L’Armée Rouge a-t-elle libéré l’Europe ?
par Abdellah Ouahhabi
mardi 11 août 2009
Un expert américain de Héritage Foundation a déclaré que les affirmations selon lesquelles l’Armée Rouge a libéré l’Europe dans la Seconde guerre mondiale est une falsification des faits historiques.
Ce point de vue est soutenu par certains responsables politiques des États Baltes et de Pologne et autres pays de l’ancien bloc de l’Est. Cette position est encore plus à droite que la droite traditionnelle de l’Europe occidentale. Qu’y a-t-il derrière ce vent extrémiste ?
La libération de l’Europe par l’Armée Rouge dans la Seconde guerre mondiale est une falsification des faits historiques selon un expert US et cette thèse est reprise en choeur par les forces réactionnaires de l’espace post-soviétique.
En réalité, avec des déclarations pareilles, avec des offenses apportées chaque jour aux mémoriaux de la Seconde Guerre Mondiale relatant des hauts faits d’armes soviétiques, nous assistons en direct – cela se passe sous nos yeux – à la plus grande falsification qui se puisse imaginer… parce qu’elle est fabriquée sur le sacrifice de vingt millions de victimes soviétiques et de millions d’autres victimes communistes à travers le monde.
Bien sûr, cela a des objectifs concrets, matériels : après avoir détruit la IIIème Internationale, puis le Komintern, puis le Bloc de Varsovie, puis l’URSS, on s’attaque à ce qui reste de ce grand progrès de l’humanité que fut la Grande Révolution d’octobre, fille de l’inoubliable et flamboyante Commune de Paris.
Depuis des siècles, l’humanité avance péniblement vers la conscience de son unicité, de sa solitude cosmique, de sa finitude, de sa solidarité inévitable. Des avancées des marches arrière ont été constatées. Rien que de normal. Dans ce cheminement, la Grande Révolution d’Octobre a été comme une lumière du jour dans nuit… le contraire d’une éclipse. Mais elle a quand même duré soixante dix ans et cela nous permet aujourd’hui de distinguer les mythes des rêves prémonitoires comme le furent ceux d’un Jules Verne.
Dans ce chemin difficile et passionnant et parfois douloureux pour tous, la Grande Guerre Patriotique fut une étape essentielle. On sait aujourd’hui que l’armée soviétique a non seulement libéré l’URSS version avant 1939, mais qu’elle a aussi libéré les peuples qui ont rejoints par la suite l’URSS (version après 1945)… et aussi les peuples de l’Europe occidentale : Le jour J, le débarquement en Normandie aurait-il été imaginable, son succès était-il concevable en l’absence d’un front de l’Est qui absorbait les 4/5 du potentiel de guerre allemand ?
Par la suite la conséquence directe de ces victoires fut la libération de tout le Tiers-Monde. La fin du colonialisme, l’apparition de nouveaux États socialistes (Chine, Corée du Nord, etc.), la naissance du Non-alignement sont dus à l’existence d’un surplus militaire important, disponible gratuitement aux quatre coins de la planète, utilisé pour affaiblir le capitalisme et l’impérialisme dans le cadre d’une confrontation indirecte.
Une autre conséquence de la victoire des troupes soviétiques fut le fin de la confrontation directe entre capitalisme et socialisme et le transfert de la concurrence sur le plan social, sur la plan de la « qualité de vie » dans chacun des systèmes : médecine gratuite, retraites, prestations de chômage, logement social, etc. Ce fut aussi la concurrence entre les deux systèmes, relative aux libertés syndicales et politiques. On a assisté dans les métropoles occidentales à un saut qualitatif inouï de la qualité de vie : droits nouveaux politiques, syndicaux, de vie quotidienne, augmentation significative de la part des couches productives lors du partage du « revenu national ». Sans l’existence d’un camp socialiste qu’il fallait battre à tout prix, nous les Occidentaux, nous n’aurions pas connu un tel progrès matériel, social, culturel et politique.
Oui, il faut le dire haut et fort : la victoire de l’Armée Rouge a changé notre vie pendant les quarante ans qui suivirent. Elle NOUS a changé : l’homme n’est plus le même sur la planète Terre. On est passé d’un modèle colonialiste-impérialiste composé de citoyens et d’indigènes, de la menace d’un système social nazi, fondé sur la suprématie raciste explicite à un système où la démocratie a au contraire élargi son champ d’application dans les cinq continents. De manière inégale selon le domaine (plus de démocratie politique ou plus de démocratie économique et culturelle) et selon le pays.
Pour savoir si cette victoire a amélioré ou si elle a nuit à la qualité de vie en URSS elle-même, il faut prendre en compte les sondages opérés auprès des citoyens d’un certain âge qui ont connu les deux systèmes – bien sûr, il ne faut pas tenir compte de l’avis de la minorité très réduite qui a profité du retour au capitalisme : que ce soit en ex-RDA ou en ex-URSS, vingt ans après la chute du mur de Berlin et après la fin de l’URSS, l’avis est unanime : « c’était mieux avant ! ».
Indiscutablement, l’homme du XXIème siècle est un produit de la Révolution d’Octobre et de la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie. Notre monde contemporain est le reflet de ces batailles inoubliables : Moscou, Leningrad, Koursk, Stalingrad, Sébastopol, Kiev,… et Berlin. Nous devons infiniment, nus devons notre modernité aux hommes et aux femmes qui en ont été la chair et l’esprit, que ce soit sur les fronts de feu et de sang ou dans les usines de l’arrière ou encore dans les états-majors.
Alors quel est le sens, le but poursuivi par ces allégations, par cette politique anti-soviétique actuelle ?
Constatons d’abord que la disparition de l’URSS a ouvert grand les portes du retour vers un monde de la force, des ballades militaires, des occupations de territoires, du retour vers la limitation des libertés politiques au prétexte d’un danger terroriste fort opportun. Nous constatons une régression sociale, économique et de niveau de vie des forces productives dans les métropoles du capitalisme à l’occasion de délocalisations érigées en système économique. On revient sur la médecine gratuite là où elle existait ou bien on la dégrade de façon significative, on relève l’âge du droit à la retraite, les prestations sociales en c as de chômage sont limitées, le droit de grève est bridé, la vie politique est contingentée par la pensée dominante…
Concernant le Tiers-Monde, les temps actuels sont revenus au droit d’intervention des pays puissants (les USA, le pays qui a détruit l’Irak en assassinant plus de cent mille civils… par erreur volontaire et qui a imaginé Gantanamo et Abu Ghraïb) contre les petits pays pour les « civiliser », pour leur apprendre « les droits de l’homme ».
La Russie fait partie des pays-cibles, es pays-gibier qui sont le terrain d’expansion choisi pour le capitalisme du XXIème siècle. Les prédateurs post-coloniaux profitent de la complicité de certains milieux russes qui forment la classe sociale qui a bradé le camp de Varsovie et qui a profité de la chute de l’URSS en réalisant le plus grand hold-up de tous les temps : faire main basse sur les richesses des peuples soviétiques, et parmi ceux-ci le peuple russe, en les privatisant à vil prix. Un Gorbatchev, un Eltsine ont joué leur rôle. Des hommes d’affaires associés à la pègre ont suivi ; le peuple a trinqué.
Maintenant, les parrains étrangers de cette maffia russe à laquelle ils ont délivré un certificat de respectabilité lui demande en échange d’ouvrir encore les portes de l’armoire aux bijoux de famille pour continuer à se servir. Et pour asservir le peuple russe dans le cadre d’un retour victorieux vers « les valeurs éternelles » du XIXème siècle.
Cette campagne vise à faire admettre que les libérateurs de l’URSS, de l’Europe et du monde (que le mouvement communiste directement impliqué dans la guerre anti-fasciste dès avant la guerre – l’Espagne fut à ce titre une préfiguration de la Seconde Guerre Mondiale où l’on a vu les États capitalistes (pas les démocrates des pays capitalistes comme Malraux et bien d’autres !) en position neutre alors que l’État soviétique était engagé en tant que tel) ont commis des fautes graves et qu’ils doivent les réparer en versant quelques centaines de milliards de dollars « aux victimes » - les anciens complices de Hitler : « l’industrie de l’holocauste » a fait des émules. Sur le plan politique, l’objectif est de réduire l’influence internationale de la Russie afin de liquider les perspectives d’un monde multipolaire qui réduirait la liberté d’action de l’impérialisme US et de ses valets à travers le monde.
Le prétexte et l’argument de cette falsification de l’histoire, c’est le pacte de non agression conclu par l’URSS et l’Allemagne en 1939.
Or on sait aujourd’hui que ce pacte fut la conséquence directe de la volonté occidentale de lancer les panzers de Hitler d’abord sur Moscou en refusant résolument et ostensiblement de s’allier à l’URSS (contre Hitler pour faire apparaître l’URSS comme une proie facile). Le problème fut que Hitler a bien noté que les fronts Ouest et Est ne s’allieraient pas contre lui et il a considéré qu’il valait mieux commencer sa guerre contre le monde entier par l’Europe occidentale pour s’attaquer ensuite à l’URSS et non l’inverse.
Les promoteurs de l’idée selon laquelle la victoire de l’Armée Rouge ne fut pas une libération puise à ce fond anti-communiste qui dans notre contexte du XXIème siècle est celui de la régression sociale et des libertés chez nous en France (en Occident d’une façon générale) ; c’est celui de la prédation internationale pour recoloniser le monde en commençant par abattre les îlots de résistance, les obstacles que sont la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan, le monde musulman, considérés comme le prochain champ de l’expansion capitaliste.
C’est une idée pourrie, crevée depuis le renouveau russe et depuis que s’est confirmée la vigueur de la croissance chinoise à l’occasion de la crise actuelle. Mais, une idée qui trouve encore des gens qui espèrent la voir revivre. Aucune chance.