L’étonnant appui de Paul Krugman ŕ Donald Trump

par Laurent Herblay
mercredi 30 septembre 2015

 

C’est un des rebondissements étonnants de cette surprenante campagne des primaires aux Etats-Unis, qui a vu le milliardaire Donald Trump prendre largement la tête des sondages du côté Républicain, en tenant un discours volontiers outrancier. Mais sur l’économie, Paul Krugman le soutient  !

Le soutien limité d’un démocrate
 
Cela peut paraître étonnant de la part d’un progressiste, qui défendait une assurance maladie universelle dans son livre « L’Amérique que nous voulons  », prenant le système Français en exemple. Il dénonce aussi « son racisme implicite et son insistance à arrêter onze millions d’immigrés sans papier et les retirer de notre sol  ». Mais, il maintient que « Trump a raison sur l’économie  » quand Jeb Bush l’attaque sur « sa volonté d’augmenter les impôts pour les riches, ses commentaires sur la couverture universelle pour la santé  ». Pour lui, les attaques de Bush portent « précisément sur les points où M.Trump a raison  ». Cruel, il rappelle que les Républicains disaient que la hausse des taxes et l’Obamacare détruiraient des emplois et que Mitt Romney promettait un taux de chômage à 6% en 2016.
 
Même s’il rappelle que « nous sommes encore éloignés du plein emploi, et que si le nombre d’emplois a beaucoup cru, les salaires n’ont pas suivi  », il rappelle que le taux de chômage est tombé à 5,1%, moins que sous Ronald Reagan. Mais cela n’est pas un blanc seing pour Donald Trump : « il est exactement ce fanfaron ignorant qu’il semble être (…) Je ne défends pas M.Trump. Il y a beaucoup d’autres politiciens qui refusent d’accréditer le non sens économique de droite, mais qui le font sans proposer de parcourir la campagne pour chercher des immigrants à déporter ou à déchirer les accords économiques internationaux et commencer une guerre commerciale. Le point, cependant, est qu’aucun de ces hommes politiques raisonnables ne cherche la nomination des Républicains ».
 
Que penser de ces primaires ?
 
Il n’en reste pas moins étonnant qu’un économiste, proche de l’aile gauche des Démocrates, en vienne à accorder un tel satisfecit au candidat le plus sulfureux des Républicains, souvent vu comme le plus extrême de ces primaires. Il faut dire que la campagne républicaine semble témoigner, jusqu’à présent, d’une vraie colère des électeurs contre les élites de Washington, ce qui expliquerait le succès de Donald Trump ou aussi celui de Carly Fiorina, deux personnalités venues du monde des affaires et qui jouent justement sur le fait qu’ils n’appartiennent pas à l’établissement politique du pays. Ce faisant, le message qu’envoie le peuple étasunien par les sondages, même si leur valeur est à relativiser, est une envie profonde de renouvellement et de véritable changement, que Barack Obama n’a pas satisfait.
 
En un sens, cette aspiration au changement est extrêmement positive, outre le fait d’être logique pour qui est partisan d’une véritable alternative à l’anarchie néolibérale. Cela signifie sans doute que le changement finira par venir, même si on ne sait pas quand. Sous l’écume néolibérale du moment, des courants profonds sont à l’œuvre dans les opinions de la quasi totalité des grands pays dits occidentaux (en Grande-Bretagne, avec Jeremy Corbyn, en Italie avec le mouvement Cinq Etoiles, en Espagne, avec Podemos, en France, avec le FN, pour l’instant). Et il faut saluer la capacité de Krugman à apporter son soutien à Donald Trump sur les questions économiques, démontrant qu’il ne cède pas à un esprit de chapelle et que dans le grand changement qui arrivera, les anciennes barrières tomberont.
 

Bien sûr, il est possible que les primaires débouchent sur le choix d’Hillary Clinton côté démocrate et de Jeb Bush côté républicain, pas vraiment un signe de renouvellement, et plutôt une caricature du fonctionnement de plus en plus aristocratique de la société étasunienne. Mais il faut se méfier de l’eau qui dort.


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