L’Iran et la Syrie : nouvelles cibles de Bush ?

par maamar farah
mardi 23 janvier 2007

Maintenant, tous les ingrédients sont réunis pour une déflagration générale au Moyen-Orient. Bush et les néoconservateurs y ont travaillé avec une attention méticuleuse. Sur tous les fronts, ils ont préparé le combustible qui sera allumé au moment voulu.

Je crois que, jamais, depuis la fin de la guerre froide, le monde n’a connu une situation aussi grave. Alors que la guerre en Irak s’enlise, et au moment où les opinions publiques américaine et mondiale s’attendaient à des décisions courageuses de la part de l’administration Bush, annonçant et préparant un retrait digne, ne voilà-t-il pas que ce dernier, faisant fi des recommandations du rapport Baker et des orientations du nouveau Congrès, s’entête à poursuivre une guerre perdue d’avance ; pire, à envoyer davantage de troupes en Mésopotamie.

Mais le plan de Bush, ou ce que l’on appelle sa nouvelle stratégie, va au-delà de l’Irak. Nous savons que la répression et les exactions, sur fond de violences confessionnelles, vont s’intensifier. Il y a pire.

Un décret secret


Des informations crédibles font état de préparations pour des actions militaires « punitives » contre l’Iran et la Syrie. On parle d’un décret secret qui aurait été envoyé par le président Bush au secrétaire de la Défense et à la CIA. Bien que cela paraisse invraisemblable, puisqu’il n’y a pas eu de débat au Congrès et que l’opinion publique en est tenue à l’écart, cette décision semble répondre aux vœux des néoconservateurs d’en découdre avec les deux pays qui leur semblent être les principaux obstacles à une « normalisation » en Irak. D’ailleurs, le président Bush les avait clairement menacés, tout en exprimant ses souhaits de voir les autres régimes arabes collaborer étroitement avec sa nouvelle politique.

Certains analystes considèrent l’attaque de la représentation iranienne à Irbil comme une première salve de cette nouvelle guerre dont les semaines prochaines nous livreront une idée plus précise. Cette opération, hasardeuse et dénoncée partout, visait à créer une réaction iranienne qui aurait servi de prétexte à de nouvelles actions militaires américaines. Certains pensent d’ailleurs que les nouvelles unités qui ont commencé à débarquer à Bagdad ne visent pas à renforcer les effectifs se trouvant au centre de l’Irak, mais seraient plutôt déployées près de la frontière iranienne ; d’autres troupes devant se rendre du côté syrien.

Mais si la menace contre l’Iran et la Syrie est claire, nous ne savons pas exactement quel sera le rôle futur des régimes « alliés » de la région, à commencer par ceux de l’Arabie Saoudite, de Jordanie et d’Egypte ? Le déplacement de Condoleeza Rice dans la région, ces derniers jours, n’avait pas simplement pour objet la question palestinienne. Il s’agissait de prendre la température après le dernier discours de Bush annonçant sa nouvelle stratégie. Le plan des néoconservateurs est très clair : présenter le péril nucléaire iranien comme une menace sérieuse planant sur tous les pays arabes sunnites ou à majorité sunnite. L’exécution de Saddam Hussein et les divisions confessionnelles, sur fond de violence quotidienne, servent à manipuler les pouvoirs et les peuples de la région qui vont croire que leur ennemi principal n’est plus l’agresseur, la puissance qui menace la paix et tue pour le pétrole, mais l’Iran.

Silence et « appui » arabes
Il est vrai que l’Iran a des intérêts propres - répondant à son profil de puissance régionale avérée-, qui ne sont pas ceux des pays arabes du Golfe. Mais l’antagonisme confessionnel, attisé par Washington, ne sert pas les peuples de la région. Il est actuellement le principal détonateur pouvant allumer le feu dans toute la zone. Au vu de l’état d’esprit régnant actuellement chez les uns et les autres, l’entente et la détente nous semblent s’éloigner de plus en plus des horizons de ce Golfe devenu instable depuis l’entrée des GI lors de la première guerre d’Irak.

Tout va dans le sens du pire et les néoconservateurs jouent vraiment à l’aise : ils disposent d’appuis solides dans la région et leurs prochaines aventures militaires ne verront pas une quelconque remise en cause de la part des régimes locaux. La direction saoudienne ne vient-elle pas de déclarer qu’elle appuyait fortement la nouvelle stratégie de Bush ? Quant à la colère du roi de Jordanie - ami des Américains - contre les chiites, elle ne s’explique pas seulement par sa « solidarité » vis-à-vis des sunnites d’Irak. Enfin, Moubarak est le principal allié de Washington et l’aide conséquente de cette dernière l’empêche de se désolidariser de toute action qu’elle entreprendra.

A la question du sénateur Biden, au sujet de ce qu’elle pensait de l’autorité constitutionnelle du président à poursuivre, de l’autre côté de la frontière irakienne, en Iran ou en Syrie, les « réseaux », Condoleeza Rice a répondu, il y a quelques jours : Je pense que tout le monde comprendra cela : les Américains et moi supposons que le Congrès s’attend à ce que le président fasse ce qui est nécessaire pour protéger nos forces.

Ce à quoi le sénateur Biden avait rétorqué : Madame le Secrétaire, je veux juste qu’il soit clair, en parlant pour moi, que si le président concluait qu’il devait envahir l’Iran ou l’Irak afin de poursuivre ces derniers - ou la Syrie - à la poursuite de ces réseaux, je pense que l’autorisation actuelle accordée au président pour utiliser des forces en Irak ne couvre pas cela, et qu’il a besoin d’une autorisation du Congrès pour le faire.

Visiblement, l’escalade actuelle, qui n’est pas sans rappeler l’épisode cambodgien de la guerre du Vietnam, risque d’entraîner toute la région dans une guerre sans fin. Une guerre qui pourrait précipiter le monde dans un conflit d’une nature autrement plus meurtrière que les précédents. Voire, un conflit où l’atome pourrait être utilisé pour la première fois à large échelle. Et personne n’y échapperait.

La question est de savoir si les Terriens en sont conscients.


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