L’économie verte : un nouveau round pour l’endettement

par Eric De Ruest
jeudi 7 juin 2012

A voir le contenu des négociations qui se déroulent dans le cadre officiel du sommet de Rio+20, le moment est opportun pour attirer l'attention des peuples sur ce qui se trame derrière la façade bienveillante de l'ONU. La crise structurelle que connaît le capitalisme depuis la fin du siècle dernier est en passe d'accoucher d'un nouveau cycle de destruction pire que tout ce que nous avons subi jusqu'ici. Afin de renouer avec la croissance et les bénéfices, le capital a besoin de nouvelles marchandises et débouchés qu'il veut aller puiser, avec la bénédiction des instances internationales, dans les ressources naturelles, telles l'air et l'eau, les crises écologiques et les services environnementaux.

La nouvelle potion magique vendue pour résoudre tous nos problèmes s'appelle économie verte ou capitalisme vert. Elle n'est différente du capitalisme financier que dans le discours marketing. L'arrêt de l'exploitation déraisonnée des ressources naturelles, des énergies fossiles ou encore l'accaparement des terres arables au profit des multinationales n'est pas au programme. Ce qui change par contre, c'est la possibilité de faire passer le « business as usual » pour de la lutte contre les dégâts écologiques engendrés par... ces mêmes corporations écocidaires.

Mais cela va plus loin. Là où les peuples ont des solutions raisonnées à offrir dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ou l'effondrement de la biodiversité, le marché n’y voit que des opportunités pour augmenter ses profits. Il n'a que faire de trouver des solutions pour résoudre durablement les crises qu'il crée et qui le priveraient de ces nouveaux débouchés. Là où nous disons qu'il faut réduire les émissions, les acteurs du marché envisagent des solutions de geo-ingeniering les plus insensées telles que celle qui consiste à repeindre en blanc le dessus des glaciers ayant fondus pour compenser la diminution de l'albedo [1]. L'exemple peut sembler énorme mais la Banque mondiale s'est montrée intéressée à financer de tels projets pourtant largement décriés par la communauté scientifique [2].



Bien qu'étant un des acteurs internationaux les plus discrédités des décennies passées, tant pour les désastres sociaux engendrés à l'échelle de continents entiers que pour son soutien à de nombreux projets écologiquement dramatiques, la BM continue de jouir toujours auprès des diplomaties occidentales d'une aura de crédibilité qui lui a permis de gérer les fonds verts alloués par la communauté internationale pour la lutte contre le changement climatique. Le loup a les clés de la bergerie et va s'en servir pour dévorer le Sud à la sauce dette et sous couvert d'écologie.

Durant le round de négociations en cours, de nombreux observateurs de la société civile ont mis en garde contre les nombreuses régressions [3] par rapport aux avancées conceptuelles validées lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992 [4]. Une des plus importantes est sans doute celle qui reconnaissait « la responsabilité partagée mais différenciée ». La communauté internationale était alors pleinement consciente que les responsabilités pour les crises écologiques ne pesaient pas d'un même poids sur les épaules des nations. Celles qui se sont industrialisées en premier ont émis bien plus de polluants terrestres et atmosphériques que les pays dits en développement. La charge des réparations devant dès lors revenir proportionnellement aux plus gros pollueurs historiques. Revendications que l'on retrouve dans le concept de dette écologique [5]. Pourtant, aujourd'hui, ce concept éthique de base est remis en cause par la sacro-sainte compétitivité. Ce qui risque fort probablement d'en découler ressemble à ceci :

-* Sous couvert de luttes écologiques, les pays du sud se verront obliger de recourir à de nouveaux emprunts, pour financer des projets technologiques, dans le cadre de l’adaptation et la mitigation aux changements climatiques ou contre l’érosion de la biodiversité. Impossible de refuser de participer à l'effort international.
-* La BM et les institutions internationales parleront de dons alors qu'il s'agira de prêts avec un taux légèrement inférieur à celui du marché.
-* Les multinationales seront les seules à tirer leur épingle du jeu en engrangeant des profits considérables grâce à la vente de technologies et infrastructures sensées apporter des solutions (digues en ciment, nanotechnologies, OGM, projets de geo-ingeniering, nucléaire, agrocarburants, etc.) aux problèmes dont elles sont en grande partie responsables.
-* Afin de continuer à rembourser la dette qui les étrangle déjà et pour faire face à ce nouveau cycle d'endettement, les pays du sud seront contraints de céder toujours plus leurs ressources naturelles contre des dollars. Le cycle infernal se poursuivra toujours plus loin vers des niveaux inimaginables de saccage des écosystèmes.

C'est pourquoi, il est indispensable de mettre un terme à cette spirale de violence et de destruction créée par les règles de bases du capitalisme et de l'économie de marché. Les peuples ont des solutions à apporter, il est temps de les entendre. Le 18 juin, le G20 se réunira pour parler... d'économie verte, alors mobilisons-nous pour faire entendre une autre voix ! Interpellons nos politiques ! Occupons ! Idem pour la journée du 20 juin qui sera la journée du Sommet de Peuples de Rio+20. Mobilisez, interpellez, occupez ! Ne lâchons rien tant que les solutions des peuples, telle la déclaration finale du Sommet des peuples de Cochabamba [6] sur le climat, seront exclues des discussions internationales. C'est notre Terre, notre Monde, nos Institutions, notre Avenir. 


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