L’affaire Istiqlal : nous avons humilié le Maroc gratuitement...

par vlane
mercredi 4 janvier 2017

Maintenant que la poussière est retombée, on peut dire les choses comme elles sont… Comment une déclaration d’un secrétaire général d’un parti qui n’est pas au gouvernement Marocain a pu secouer la Mauritanie jusqu’à obliger le Makhzen marocain à déployer toute l’artillerie diplomatique pour s’excuser d’un crime que le Maroc n’a pas commis ?

Seuls certains enfants mauritaniens ignorent que le légendaire parti Istiqlal a toujours estimé que la Mauritanie faisait partie du grand Maroc. Le Maroc lui-même n’a reconnu la Mauritanie que 9 ans après son indépendance officielle et toute une partie de l’intelligentsia mauritanienne a toujours plaidé en faveur de notre marocanité. Un ministre de la santé du gouvernement Aziz, Horma Ould Babana a déjà écrit que la Mauritanie était une terra nullius. Il se referait certainement à l’article 6 du traité de Lalla-Maghnia 1845 entre les français (alors maîtres de l’Algérie) et le Maroc :

«  Art. 6.- Quant au pays qui est au sud des kessours des deux gouvernements, comme il n'y a pas d'eau, qu'il est inhabitable et que c'est le désert proprement dit, la délimitation en serait superflue. »

Il faut dire que Horma Ould Babana appartient à une famille où l’orientation politique à ce sujet n’est un mystère pour personne comme Dey Ould Sidi Baba ou même l’émir du Trarza Fall Ould Oumeir qui fut aussi pour le Maroc ministre de la Mauritanie et du Sahara.

De là que certains comme l’ex-colonel Beibacar rappellent que la résistance oumtounsienne à la pacification française était surtout motivée par les intérêts de la « métropole » marocaine.

Historiquement, qui peut nier que des territoires mauritaniens faisaient partie de l’empire chérifien jusqu’à ce que les Français en décident autrement ? Et même avant les alaouites, qui peut nier que l’empire Saadien englobait une grande partie de la Mauritanie jusqu’à Tombouctou ? On peut ainsi remonter dans le temps on ne trouvera nulle part une trace de cette Mauritanie née de la pacification française et si on s’intéresse aux peuples sur ce territoire, on se perd vite entre les différents empires arabo-berbères et africains qui l’ont occupé avec chacun autant de mérite que de prestige.

Le seul point d’accroche historique pour en imposer au Maroc actuel n’a pas été raté par l’UPR car l’empire almoravide berbère est né aux environs de Tidra dans le territoire mauritanien actuel mais n’est-ce pas absurde de vouloir priver les marocains de leur almoravidité en parlant de « nous le tout et eux la partie » comme si les arabes fiers d’avoir soi-disant inventé le zéro estimaient que le reste des mathématiques qui a vu le jour ailleurs était la partie…

Cela dit, on ne peut pas comme Israël et d’autres puissances revendiquer éternellement des terres au nom de l’histoire ancienne car les nations naissent et périssent, les peuples se transforment, les identités se créent et s’établissement définitivement quand elles sont reconnues par le droit international jusqu’à ce qu’elles implosent ou explosent.

Ainsi la Mauritanie est désormais un état indépendant reconnu même par le Maroc et même par le parti Istiqlal dont le fameux secrétaire général est déjà venu par deux fois récemment en Mauritanie sous l’ère Aziz en bonne intelligence. Sa sortie à propos de la marocanité des territoires mauritaniens a été mal articulée car il aurait dû s’en tenir aux termes historiques défendables en parlant d’empire chérifien etc. au lieu de ça il a parlé du Maroc et de la Mauritanie.

La situation politique du parti Istiqlal au Maroc, son score aux dernières élections, ses rapports difficiles avec le Makhzen et sa sortie du pouvoir, le tout à la veille de la création d’un nouveau gouvernement, ont poussé le secrétaire général à la faute sémantique et non historique. Peut-être a-t-il voulu embêter le Makhzen en sachant pertinemment le résultat de sa provocation, peut-être a-t-il voulu exciter le nationalisme marocain à propos du grand Maroc et grappiller quelques voix au moins dans les cœurs en attendant les futures élections, toujours est-il qu’il a oublié que la Mauritanie n’est pas un petit pays isolé dans le désert car elle aura toujours la puissante Algérie comme alliée contre le Maroc.

C’est là la bêtise principale du secrétaire général de l’Istiqlal Hamid Chabat dans cette affaire.

Reste à savoir qui a médiatisé ses propos pour remuer l’opinion mauritanienne avant que l’Istiqlal ne les retire vite de leur site ? Est-ce le pouvoir mauritanien ? Est-ce l’opposition mauritanienne ? Toujours est-il que ses propos ont vite été médiatisés pour exciter les mauritaniens, les partis politiques et cela a marché au-delà de toutes les espérances du pouvoir mauritanien trop heureux de tenir là de quoi secouer le makhzen marocain qui héberge de puissants opposants mauritaniens surtout que le pouvoir mauritanien avait là de quoi jouer la victime en mode légitime défense.

Ainsi sans attendre le communiqué du ministère des affaires étrangères marocain, l’UPR, parti d’Aziz s’est réuni d’urgence pour faire un communiqué outrancier et à côté de la plaque vu que le parti Istiqlal n’est pas même au gouvernement et en perte de vitesse au Maroc.

Ensuite vint le communiqué du ministère marocain. Communiqué largement suffisant pour éteindre le feu que l’UPR excitait sans ménagement car cela permettait au pouvoir mauritanien d’avoir le beau rôle nationaliste à l’heure d’Oumtounsi et autre révisionnisme…

La suite fut vulgaire… Toute la république mauritanienne s’est crue obligée de jouer de l’ergot comme si le Maroc venait de nous insulter et voulait nous avaler alors qu’il n’en est rien car les propos du secrétaire général n’engageait que lui et l’Istiqlal. Parti qui allait vite prendre ses distances avec son secrétaire général en réalisant l'irresponsabilité des propos à l’heure où le Maroc s’est engagé à fond dans le soft power : gagnant les esprits par l’investissement en Mauritanie et l’hospitalité au Maroc devenu incontournable pour les études, les soins et bientôt le commerce.

Le Chabat n’a fait que donner au pouvoir mauritanien de quoi jouer au fier alors que sa fierté en l’occurrence ne tient que sous le parapluie algérien sans lequel l’élite mauritanienne comme toujours ne tarderait pas à embrasser toute main qu’elle ne saurait couper.

Ainsi sachant combien face au Maroc nous ne sommes militairement rien sans l’Algérie et vice-versa, condamnés que nous sommes à jouer entre les deux pour sauver notre indépendance, il ne faut humilier personne or c’est ce que nous avons fait avec le Maroc en mettant de l’huile sur le feu ; obligeant le Maroc à tout faire pour ne pas perdre l’opinion mauritanienne aux mains des manipulateurs de toute sorte. Ainsi le Maroc, après la déclaration claire et sans équivoque de son ministère des affaires étrangères condamnant les propos d’Istiqlal, nous a envoyé le premier ministre s’excuser pour les propos d’un parti qui n’est plus au gouvernement.

Nous avons reçu le PM Marocain en lui envoyant à Zouérate notre ministre des affaires étrangères. Humiliation gratuite. Puis rien ne lui a été épargné pour qu’il aille voir Aziz à Zouerate alors que cette affaire aurait pu se régler à Nouakchott entre autorités compétentes sans aller si loin vu qu’il s’agit de propos n’engageant ni le gouvernement marocain ni le Palais.

Au lieu de ça, tout a été fait pour montrer au peuple mauritanien nourri de folie des grandeurs un Maroc à quatre pattes devant la Mauritanie. Un Maroc fautif. M6 est allé jusqu’à appeler Aziz. C’était trop noble de la part du Maroc, un geste que Hassen II n’aurait certainement jamais fait en pareilles circonstances, un geste d’un M6 pacifiste et dont l’orgueil est à taille humaine, un geste reçu sans délicatesse par une fierté mauritanienne guerrière sous tutelle algérienne dans cette affaire. On dirait qu’il fallait que la Mauritanie reçoive le PM marocain comme si nous étions algériens. C’est très petit. 

J’ai entendu longuement la sortie du PM marocain. C’est un bon et grand monsieur qui a parlé avec le cœur, peut-être un peu trop en disant combien le peuple marocain et le peuple mauritanien ne faisaient qu’un : un même peuple, deux états. N’est-ce pas un peu dire que nous sommes la partie du tout… Ce fut too much car nous ne sommes ni la partie ni le tout comme dit l’UPR, nous sommes un tout… Un tout fait d’une spécificité territoriale où chacun a des racines un peu partout autour de la Mauritanie.

Le Maroc a été plus grand que l’élite mauritanienne dans cette affaire car le Maroc a plus à perdre en Mauritanie que l’Algérie. Le Maroc investit, l’Algérie observe.

Qu’on ne pense pas une seconde que je sois pour le Grand Maroc jusqu’au Sénégal. Je tiens à la Mauritanie indépendante et même pauvre, sous-armée, je suis fier de n’être le sujet de personne. Chez nous nous sommes tous des petits rois mais je tiens aussi à respecter celles et ceux qui ont des racines au Maroc et Aziz lui-même ne doit pas avoir honte d’être qualifié pour être un sujet Marocain s’il le désire comme bien des mauritaniens. Il ne doit pas en faire une affaire d’état comme si le décomplexe des origines complexes pourrait lui créer des problèmes de légitimité en Mauritanie et qu’il lui fallait entretenir cette guerre froide afin de ne jamais prêter le flanc à l’accusation de faire le jeu du Maroc surtout qu’on l’accuse de brader les symboles de l’état…

Pour le reste, on ne peut pas continuer éternellement à jouer entre le Maroc et l’Algérie, il nous faut un protecteur indépendant. Nous avions la France sans laquelle une bonne partie du pays serait Marocaine. Désormais nous n’avons plus personne…


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