L’enfumage de l’OCDE sur la désertion fiscale

par Laurent Herblay
vendredi 9 octobre 2015

Aujourd’hui, les ministres des finances du G20 se réunissent à Lima pour valider les propositions de l’OCDE pour lutter contre la désertion fiscale des multinationale. Mais la montagne sembler avoir accouché d’une souris, comme le soutiennent la plupart des ONG.

 
La fin d’une calamité fiscale ?
 
L’OCDE affirme que la désertion fiscale coûterait 100 à 240 milliards de dollars d’impôts sur les sociétés par an aux Etats, et donc aux citoyens. Un chiffre que les ONG jugent très conservateurs. En 2013, Marianne avait réalisé un dossier évoquant les pratiques d’Apple pour réduire son impôt sur les sociétés en France de 315 à 6,7 millions d’euros en 2011. On y apprenait aussi que Philippe Marini avait révélé que Google avait domicilié son chiffre d’affaire européen en Irlande pour minimiser les impôts, tout en payant la bagatelle de 4,1 milliards de redevances de propriété intellectuelle à une autre société irlandaise basée aux Bermudes, charges qu’elle déduit des impôts de la première entreprise tout en n’en payant aucun sur la seconde puisque ses dirigeants ne sont pas localisés en Irlande.
 
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les mesures de l’OCDE ne dont pas très claires, même si le Monde le vante en parlant de « large consensus sur son plan  » et de « boîte à outils anti-abus (…) aboutissement de deux ans d’intenses tractations diplomatiques », et « parmi les signataires grandes puissances économiques mais aussi pays en voie de développement et centres offshore bien connus  ». Pour un directeur de l’OCDE : « on obtient un accord auquel personne ne croyait il y a deux ans. Un vrai accord ! Un paquet global est adopté. Aucune des quinze mesures n’est vidée de son contenu  ». Le Monde parle d’encadrement des prix de transfert, une plus grande transparence des accords fiscaux ou des niveaux d’activité des multinationales et quelques mesures techniques.
 
Ne rien attendre de la bureaucratie internationale
 
Mais rien de bien concret ne semble être sorti du plan de l’OCDE. Le consensus international, incluant des parasites fiscaux notoires était sans doute une bonne indication de la réalité du projet de l’organisation internationale. Sur les prix de transfert, rien de concret n’est annoncé : c’est la pratique qu’utilisait Dole pour acheter des bananes 10 centimes en République Dominicaine, pour les revendre 51 centimes ensuite, en domiciliant artificiellement 41 centimes dans des parasites fiscaux, comme le révélait Marianne. Et on sait ce que la transparence est en matière fiscale, avec les annonces dérisoires sur les parasites fiscaux, passés miraculeusement de la liste noire à une zone grise par les mêmes procédés obliques qui permettent aux multinationales d’échapper à leur juste contribution à la société.
 
D’ailleurs, Arrêt sur Images note le décalage de la position du Monde sur le sujet, qui tait les critiques des ONG pour publier un papier sur « La souveraineté des Etats en matière d’impôt en question  » par un membre d’Atoz Luxembourg, qui défend la lutte contre les doubles impositions et attaque des « contraintes mises en place de façon brutale » ou « l’agressivité des administrations fiscales  » et critique la moralisation de la fiscalité qui n’apporterait « que de l’insécurité juridique, un accroissement exponentiel des contentieux fiscaux et une défiance toujours plus grande face à l’impôt de la part des contribuables  »… Pourquoi n’ont-ils pas plutôt interrogé Pascal Canfin, ancien ministre, ou des personnes des ONG qui critiquent ce plan ? Arrêt sur Images a bien raison d’épingler la curieuse position du Monde.
 
En réalité, les propositions de l’OCDE ressemblent à un immense coup de communication, comme celui sur les sorties de parasites fiscaux de la liste noire il y a quelques années. Et le blanc seing sans nuance ni contradiction d’un journal comme le Monde ne fait que renforcer ce sentiment.

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