L’Afrique du Sud : pays modèle ?

par Damien Bégoc
lundi 15 octobre 2007

Alors que l’Afrique du Sud participe ce dimanche à la demi-finale de la Coupe du monde du rugby face à l’Argentine, retour sur l’évolution politique du pays depuis la chute de l’Apartheid.

Même en vacances l’intérêt pour la chose politique n’est jamais loin... J’ai eu la chance de découvrir cet été, avec un certain émerveillement et au cours d’un séjour suffisamment long et hors des sentiers battus du tourisme industriel pour commencer à bien l’appréhender, un fabuleux pays : l’Afrique du Sud ! Ses paysages immenses, majestueux, sublimes... Sa faune et sa flore sauvages, protégées, préservées... Ses déserts, ses montagnes, ses côtes, ses forêts, sa brousse... Ses cultures... La « nation arc-en-ciel » me paraît un excellent exemple de ce qu’il est possible de faire - et de longue date de surcroît ! - pour défendre la nature et l’environnement, sans nuire (bien au contraire !) au développement économique, à l’agriculture, à l’industrie minière. L’Afrique du Sud a compris à quel point son espace naturel représente une richesse incommensurable, pour le tourisme en premier lieu évidemment, mais pas seulement. Même pour la population cela paraît aller de soi, être intégré dans les comportements quotidiens, relever de la conscience d’un bien commun partagé, en un mot « culturel ».

Je ne suis pas naïf et je ne dis pas qu’il n’y a pas de problèmes, mais voir l’homme, l’agriculteur et l’éleveur, cohabiter « naturellement » et de façon intelligente avec des espèces telles que des lions, des éléphants, etc., qui plus est dans des conditions climatiques parfois difficiles, laisse songeur. Surtout lorsqu’on entend en rentrant certains débats sans fin quant à la réintroduction de quelques ours en France...

D’un point de vue sociétal, je suis aussi assez admiratif du pays de Nelson Mandela : comment il a su gérer dans le calme la fin de l’apartheid et la transition démocratique, comment il a effectué son travail de réconciliation nationale tout en préservant le devoir de mémoire, comment il a fait le pari du développement économique pour le bien de l’ensemble de la population. Comment cela a déjà permis l’émergence d’une classe moyenne noire. À quel point il a poussé le souci de l’égalité, par exemple en étant encore l’un des rares pays au monde, et bien évidemment le seul en Afrique, à accorder aux couples de même sexe le droit de se marier (en avance pour le coup sur la société civile, contrairement à la France soit dit en passant) !

Là non plus, je ne dépeins pas un tableau idyllique : à côté (à peine quelques mètres ou dizaines de mètres parfois !) de manifestations insolentes d’une extrême richesse, j’ai aussi vu bien sûr l’extrême pauvreté des bidonvilles (les « townships » et leurs baraques en tôle ondulée de quelques mètres carrés, parfois une simple bâche en plastique...). Tout comme je me suis senti en relative insécurité dans les grandes villes telles que Johannesburg, Durban ou Le Cap hors des zones protégées (sentiment renforcé par les murs d’enceinte, les clôtures électrifiées et les annonces sans ambiguïté des sociétés de gardiennage - « réponse armée » ! - autour de la quasi-totalité des maisons, quelle qu’en soit la taille). Ou comme je peux comprendre le point de vue de certains jeunes blancs qui se sentent sacrifiés et se voient contraints d’émigrer pour pouvoir étudier, victimes paradoxales d’excès égalitaristes, le balancier étant sans doute allé trop loin vis-à-vis de cette génération. Et ces grèves dans la fonction publique et l’éducation où les comptes se règlent à coups de couteau...

Mais j’ai vu de l’autre côté les efforts déployés par le gouvernement pour résorber la pauvreté, à l’image de ces multiples chantiers de construction de logements décents, de petites unités de deux ou trois étages maximum : là encore, l’intelligence de ne pas commettre les mêmes erreurs qu’avec les grands ensembles de nos banlieues dans les années 60... Et, même si j’ai évolué dans des cadres plutôt privilégiés, j’ai ressenti aussi une société relativement apaisée, où les gens semblent se respecter entre eux et heureux de vivre ensemble.

Au final, tout cela produit des résultats spectaculaires, ne serait-ce que sur le plan économique : à elle seule, l’Afrique du Sud représente plus du tiers du PIB de l’Afrique sub-saharienne et les trois-quarts du PIB de l’Afrique australe ! Le pays accueillera la Coupe du monde de football en 2010 : voilà une belle reconnaissance internationale du chemin parcouru en moins de vingt ans et un encouragement à persévérer dans la voie équilibrée, moderne et dynamique choisie. Alors, un modèle ? Sans angélisme, je crois que oui, et à certains égards pas seulement pour d’autres pays du continent africain !


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