La centrale nucléaire et le tremblement de terre

par Philippe Vassé
jeudi 19 juillet 2007

Une dépêche de l’agence AP de ce jour, 19 juillet, nous apprend que les fuites radioactives « officiellement reconnues » ont été plus fortes (+ de 50 % !) que celles annoncées juste après le tremblement de terre qui a frappé la centrale nucléaire japonaise de Kashiwazaki. La polémique gronde au Japon, mais cela peut intéresser l’opinion française...

Commençons par une nouvelle qui ne peut que soulever de nouvelles interrogations sur les faits et les chiffres annoncés depuis lundi : la centrale nucléaire japonaise de Kashiwazaki-Kariwa a été fermée pour le moment et pour une durée indéfinie, par décision du gouvernement japonais.

Et une polémique grandit au Japon après que des experts en radioactivité et des journalistes, emmenés... par le secrétaire général du Parti communiste japonais (PCJ), Kazuo Shii, a mis au jour des mensonges ou omissions initiaux de la part de l’entreprise qui gère le site, TEPCO (Tokyo Electric Power Company), en démontrant que les fuites radiocatives sont bien plus importantes en réalité que celles reconnues au départ, juste après le séisme, mais aussi qu’il y avait maintenant des problèmes quant à la stabilité du sous-sol de la centrale nucléaire.

Un scénario déjà vu quelque part...

Le débat polémique est né de ces découvertes que les dirigeants de TEPCO n’auraient "pas vues de suite" ou "mésestimées à l’origine".

Pour bien apprécier l’importance de ce dossier pour le public français, il faut donner ici une information de départ essentielle : la centrale nucléaire, dont il est fait état, est la plus puissante du monde en termes de production électrique et elle est installée sur une zone sismique connue depuis longtemps.

Elle a été frappée par un tremblement de terre lundi et cela a donné lieu, immédiatement après l’événement, à des rapports et des analyses rassurants émanant de la "seule" direction de TEPCO.

Résumons les déclarations initiales de la direction de TEPCO : "il y a certes des dégâts, mais sans conséquences graves. Nous avons listé une douzaine de points à examiner avec attention. Nous allons les réparer. La fuite radiocative est minime. Nous avons la situation en mains."

C’est donc l’intervention du responsable du Parti communiste japonais, avec des spécialistes scientifiques indépendants et qualifiés, accompagnés par des journalistes, qui a obligé la même direction de TEPCO à admettre aujourd’hui que : les dégâts sont plus importants et profonds que ceux initialement annoncés, la fuite radiocative est bien plus "significative" - bien que sans danger selon elle pour la santé publique (sic !) - et qu’il y avait bien un danger du fait d’une faille dans le sous-sol océanique près de la centrale.

Le résultat de tout ceci est le suivant : la centrale supposée lundi par la direction de TEPCO pouvoir continuer son fonctionnement avec de menues réparations est aujourd’hui complètement arrêtée !

Inquiétudes internationales et soupçons de mensonges initiaux

Il semble même que les révélations du responsable communiste japonais et de son équipe d’experts ont attiré l’attention de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), par leur sérieux et leur véracité.

Son président, M. Mohamed El Baradei, qui se trouvait alors en Malaisie, a immédiatement réagi aux informations de la presse japonaise et aux versions successives de la direction de TEPCO.

Sa réaction est intéressante car il n’ignore pas que les dirigeants de TEPCO ont déjà essuyé, au Japon, et de la part de spécialistes très reconnus, des critiques passées pour leurs informations pas toujours exactes et sincères sur des incidents survenus dans leurs centrales nucléaires.

Il a déclaré : "Ceci (la décision d’arrêt indéfini de la centrale-NDLR) ne signifie pas que le réacteur nucléaire ou le système de fonctionnement aient été endommagés. Je veux espérer et croire que les autorités japonaises seront entièrement transparentes dans les investigations en cours et sur leurs résultats finaux".

Puis, M. El Baradei, ayant dit cela, a proposé immédiatement au gouvernement japonais que des experts de l’AIEA participent aux investigations techniques avec les experts techniques japonais.

Cette dernière proposition pourrait manifester que sa confiance envers TEPCO et les autorités japonaises sera plus acquise si ses propres spécialistes sont inclus dans les équipes d’enquête.

Visiblement, M. El Baradei, qui est un homme de dossier et un responsable prudent, n’a pas toute confiance dans la direction de TEPCO pour faire la lumière intégrale et objective sur le problème, pas plus que dans les autorités japonaises... qui ont souvent, par le passé, laissé sans contrôle public TEPCO annoncer des choses par toujours exactes et vraies.

Les habitants, la mer et la mesure de la radioactivité

M. Katsumata, PDG de TEPCO, est venu sur les lieux inspecter la centrale et ce n’est qu’après sa visite que TEPCO a publié un communiqué qui affirmait que la fuite radioactive dans la mer du Japon était de 50 % supérieure à celle initialement indiquée !...

TEPCO n’a toutefois ni indiqué les chiffres précis ni les méthodes concrètes qui auraient permis de donner ces résultats successivement différents dans le temps, mais la société a présenté ses excuses pour ses "erreurs" antérieures aux chercheurs indépendants qui ont permis de constater que les dégâts étaient plus "substantiels" qu’annoncés aussi lundi et au public mondial de savoir que toute la vérité dite lundi n’était pas... exacte.

Selon un porte-parole de TEPCO, la fuite aurait déversé dans la mer des matières radioactives, mais d’une valeur de, je cite l’auteur, "d’1 milliardième des normes japonaises admises" !

Il sera observé ici, pour l’esprit scientifique des lecteurs, que TEPCO a fait monter la fuite radioactive de 50 % en deux jours, selon ses propres calculs non attestés par personne à ce jour, sans que le milliardième cité ait varié. Curieuse arithmétique !

Par ailleurs, TEPCO a voulu rassurer les 93 500 habitants de la ville de Kashiwazaki, en expliquant que tout va bien et que leur santé n’est pas en danger.On est prié de les croire aussi sur parole, surtout après une erreur avouée de 50 % sur la fuite radioactive, correction non avérée due surtout, de l’avis général, aux recherches indépendantes menées et... publiées.

Connaître les vraies données pour une information honnête

Les géologues-sismologues ont de leur côté indiqué que l’épicentre du séisme avait été identifié à 19 km du réacteur nucléaire. Afin de vérifier la stabilité même du sous-sol sur lequel repose la centrale, des examens en profondeur de celui-ci vont être entrepris.

M. El Baradei a souhaité que le Japon fasse "profiter" l’AIEA de ses résultats sur un séisme ayant frappé une centrale nucléaire afin que l’Agence en tire tous les enseignements.

Pour le moment, il semble plus essentiel d’abord d’avérer les données apportées par TEPCO et de vérifier de manière contradictoire l’importance réelle de la fuite radioactive dans la mer du Japon et ses conséquences générales.

Il sera temps ensuite de déterminer si la centrale pourra ou non redémarrer un jour, sachant qu’une faille sous-marine est située à côté d’elle.

Il s’agit ici encore du droit à l’information honnête des citoyens sur leur santé.

Ce qui est en cause et en débat au Japon sur cette centrale nucléaire est la gestion de l’information ainsi que son exactitude mesurée objectivement.

Cela ne peut qu’intéresser les citoyens français, surtout avec la privatisation d’EDF-GDF qui est susceptible d’apporter en France des problèmes similaires d’information en relation avec leur source et ses intérêts propres.

Source principale de cet article : dépêche AP du 19 juillet 2007- correspondant AP Japon


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