L’après-Mobutu, la RDC en avant vers la démocratie

par Antoine Christian LABEL NGONGO
mercredi 3 janvier 2007

Que dire après ces multiples transitions ? Il y a eu une élection au suffrage universel, elle a fait grandir le pays et lui a donné une impulsion vers la démocratie. Nous ne parlons pas encore de liberté, mais c’est un grand pas. Les Congolais ont élu leur président démocratiquement.

Election au suffrage universel

Il s’agit d’un fait rare en Afrique, excepté en Afrique du Sud, voire au Sénégal. Les autres pays essaient tant bien que mal de convaincre que leurs élections sont démocratiques. La question d’ailleurs n’est pas là. Il s’agit de voir où va (l’ex-Zaïre) la RDC, République démocratique du Congo.

Joseph Kabila est le premier président à avoir été élu au suffrage universel direct en RDC, à l’issue d’un second tour, le 29 octobre, qui l’a opposé à Jean-Pierre Bemba. Joseph Kabila est le premier président de la IIIe République du Congo, il soulève donc de nombreux espoirs parmi les 56 millions de Congolais qui aimeraient enfin pouvoir sortir d’une décennie sinistre et noire. Une guerre civile, qui a duré de 1998 à 2003, a enterré près de quatre millions d’individus et en a déplacé plusieurs milliers. Trois ans d’une transition farfelue a plongé la RDC dans une situation de ruines.

La RDC est un Etat en faillite ; corruption généralisée, économie en banqueroute, pillage de ses richesses par ses voisins et par des firmes étrangères, atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de la presse... On pourrait estimer que les trois-quarts des Congolais vivent en dessous du seuil de pauvreté, et plus de mille Congolais décèdent chaque jour de maladies (notamment du sida et du paludisme) et de malnutrition. Environ 30% de la population aurait accès à des structures de soins. Le pays ne satisfait pas divers besoins, parmi lesquels : eau courante, réseaux d’assainissement, électricité, infrastructures...

Joseph Kabila, âgé de trente-cinq ans, est bien le premier président démocratiquement élu de la République démocratique du Congo ; il a prêté serment en décembre 2006, à Kinshasa, devant de nombreux confrères africains et chefs de gouvernement. A la fin du mois, après diverses consultations, il a nommé Antoine Gizenga, au poste de Premier ministre de son tout premier gouvernement de la troisième République de RDC. Le Premier ministre de la RDC veut aller vite, mais à défaut d’avoir toutes les réponses des différentes tendances, il doit temporiser avant de constituer son gouvernement.

La formation du nouveau gouvernement dans l’expectative

Antoine Gizenga, le Premier ministre, doit retarder ses consultations pour des « raisons techniques ». D’après Adolphe Mozitu, le secrétaire national du Parti lumumbiste unifié (Palu) qu’Antoine Gizenga a créé en 1964, le chef du gouvernement doit attendre que les bureaux de la Primature soient prêts.

Les prévisions et spéculations sur la constitution du nouveau gouvernement vont bon train. Les observateurs s’interrogent sur la marge de manœuvre d’Antoine Gizenga dans la conduite des affaires publiques, dans un environnement politique majoritairement sous influence du chef de l’Etat. Le Premier ministre devra faire face aux « mandarins » d’avant qui risquent d’opérer leur retour, voire qui lui seront imposés comme ministres de la majorité AMP [Alliance pour la majorité présidentielle, car faisant partie de la cour du président Kabila. Antoine Gizenga va devoir former un gouvernement de large coalition et se battre contre les clivages partisans. Il devra aussi préserver le soutien des bailleurs de fonds internationaux qui ont financé pendant la transition (2003-2006) plus de la moitié du budget de l’Etat.

Parmi deux des principales ex-rébellions de la dernière guerre de 1998 à 2003 : le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) d’Azarias Ruberwa a souhaité faire partie du gouvernement Gizenga ; l’Union pour la nation (UN), soutenant le candidat malheureux à la présidentielle Jean-Pierre Bemba, ne fera pas partie de l’équipe gouvernementale. L’UN a levé l’option de rester dans l’opposition forte, républicaine et critique. De son côté, Jean-Pierre Bemba a annoncé à la mi-décembre son intention de briguer un siège de sénateur à Kinshasa, ville dans laquelle il est très populaire, lors des élections sénatoriales qui auront lieu le 16 janvier.

Combien faudra-t-il de membres pour qu’il y ait réellement un gouvernement représentatif ? Les bailleurs de fonds internationaux souhaitent un gouvernement resserré. Or ils risquent d’être déçu, si monsieur Gizenga doit faire plaisir à toutes les tendances. Aura-t-on un gouvernement pléthorique ? Joseph Kabila a accompagné l’ordonnance de nomination d’Antoine Gizenga d’une lettre dans laquelle il lui demande de respecter, dans la composition de son gouvernement, les principes de « représentativité nationale » ainsi que les « critères de compétence, d’honorabilité, de crédibilité et d’intégrité ».

Engagements d’antoine Gizenga sur la constitution du gouvernement

Antoine Gizenga, ancien vice-Premier ministre de Patrice Lumumba, destitué et emprisonné en 1964, est un homme de principes. Il joue enfin un rôle politique majeur et ceci après vingt-cinq ans d’exil et seize ans d’opposition aux régimes de Mobutu puis de Kabila père et de Kabila fils. Il est rentré en RDC en 1992, après un exil en URSS, en Angola et à Brazzaville, il a siégé au Parlement de transition de 2003 à 2006, mais il a refusé de participer au gouvernement de transition.

Il a la lourde tâche de constituer l’équipe qui va devoir s’attaquer aux vastes chantiers de reconstruction du pays. De fait, Antoine Gizenga avait déjà averti en décembre que « les pillards, sanguinaires, corrompus et autres sont exclus d’office ». Il s’oppose par principe à l’entrée au gouvernement de personnalités de l’entourage du président Kabila citées dans des rapports parlementaires sur les contrats miniers opaques ou dans ceux de l’Onu sur le pillage des ressources naturelles de la RDC. La fermeté du chef du gouvernement rencontre l’assentiment d’une forte majorité de Congolais, qui souhaitent voir enfin leur pays rompre avec les anti-valeurs des régimes précédents.

Antoine Gizenga, quatre-vingt-un ans, doyen des hommes politiques congolais, était arrivé en troisième position, après Jean-Pierre Bemba, au premier tour de la présidentielle de juillet, avec 13,06% des voix. A la suite de ce bon score, il avait signé, avant le second tour, un accord avec la coalition politique de Kabila, l’AMP, l’assurant de son soutien en échange de la promesse que le poste de Premier ministre irait à un membre de son parti.


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