociations entre Français, Anglais et Allemands dans les années 1880. Considéré comme protectorat français à partir de 1900, le Tchad fut érigé en colonie en 1920, dans le cadre de l'AEF (Afrique équatoriale française). Sous l'impulsion du gouverneur, Félix Éboué, il fut la première colonie française à se rallier à la France libre, en 1940.
Devenu république autonome en 1958, le Tchad accéda à l'indépendance le 11 août 1960, sous la présidence de François Tombalbaye. Celui-ci dut, bientôt ,faire face à la révolte des populations du Nord, en majorité musulmanes. Ce qui l'amena à solliciter l'aide des troupes françaises, en 1968. Après l'assassinat de Tombalbaye en 1975, le pouvoir échut au général Félix Malloum, qui dut céder la place au nordiste Goukouni Oueddei, à la suite de la première bataille de Ndjamena, en 1979. En 1980, la seconde bataille de Ndjamena permit à Goukouni Oueddei d'évincer son rival, Hissène Habré, avec l'aide décisive des troupes libyennes.
Après l'échec d'un projet de fusion entre le Tchad et la Libye en 1981, les troupes libyennes se retirèrent dans le cadre d'un accord conclu avec le gouvernement français. Accord de dupe. En 1982, Goukouni Oueddei est renversé, à son tour, par Hissène Habré et doit faire appel, l'année suivante, au support des forces françaises pour l'aider a contenir une nouvelle invasion libyenne (Opération Manta).
En 1987, une contre-offensive des forces franco-tchadiennes contraignit finalement les troupes libyennes à évacuer le pays, à l'exception de la bande d'Aozou, qui ne fut restituée officiellement au Tchad qu'en 1994. En 1990, Hissène Habré fut renversé du pouvoir par Idriss Déby Itno, qui est en place depuis lors, non sans difficultés.
Paradoxalement, ce dernier semble bénéficier, aujourd'hui, du soutien de la France et de la Libye, face aux divers mouvements de rébellion qui seraient plus ou moins encouragés par le Soudan voisin, en liaison avec le conflit du Darfour. Mais cette impression peut être trompeuse et le colonel a peut être encore des alliés et des infiltrés tchadiens. L’option tchadienne, Kadhafi doit certainement y penser. Mais cela peut être, pour le colonel et après tant d’autres, un mirage sahélien de plus.