L’Ecosse face aux esprits animaux du régionalisme

par Laurent Herblay
vendredi 12 septembre 2014

La semaine prochaine, les Ecossais vont voter dans un référendum qui pourrait décider de leur sécession du Royaume-Uni. Devant des sondages très sérrés, les principaux dirigeants politiques se sont unis pour tenter d’éviter un tel désastre, dont il est difficile de ne pas voir le lien avec le néolibéralisme.

Un produit du néolibéralisme ?
 
Bien sûr, certains rétorqueront sans doute que je cède à la facilité en accusant le néolibéralisme d’être à l’origine des velléités d’indépendance de l’Ecosse. Et pourtant, à ceux-ci, je conseillerai la lecture du livre remarquable de Jacques Généreux, « La disociété  », qui analyse sur toutes les dimensions (économique, politique, mais aussi sociétal), comment le néolibéralisme affecte nos sociétés, en poussant les hommes à ne plus que se regarder à travers l’être soi et non l’être avec. Car la tonalité de la campagne à Edinbourg comme à Londres l’illustre terriblement. La politique n’est plus ici un débat sur un destin collectif mais réduite à des récriminations financières des uns contre les autres.
 
Les partisans de l’indépendance veulent garder pour eux la manne pétrolière de la Mer du Nord, argument pourtant très court-termiste. Les opposants soulignent que l’Etat dépense beaucoup en Ecosse, qu’une partie de la dette sera transférée, qu’ils ne pourront pas forcément utiliser la livre sterling, et que cela pourrait pénaliser les ventes de whisky. Bref, au lieu de parler de destin commun, de communauté culturelle et d’identité, de projets à construire ensemble, le débat tourne à une négociation de marchands de tapis. Les chefs des trois principaux partis, dans un dernier effort désespéré, qui ressemble à un coup de poker, se sont mis d’accord pour proposer un nouveau projet qui renforcerait plus encore l’autonomie de l’Ecosse, pour proposer, selon eux « le meilleur des deux mondes  ».
 
Un aboutissement égoïste et communautaire

Bien sûr, il existe une identité écossaise. Mais cette identité a toujours existé au sein du Royaume Uni et elle ne semble pas vraiment avoir dépérie. Qu’est-ce qui peut bien faire que l’unité du Royaume soit remise en question près de trois siècles après sa formation, malgré l’autonomie grandissante déjà accordée à l’Ecosse, qui a son parlement depuis 2007 ? D’abord, cela en dit long sur les conséquences de la délocalisation. Loin de calmer les ardeurs régionalistes, elle semble au contraire les exciter et les nourrir, comme on le voit aussi en Espagne. En accordant plus de pouvoirs aux régions, il est difficile de ne pas constater que cela finit par donner l’idée aux potentats locaux de voler de leurs propres ailes.

Pire, cette tendance est également nourrie par le néolibéralisme, par deux biais. D’abord, quand on théorise que la somme des égoïsmes produirait l’intérêt général, il ne faut pas s’étonner de voir grandir les égoïsmes régionaux. Ce n’est pas un hasard si ce sont l’Ecosse (assise sur sa manne pétrolière) et la Catalogne (plus riche que la moyenne espagnole) qui menacent les premiers de faire sécession, dans une parabole de ces riches déserteurs fiscaux ou ces riches multinationales qui partent en Suisse ou en Irlande. Ce sont toujours les plus riches qui partent en premier. En outre, cela rejoint également l’alliance entre le néolibéralisme et tous les communautarismes, un intérêt bien compris du premier qui peut plus facilement imposer sa loi à des petits ensembles, aussi homogènes soient-ils, qu’aux vieilles nations.
 
Ce faisant, dans l’époque que nous traversons, il est difficile de ne pas penser que l’issue le plus logique de ce malheureux référendum pourrait être la désintégration du Royaume Uni, emporté par les égoïsmes et les communautarismes nourris par le néolibéralisme que Londres promeut depuis 35 ans.

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