L’Ukraine, une bombe à nos portes !
par Gérard Luçon
samedi 14 juin 2014
Il aura fallu une quinzaine d’années pour que l’effet Kosovo nous pète à la figure, et ceci d’une manière manifestement imprévue par les apprentis-sorciers qui avaient cru qu’on pouvait attaquer un des berceaux de la religion chrétienne orthodoxe sans n’avoir jamais un effet boomerang.
Dans un premier article (http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-traite-de-berlin-en-1878-lutte-146954 ) j’ai tenté de rappeler que l’Occident luttait déjà contre le « panslavisme » au XIXème siècle, faisant et défaisant des traités dès lors que la France, la Grande Bretagne et l’Allemagne n’y trouvaient pas leur compte.
Ensuite j’ai voulu aborder le problème interne à l’Ukraine, que l’on trouve de manière totalement similaire en Europe de l’Est (Roumanie, Moldavie, Bulgarie, …), (http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/ukraine-effet-larseniuc-et-149356) à savoir une corruption chronique et généralisée dans laquelle tout politicien s’est fourvoyé, et un système où le népotisme fonctionne hors de toute limite.
Enfin j’ai tenté de rappeler que s’attaquer à la Russie, la vraie, celle éternelle, avait toujours été suivi de réactions que l’Occident ne pouvait comprendre, du fait d’une méconnaissance totale de « l’âme slave » et de la valeur de la vie humaine (http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/ukraine-fallait-pas-ecraser-les-149851 ).
Je souhaite maintenant aborder le problème sous des angles peu connus voire totalement ignorés, à savoir :
1/-l’ouest ukrainien et l’entre deux guerres
Dans la carte jointe (datant de 1938) on peut constater qu’entre les 2 guerres l’ouest ukrainien a été, avant tout, autre chose qu’ukrainien ! La Moldavie (capitale Chisinau, actuelle république de Moldavie ayant choisi le statut d’Etat neutre) était roumaine. L’actuelle Ukraine avait comme frontière commune avec la Roumanie les départements de Hotin et Soroca au nord est (désormais intégrés dans la Moldavie), celui de Cetatea Alba à l’est, directement au sud d’Odessa (désormais intégré à l’Ukraine), et la Tchécoslovaquie et la Pologne possédaient elles aussi une grande partie de cet ouest ukrainien ; donc on parlait le tchèque, le polonais, le roumain dans ce « far-west », et l’on était qui catholique, qui protestant, qui orthodoxe. C’est de ces territoires devenus « URSS » après Yalta qu’ont émigré entre les deux guerres tant de familles juives (telles Drucker, Copelovici, le grand-père de Mme Gravoin épouse de Manuel Valls, etc …). Cet ouest ukrainien n’a pas d’identité commune aux plans historique, culturel, religieux, c’est avant tout un melting-pot et encore de nos jours les anciennes régions roumaines, polonaises et tchèque ont gardé les noms historiques de leurs villages, parlent leur langue originelle et écrivent en alphabet latin alors que le cyrillique est la règle.
400.000 roumains vivent dans l’actuelle Ukraine, essentiellement dans les anciennes préfectures roumaines de Radauti, Storojinet, Cernauti, Hotin, Dorohoi, Cetatea Alba, Ismail ; ils pourraient faire partie de l’UE si le gouvernement roumain faisait son travail, à savoir défendre les intérêts de sa population historique… mais, mais, mais … la Roumanie a en son sein un problème majeur, celui de la minorité hongroise (départements de Covasna et Harghita), 90% de « magyarophones » en plein milieu du pays ! C’est d’ailleurs à cause de ce problème que la Roumanie n’a toujours pas reconnu l’indépendance du Kosovo, ayant peur d’un effet boule de neige. L’Espagne non plus n’a pas reconnu cet Etat mafieux, pour cause de Catalogne.
Hormis des accords spécifiques entre la Roumanie et la Moldavie, le rêve de reconstitution de la Grande Roumanie ne se fera pas, sauf si l’Ukraine implose, ce qui n’est pas impossible du fait de la révolte des russophones que Kiev veut éliminer physiquement en bombardant les villes, en utilisant des bombes au phosphore et à fragmentation sur les populations civiles, bref en choisissant délibérément l’option guerre civile.
2/-la Transnistrie et la Moldavie, entre Roumanie et Russie
Depuis quelques années on nous fait passer la Transnistrie comme une république de pacotille, un « machin » créé de toute pièce par la Russie. Sur la carte jointe (agrandissement de la précédente) on peut voir que cette Transnistrie existait déjà entre les deux guerres, elle faisait partie de l’Union Soviétique et s’appelait RASS moldave (République Autonome Socialiste Soviétique). Pourquoi Transnistrie ? Parce que le fleuve qui la sépare de la Moldavie s’appelle en roumain « Nistru », en France nous l’appelons le Dniestr. Quand l’empire soviétique s’est désagrégé cette république autonome n’a pas accepté d’être intégrée dans l’Ukraine, et ce d’autant plus qu’elle était fortement peuplée de russophones et de roumanophones. Il est toujours difficile de gérer l’avenir de régions reconnues comme autonomes en leur donnant de nouveaux chefs, de nouvelles Lois, une nouvelle langue, une autre religion … bref de nier leur histoire et leur évolution. Comme entité géographique la Transnistrie n’a aucun avenir, comme entité historique et culturelle, elle existe et le fait savoir, ce sera difficile pour l’Ukraine de régler cette situation sans bain de sang, mais dans cette partie de l’Europe, la vie humaine n’a pas le même sens qu’en Occident.
3/-la religion orthodoxe
Nous touchons le cœur du problème, l’Ukraine est orthodoxe, catholique, protestante, musulmane selon qu’on est de l’ouest, du sud, de l’est, d’origine roumaine, polonaise, tatare, tchèque, hongroise, russe. L’Ukraine a même été peuplée de nombreux juifs quand le saint empire romain-germanique bloquait à ses frontières ces citoyens « dangereux » !
Etre Chrétien Orthodoxe représente une identité, une croyance, des coutumes assez éloignées de celles du monde catholique. Quand l’Occident transforme le blasphème en émanation de la pensée individuelle et en liberté d’expression, l’Orient y voit une injure gravissime. Ainsi les artistes appelées « Pussy Riot », plus connues pour leurs vidéos « X » que leurs chansons et musiques, s’en sont pris officiellement (pour l’Occident) à Vladimir Poutine ; en réalité elles sont intervenues dans des églises orthodoxes, un lieu où le président Poutine n’a aucun pouvoir ! Leur ennemi n’est pas Poutine, c’est la religion … mais cette religion est forte, prégnante, elle est aussi proche du monde slave. L’Occident, avec les fonds de Georges Soros, a décidé d’attaquer ces fondements religieux ; en finançant les « Femen » il a créé un outil de déstabilisation dont l’Occident, France en-tête, s’est emparé. Comment croire qu’une « nénette » sans soutien-gorge ni t-shirt ait pu s’introduire au Musée Grévin avec une arme et massacrer un statue de cire sans qu’aucun gardien n’ait pu intervenir, et avec des photographes présents pour immortaliser cet évènement ? Tout était organisé à l’avance, avec la complicité du gouvernement français, triste gouvernement réduit à se servir de tels expédients !
Il est une autre approche de cette situation, celle qu’en ont les chrétiens orthodoxes, le mariage « pour tous » est inacceptable, les manifestations du type « gay-pride » ne le sont pas plus, bref nous sommes extrêmement loin d’une position, d’une attitude et d’une politique cohérentes. Quand l’OTAN prend fait et cause pour l’Ukraine et ses ministres néonazis, elle ignore l’influence du fait religieux en Bulgarie, en Roumanie et chez les chrétiens orthodoxes ukrainiens. Elle ignore aussi le choc qu’a représenté le soutien au Kosovo musulman.
Alors l’Ukraine dans l’Union Européenne, oui mais quelle Ukraine ? La catholique de l’ouest avec ses racines polonaises, la roumaine orthodoxe ancrée au sud, ou bien la russophone orthodoxe bien ancrée à l’est et au sud ? Pour le moment ce pays compte ses morts et cherche ses frontières, organise une élection présidentielle sur les deux tiers de son territoire, veut le gaz russe sans devoir le payer, est au bord de la banqueroute et attend le soutien d’un Occident qui n’a pas vraiment envie d’entrer en guerre pour le Dombass. Les terres noires de l’ouest ukrainien sont intéressantes pour les fermes aux mille vaches, les habitants le sont beaucoup moins pour une Union Européenne incapable de résorber le chômage et de gérer les ouvriers migrants venant de Bulgarie et Roumanie.