Alors que la France laisse faire les Etats-Unis au sujet de la scandaleuse amende à BNP Paribas et General Electric démanteler Alstom dans un plan finalement pas si différent du premier plan annoncé, l’Oncle Sam vient également de porter un coup à l’Argentine dans son conflit contre un fonds vautour.
Avantage fonds vautour ?
Après que l’Argentine ait fait défaut en 2001, les créditeurs détenteurs de 93% de la dette ont accepté, en 2005 puis en 2010, un accord d’échange des titres à un tiers de leur valeur. Un accord complémentaire a été trouvé il y a quelques mois avec le club de Paris, qui réunit les créanciers des Etats, l’organisation habituelle pour régler les cas de défaut. Mais
le bel équilibre, qui semblait permettre un plein retour de l’Argentine sur les marchés financiers, a été cassé par une décision de la Cour Suprême des Etats-Unis le 16 juin, qui a refusé d’entendre le cas déposé par l’Argentine contre NML Capital, un fonds vautour qui a acheté les bons du trésor argentin à prix cassés après le défaut du pays, du fait que ces titres ont été émis à New York et dépendent par conséquent de la législation étasunienne.
Les leçons de cette affaire
Cette extraordinaire affaire est intéressante à plusieurs titres. D’abord, elle montre qu’il est essentiel pour un pays de n’émettre des titres que dans sa propre juridiction, pour ne pas tomber sous la coupe de l’arsenal législatif d’un autre pays, ce qui revient à renoncer en partie à sa souveraineté. En effet, ici encore, les Etats-Unis semblent in fine principalement défendre leurs intérêts que les principes du droit. Même si l’on peut considérer, pas totalement à tort, que NML défend simplement ses intérêts, il ne s’agit pas ici d’un créancier qui avait prêté à l’Argentine et cherche à recouvrer son bien. Il s’agit d’un fonds vautour, nom évocateur qui est même utilisé par l’ensemble des médias, qui a profité du défaut pour racheter des titres à bas prix et qui cherche, pas illogiquement, à maximiser son profit après coup.
Mais il n’est pas inintéressant de constater qu’il y a un triple conflit de souveraineté, entre l’Argentine, le club de Paris, avec lequel Buenos Aires a trouvé un accord, et les Etats-Unis. Et,
comme le dit The Economist, la banque qui aiderait l’Argentine à relocaliser les titres de droit étasunien en titres de droit argentin, pourrait la mettre en difficulté,
dans un écho de l’affaire BNP Paribas. Bref, la logique des Etats-Unis apparaît de plus en plus clairement à ceux qui pouvaient encore en douter, dans un écho aux dires du Général de Gaulle : la loi du plus fort, loi d’autant plus intéressante pour Washington aujourd’hui qu’ils sont les plus forts à date, ce qui pourrait néanmoins être un pari perdant à moyen terme avec la Chine…