L’armée américaine vue par The Economist
par Valles_2
mardi 10 juillet 2007
Lecture d’un article de l’hebdomadaire « The Economist » sur la situation actuelle de l’armée américaine.
L’armée américaine, avant d’être présente quotidiennement dans les journaux télévisés avec les tristes images de bombes artisanales explosant sous des véhicules sophistiqués, occupe une place spéciale dans notre imaginaire. Les productions cinématographiques outre-Atlantique ont toujours privilégié le mythe du « marine », du soldat indomptable se sacrifiant pour la démocratie et le libéralisme. Les récents films d’Eastwood sont d’ailleurs révélateurs à ce propos, l’une des images les plus édifiantes de ces deux productions symétriques (Mémoires de nos pères et Lettres d’Iwo Jima) reste la découverte de l’armada américaine abordant l’île : des navires à perte de vue, évoquant la puissance incroyable des Etats-Unis. En observant cette mer noire de métal, de canons pointés vers des cibles imprécises, le spectateur devine l’irrémédiable issue du conflit. Malgré le courage et la détermination des Japonais, l’armée américaine s’imposera comme un deus ex machina.
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Toutefois, après les épisodes du Vietnam et de l’Irak, les interrogations subsistent sur la capacité de l’armée américaine à gérer des types de conflits auxquels elle n’a pas été vraiment préparée. Qu’en est-il exactement de la situation actuelle de cette armée surpuissante, mais harcelée tous les jours par quelques combattants déterminés, une population souvent hostile et quelques fusils d’assaut AK-47 ? La puissance effective de l’armée américaine n’est-elle qu’un fantasme hollywoodien ou une réalité incontournable ?
Il est, ne le cachons pas, extrêmement difficile d’obtenir une réponse précise à cette question car les perceptions et points de vue sont divers : les stratèges du Pentagone, les généraux opérant sur le terrain (et invités tous les six mois à parler avec prudence de la situation « réelle » et du moral des troupes), les médias, les soldats, l’opinion internationale sont autant de prismes divers qui n’éclairent pas toujours le sujet, mais l’analysent au gré des événements et des passions.
Ce qui est certain aujourd’hui c’est que nous assistons à une indéniable érosion des forces et un effritement du moral des troupes. Le magazine The Economist cite dans son édition du 30 juin plusieurs sources allant dans ce sens : Andrew Krepinevitch, président du think-tank « Centre for Strategic and Budgetery Assesments », évoque un désastre imminent. Non pas tant en raison du moral des troupes que de la pression exercée sur les hommes : il faut soit augmenter, améliorer l’équipement, soit opter pour une réduction des effectifs et un engagement plus modeste, mais l’on ne peut selon lui adopter une stratégie aussi coûteuse en termes humains et aussi peu efficace en termes d’armement et de déploiement. Colin Powell, ancien secrétaire d’Etat se montre encore plus pessimiste en parlant d’une armée à bout de souffle. Enfin le général américain Peter Pace ne dissimule pas son inquiétude face à un engagement unilatéral en Irak qui réduit, voire interdit, d’autres interventions possibles en Corée, à Taïwan, à Cuba ou en Iran.
Toutefois, la rédaction de l’hebdomadaire insiste sur des messages plus optimistes, par exemple celui de Robert Kagan, expert sur la question, qui lui considère qu’ « une superpuissance peut perdre une guerre - au Vietnam ou en Irak - sans cesser d’être une superpuissance. »
Réponse qui peut paraître courte. En effet une superpuissance n’est pas seulement une nation faisant étalage de sa force de destruction ou de son succès économique. Elle s’impose aussi comme modèle. Que retiendrons-nous du conflit en Irak ? Non pas l’arrogance habituelle de Rambo, mais la peur, bien réelle, bien visible de ces soldats, armés de lunettes permettant la vison nocturne, hurlant quelques onomatopées, effrayés par des adolescents croyant défendre leur pays et leur foi. Encore une fois les discours ne se rejoignent pas : certes les experts claironnent à qui veut l’entendre que forte de 1,5 million d’hommes et de plus de 5 000 têtes nucléaires, l’armée américaine demeure une force incontournable. L’écran de télévision nous montre une autre image, sans doute moins triomphante, de l’histoire présente.