La Charia rejetée par la Tunisie

par Henri Diacono
mercredi 28 mars 2012

Les laïcs, ont fini par avoir gain de cause en Tunisie, face aux turbulents individus se prétendant salafistes au sein d’un groupuscule hétéroclite exigeant un Etat Islamique pour le pays et ayant commis plusieurs actes violents ces dernières semaines, notamment au sein d’une Université de la banlieue de Tunis.

 La Tunisie n’inscrira pas la « charia » dans sa nouvelle Constitution démocratique.

Ainsi en ont décidé dans une conférence de presse tenue lundi à Tunis, les plus hauts dirigeants du mouvement islamiste Ennhadha, majoritaire à l’Assemblée Constituante postrévolutionnaire élue en automne 2011 pour rédiger la nouvelle Constitution de la nation.

Le président du comité constitutif de ce parti, Fathi Ayadi, a précisé que la formulation du premier article de la Constitution avait fait l’objet d’un consensus national entre les différentes sensibilités politiques. « Le maintien de l’article premier de la Constitution de 1959 a fait l’unanimité auprès de toutes les catégories de la société tunisienne et des différentes sensibilités politiques, a-t-il dit, avant d’ajouter « C’est une formulation claire qui préserve l’identité arabo-musulmane de l’Etat tunisien et confirme, en même temps, sa dimension civile et sa nature démocratique. »

L’article premier dont il s’agit a été introduit dans la Constitution tunisienne trois ans après l’indépendance du pays, en 1959, et n’a jamais été modifié. Il est ainsi libellé : «  La Tunisie est un Etat libre, indépendant et souverain, sa religion est l’Islam, sa langue l’arabe et son régime la République.

Après avoir précisé lundi qu’il « n’y avait pas de guerre avec les salafistes, mais que la loi devait être appliquée contre tous ceux qui portaient atteinte à la sécurité des citoyens » , Rached Ghannouchi, père spirituel d’ Ennhadha qui, il y a un mois disait débattre avec les siens pour l’introduction de la charia dans Constitution, a pour sa part déclaré sur le sujet « … la charia est une notion qui reste un peu floue pour l’opinion publique. Il n’y a pas un consensus national sur cette question. Certains ont peur de son application alors que d’autres sont prêts à mourir pour elle. Un éventuel suffrage sur ce sujet peut encore diviser la société et mettrait une partie du peuple en position de rejet de la charia, ce qui est très grave ! Nous ne voulons pas introduire la charia dans la Constitution en tant que source unique de législation. »

Ces différentes décisions prises par les islamistes tunisiens interviennent après deux manifestations monstres qui se sont tenues ces jours derniers, à Tunis d’une part, et à Monastir, ville natale de Habib Bourguiba, père de l’indépendance du pays, d’autre part.

Dans la première, plus de dix mille personnes issues de toutes les classes de la population, brandissant le drapeau national, et à laquelle se sont mêlés quelques militaires et policiers, ont défilé dans les principales artères de la capitale disant leur rejet de la charia, des salafistes et leurs actions violentes.

La seconde, tout aussi massive, s’est tenue dans le stade de Monastir à l’invitation des leaders de partis dits centristes, libéraux et de gauche ayant décidé de s’unir en une seule formation d’opposition laïque pour les prochaines élections. L’initiateur d’un tel mouvement n’est autre que Béji Caïd Essebsi, ancien ministre d’Habib Bourguiba, âgé aujourd’hui de 83 ans et qui jouit dans le pays de respect et d’une grande popularité. Il avait assuré voilà peu, avant les dernières élections, la conduite d’un gouvernement provisoire.

Entre ces deux rassemblements, et sans incident majeur, deux à trois mille religieux radicaux en un cortège hétéroclite au sein duquel les « imberbes » vêtus élégamment à l’occidentale, n’étaient pas les moins nombreux, avaient crié en faveur de la charia sous aucun drapeau national mais avec des oriflammes noires ou vertes recouvertes comme le veut la tradition islamique de versets du Coran.


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