L’affaire « Tookie »

par Kibsize
vendredi 16 décembre 2005

L’exécution de Stanley Tookie Williams, en ce mardi 13 Décembre 2005, à 8H35mn (GMT) dans la prison d’ État de San Quentin, à San Francisco, sur la baie, dans l’État de Californie, sur le Pacifique, la côte ouest des États-Unis, relance encore une fois le débat épineux sur la peine de mort.

Cet ancien chef de gang repenti, et reconverti en apôtre de la paix, a passé presque la moitié de sa vie dans les geôles californiennes. Décidément, la reconversion et le repentir du bandit des années 1970 et l’abjuration de son gangstérisme n’ont pas eu l’effet escompté.

Le fondateur des « Crisps », gang des rues de Los Angeles, avait fini par renier son passé criminel, et endossé l’uniforme du prédicateur de la non-violence, après être devenu un prisonnier exemplaire et discipliné.

Quelques-uns des buts et objectifs respectables de tout système judiciaire raisonnable, fondé sur la privation de la liberté, jugée à tort ou à raison comme le bien le plus précieux, par l’emprisonnement, est la rédemption et la réinsertion, en un mot la resocialisation des délinquants et criminels de tout bord. À ces conditions, « Tookie » avait déjà volontairement et consciemment souscrit, après avoir passé 24 ans dans les couloirs de la mort.

Il est indéniable que celui qui a été passé aujourd’hui par la dose létale n’était plus celui qui avait été condamné en 1981. L’homme avait changé et positivement évolué, s’était nettement et suffisamment amélioré pour reprendre une vie normale dans la société sans constituer un danger pour ces concitoyens.

Ce sursaut de conscience, qui est le propre de l’homme, a été dénié, bafoué et ridiculisé. Pis, il a été mis en doute et dénoncé comme simulacre , façade de circonstance adoptée afin d’ échapper à la rigueur de la loi.

Les États-Unis, et la Californie en particulier, temple par excellence de la démocratie, des droits de l’ homme et des valeurs de la civilisation moderne, ont manqué l’opportunité d’affirmer et de justifier à la face du monde leur capacité à se surpasser et à pardonner, et la justesse de leur combat.

En lieu et place, ces porte-drapeaux ont fait preuve d’un obscurantisme médiéval et d’un entêtement indigne de leur rang. Cet acte jugé barbare et d’un autre âge, condamné à plus d’un titre par plus d’un à travers la planète, a achevé de convaincre une partie de l’opinion de l’hypocrisie du système judiciaire californien en particulier, et américain en général.

Un système juridique qui ne pardonne qu’aux fous, n’épargne que les malades mentaux et prive les repentants de sursis et de grâce. La déception est grande, même parmi les alliés inconditionnels des États-Unis. Ce qui est choquant et répugnant, c’est surtout la sécheresse de cœur exprimée dans le refus de commuer la peine en prison à vie, et la négation de la renaissance de l’ancien chef de gang.

Après avoir mis en garde la jeunesse contre l’utilisation de la violence, l’adhésion et l’appartenance aux gangs des rues, dans les livres qu’il a écrits pendant sa détention, Williams Tookie a joué sa partition.

Personne ici ne pourra nier la douleur des victimes et celle de leurs parents. Il est difficile d’imaginer que quiconque se réjouisse du trépas de Stanley ! De celui qui , en changeant ses pensées, a cessé d’être celui qu’il était, pour devenir un homme nouveau !

L’ancien chef de bande des « Crips » de Los Angeles, devenu activiste de la paix, s’ était clairement mis à distance de son passé violent. Ses appels répétés à la non-violence et à la lutte rhétorique contre la violence se situent aux antipodes de l’idéologie du gang qu’il avait fondé en 1971.

Lorsque la survie d’un homme dépend d’un autre, et de surcroît d’un politicien doublé d’un ancien acteur de cinéma, on réalise jusqu’où peut conduire l’usage et l’ivresse du pouvoir.

Selon ses défenseurs, la peine de Stanley était commuable en prison à vie, en raison de sa rédemption et de sa repentance, de tous ses efforts, du soutien d’Amnesty International, de celui de milliers d’opposants à la peine de mort, tel l’activiste des droits de l’homme, Bianca Jagger, de plusieurs organisations internationales et de responsables religieux, comme l’ancien prix Nobel de la paix, l’Archevêque Desmond Tutu, de l’Église anglicane sud-africaine.

Théoriquement, ce prisonnier symbolique a pu être victime de calculs politiciens et électoraux ; on connaît l’opinion des Californiens en ce qui concerne la peine de mort, ce n’est pas rien pour un politicien en quête de suffrages, entouré de conseillers peu scrupuleux, aux mobiles indicibles. Ainsi donc, les suffrages de 2/3 des électeurs conservateurs, ardents défenseurs de la peine de mort , ont priorité sur la vie d’un être humain, dans un système immonde et sans nom.

La vengeance et le juridisme et les petits calculs subjectifs l’ont emporté sur la raison et l’exception. Dans une annonce parue sur une page entière dans le Los Angeles Time, Stanley Tookie Williams avait dédié le restant de sa vie à la lutte contre la violence des jeunes et la prévention du crime.Rien n’y fit.

Pourtant, la peine de mort n’a été réintroduite en Californie qu’en 1977 !

Soit c’est imparfait, soit c’est incomplet. Et Williams n’en sera certainement pas la dernière victime, si rien n’est fait. Au pays de la liberté et des possibilités illimitées, il n’y a pas eu un seul moyen pour sauver la vie d’un repenti sincère, pour commuer sa condamnation à mort en peine de prison en vie !


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