L’enseignement au Maroc : Un secteur noyé dans ses réformes

par Az. boufous.
lundi 5 juillet 2010

Beaucoup d’encre a coulé à propos d’un domaine stratégique qu’on traite avec une légèreté inadmissible. Les lois du marché d’un côté,la privatisation, la lourdeur administrative, l’irresponsabilité,les protocoles vides de tout sens, le mensonge, tout ces facteurs sont autant de boulets choisis pour lester le cadavre, afin qu’il ne refasse plus surface et pour que les requins se partagent sa dépouille morbide au fond de l’océan de l’ignorance où il s’enfonce un peu plus chaque jour...

L’enseignement est incontournable, c’est grâce à lui qu’on prépare les compétences de l’avenir et forme les élites dirigeantes de la nation.Son échec est synonyme de déchéance de tous les autres secteurs qui déterminent le développement.

Au Maroc il serait indéniable que tout le monde s’accorde sur le fait que notre institution scolaire est défectueuse quelque part,la meilleure preuve est le plan d’urgence instauré pour sauver ce qui peut encore l’être.La multiplication des réformes et des directives et des commissions qui se sont succédé depuis l’indépendance n’ont jamais réussi à remettre la motrice sur la bonne voie.

En 1957 c’est la formation de la haute commission à l’enseignement,suivie en 58 de la commission royale de réforme de l’enseignement.En 59 c’est le conseil suprême de l’enseignement,puis c’est le symposium de Maâmora en 64.Le projet Benhima en 67, les deux conférences d’Ifrane en 70 et 80 ,la commission nationale de l’enseignement en 94,la commission royale de l’éducation et de la formation 99,la commission spéciale de l’éducation et de la formation,et enfin le plan d’urgence 2009-2012.Une quantité énorme de travail qui n’a pas réussi à débusquer la pierre du Graal de l’enseignement Marocain. Pourquoi ?

Parce que à chaque fois qu’une réforme est entreprise ,nonobstant ses soubassements théoriques et idéologiques,les véritables acteurs de l’opération ,la pierre de voûte sans laquelle l’édifice ne pourrait tenir,n’a jamais fait l’objet d’aucune consultation,ni d’aucune mise à niveau théorique .Tout ce que l’administration entreprend pour mettre l’enseignant dans le bain de sa nouvelle réforme consiste souvent à charger un inspecteur d’improviser une rencontre de deux jours où il leur parle de choses que lui même ignore et se limite à lire des explications en arabe ,pour des enseignants de français.

Voilà comment,durant un quart de siècle ,depuis 1985,se sont passées les multiples réformes de l’enseignement sur le terrain.La pédagogie par objectifs,qui a longtemps été la bible du ministère a été abandonnée ,sans évaluation de pertinence au profit de la pédagogie du projet ,puis par l’approche par les compétences,avant qu’on n’entende un nouveau discours sur la pédagogie de l’intégration,considérée peut-être comme le remède,vu la paronymie,contre l’intégrisme naissant.Oui pour l’intégration mais pas dans un système de valeurs étranger, sachant que sur le plan académique toutes ces approches se rejoignent ,se recoupent et se complètent et sont unanimement décriées dans leur terre d’origine où elles sont réellement mises à l’épreuve.Que dire alors de leur efficacité pour des élèves culturellement et psychologiquement différents.Mais personne n’a jamais pris la peine d’éclairer les enseignants,censés appliquer ces approches,sur leurs avantages et leurs défauts et la raison de leur abandon.Non personne et les rares qui se cultivent dans ce domaine gardent leurs impressions loin de l’accès des autres.Personne dans un domaine aussi sensible ne veut partager ses connaissances ni ses expériences , après l’on criera tous à l’échec de l’enseignement.

Les décideurs en matière de politique pédagogique se placent au dessus de la mêlée et se croient intouchables ,alors que leurs erreurs successives touchent justement un nombre toujours croissant de nos enfants.A ce propos on tient un discours totalement paradoxal .C’est que d’un côté (officiel)l’on ne cesse de crier à hue et à dia l’attachement au principe de la décentralisation,qui consiste à accorder aux institutions scolaires plus d’autonomies dans la prise de décision ,alors que la réalité est tout à fait autre.Partout au Maroc tout le monde vous confirmera qu’aucun directeur d’établissement n’est capable de prendre la moindre petite décision au profit de "son" établissement,sans l’avis préalable de la hiérarchie supérieure.Eh bien qui osera encore parler de décentralisation et d’autre clichés bon seulement pour la consommation extérieure ?Et pour masquer le manque de vision projective et prospective de l’avenir qui caractérise les différentes réformes passées ,les responsables accusent les enseignants essentiellement de laxisme et cherchent à les surcharger de travail .

Comme si ce pauvre corps enseignant n’est pas déjà assez saigné ,voilà qu’il sert de bouc émissaire et de victime exutoire à sacrifier devant l’autel de la réussite pour qu’elle daigne illuminer les têtes noires de nos petits écoliers ,et s’il lui en reste de nos universitaires aussi. Pire encore ils profitent de la moindre bavure pour resserrer l’étau sur le cou de cette catégorie de fonctionnaires de l’État qui ,somme toute travaillent plus que tous les autres employés des autres secteurs réunis.La moindre infiltration de sujets d’épreuves est imputée à l’enseignant avant l’enquête,l’indiscrétion du moindre agent d’exécution est prise comme prétexte pour prendre des mesure contre tous les fonctionnaires.Ceci est visible lors des examens où un air de suspicion est volontairement installé vis à vis des enseignants,même et surtout lors de leur séance de surveillance . Après l’on s’inquiétera de ce que les élèves n’accordent que peu de respect à leurs profs,un respect que personne ne lui témoigne ,à commencer par l’organisme avec le quel il s’est engagé à vie.

Il est désolant de voir qu’une administration qui ne cesse de parachuter ses directives,ses notes et ses instructions de toutes sortes concernant la P.P.O,la pédagogie projective et tout le barda des théories importées stylo en main ;toute cette administration verticale n’use jamais, elle, de démarche projective ,ni n’entreprend de véritables études sur l’environnement social de l’élève qu’elle vise par ses réformes.La preuve c’est que l’improvisation est la maîtresse incontestée dans la gestion du secteur.L’urgence n’est que sur les papiers,alors que nous sommes aujourd’hui le 28 septembre ,15 jours après la rentrée officielle et encore rien,pire la rentrée scolaire n’a jamais été aussi en retard qu’en cette année des urgences.On a une forte impression que l’enseignement est malheureusement traité comme le parent pauvre de l’État,qui veut s’en débarrasser graduellement en l’ouvrant au marché privé encore plus qu’il ne l’est actuellement .Ceci dans la logique d’une recherche de la solution la plus simple,et pas toujours la plus efficace,du moment que ce secteur est jugé trop coûteux pour le budget étatique ,sachant que l’État ne le subventionne qu’à hauteur de 51%.

Une opération de bradage aggravée par une stratégie de la terre brûlée qui consiste à détruire les assises de l’enseignement public pour accélérer sa déchéance .Au mieux garder un certain pourcentage d’établissements vraiment incassables pour s’en servir dans la quête des subventions étrangères de moins en moins généreuses. Ceci sans cesser de faire le jeu des institutions et des firmes étrangères qui œuvrent par tous les moyens à déstabiliser les institutions éducatives pour avoir accès aux cerveaux des jeunes et les exploiter au profit d’une idéologie et d’un agenda qui leur est propre .


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