La Chine se frotte à l’empire

par Cpt Anderson
mercredi 5 août 2015

Le regain de tension soudain et cyclique entre la Chine et le Japon concernant les îles Senkaku/Diaoyu laisse songeur : quels enjeux se cachent derrière les revendications territoriales de cet archipel ? Quels intérêts défend le Japon face à son voisin Chinois ?

Dans son livre "Le grand échiquier", Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la Maison Blanche sous Jimmy Carter et président du CFR (Conseil On Foreing Relation) écrit : « L’Eurasie demeure l’échiquier sur lequel se déroule le combat pour la primauté mondiale. (...) La façon dont les États-Unis "gèrent" l’Eurasie est d’une importance cruciale. Le plus grand continent à la surface du globe en est aussi l’axe géopolitique. Toute puissance qui le contrôle, contrôle par là même deux des trois régions les plus développées et les plus productives. 75% de la population mondiale, la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d’entreprises ou de gisements de matières premières, quelque 60 % du total mondial. » (p.59-61).

Un contentieux qui date de plusieurs siècles

Pour résumer le litige opposant le Japon et la Chine au sujet des îles Senkaku/Diaoyu, il faut remonter plusieurs siècles en arrière. Les quatre îles disputés sont échelonnés sur une centaine de kilomètre et restèrent inhabitées jusqu'au 19e siècle. En mars 1879, les iles Ryukuku, au nord-est de Sankaku/Diaoyu sont intégrées par l’État Japonais malgré la contestation Chinoise. Cette dernière perçoit le tribut des Ryukuku depuis le 17e siècle. Pendant deux siècles, la situation est tolérée : les Ryukuku offrent le tribut à la Chine et au Japon. A partir du 19e siècle, le Japon, sous une pression impérialiste occidentale, cherche à mieux définir ses frontières et incorpore plusieurs îles à leur empire, y compris les îles Senkaku en faisant jouer l'argument du terra nullius (territoire sans maître). Le 17 Avril 1895, le traité sino-japonais de Shimonoseki est conclu à l'issue de la défaite militaire de la Chine contre le japon après une guerre d'un an. Ce traité met fin aux protestations de la Chine quant aux revendications concernant les iles Ryukuku.

Le litige restera en sommeil jusque dans les années 1970 au moment de la découverte d'hydrocarbures en mer de Chine et l'instauration de Zones économiques exclusives dont la définition est : « Dans la zone économique exclusive, l'État côtier a : 

  1. des droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d'énergie à partir de l'eau, des courants et des vents ;
  2.  juridiction en ce qui concerne la mise en place et l'utilisation d'îles artificielles, d'installations et d'ouvrages, la recherche scientifique marine, la protection et la préservation du milieu marin. »

« La zone économique exclusive ne s'étend pas au-delà de 200 nautiques [soit 370,4 km] des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale. »

Le Japon, à la tête de l'archipel de Ryukyu, dont l'île d'Ishigaki situé à 170 km de Sankaku, revendique l'administration de cette dernière. La côte Chinoise se situe à 330 km de ces îles, alors que celle de Taïwan, qu'elle a toujours revendiqué et qui reste un dominion américain, est à 170 km. De part ce fait, elle réclame également sa part de territoire maritime.

La Chine, première puissance commerciale au monde

La Chine est passé d'un système dit Communiste à un système Capitaliste en quelques mois. Il a été démontré que ces systèmes sont les deux faces d'une même pièce (farce). Le Capitalisme a subventionné le communisme via des groupes de pensées (Fabian Society) pour lui fournir des esclaves (voir : "de l'utilitarisme au traité Transatlantique"). En quelques années, le consumérisme Occidentale, ainsi que le scandale des délocalisations ont fait de la Chine, avec ses millions d'esclaves, le premier producteur mondiale, devant les États-Unis. Depuis trente ans, l'Occident s'est habitué a consommer ce dont elle a pas besoin, qu'elle ne produit plus avec de l'argent qu'elle n'a pas. 80 % des produits manufacturés, de basse qualité, vendus dans les grandes surfaces, proviennent de cette mondialisation hypocrite.

Selon des chiffres du Fonds monétaire international, cités par l'éditorialiste américain Brett Arends, le PIB chinois exprimé en parité de pouvoir d'achat s'élève à 17.632 milliards de dollars pour 2014 contre 17.416 milliards aux États-Unis. Pékin représente donc 16,5% de l'économie mondiale en terme de pouvoir d'achat réel, quand Washington n'est « qu'à » 16,3%.

La Chine représente la première réserve d'état (devises étrangère et Or) au monde, c'est le deuxième marché européen, le troisième exportateur vers les États-Unis, un partenariat économique exponentiel avec la Russie, un acteur incontournable en Afrique, mais surtout le partenaire commerciale n°1 pour le Japon.

La Chine peut tout produire mais pas sans énergie. Or, sa principale route maritime du pétrole part du Pakistan, via le sud de l'Inde, l'Indonésie puis la mer de Chine. Il est crucial pour Pékin de sécuriser cet accès. Il est logiquement exclu pour eux de voir les Japonais et les Américains leur couper un couloir stratégique et vital. C'est également pour cette raison que d'autres îles (Paracel ou Spratley) sont elles aussi revendiquées par la Chine.

Le Japon est-il poussé par les États-Unis ?

On peut le penser tant cet archipel, sujet de discorde, présente un intérêt limité pour le Japon : le peu de pétrole et son coût d'extraction ne méritent pas de telles tensions par delà les fiertés nationalistes sino-japonaise.

Depuis le règlement du conflit américano-japonais de 1945, le Japon est sous le diktat économique et politique de Wall Street. Après Hiroshima et Nagasaki, la CIA s'est chargée de réécrire l'histoire de la guerre du pacifique et de confier la création du parti libérale démocrate japonais (PLD) à un des pires criminels de guerre, Yoshio Kodama. Peu de temps avant sa mort, il aurait dit, dans l'une de ses dernières interviews, que sa mort serait la dernière punition pour avoir servi l’occupant américain !

Tout ceci, bien entendu, financé par les pillages japonais dont on peut avoir tous les détails dans le livre magistral de Sterling et Peggy Seagrave « Opération Lys d'Or ». Non content de créer un parti fantôme, ce sont les yakuzas qui en sont le bras armé.

La preuve récente de l'asservissement de la politique et de l'économie japonaise se retrouve toute entière dans les opérations de spéculations sur le Forex. Celles-ci consistent à utiliser la planche à billet nippone, associée à des taux d’intérêts ridicules, reconvertie en dollar via ce que le monde financier a nommé le « yen carry trade ». C'est par ce procédé, cet apport d'argent gratuit, que la finance internationale a monté la crise des subprimes. Comble d'ironie, le krack japonais de 1989 qui a ruiné le Nikkei et tout l'économie nippone, a été initié par Wall Street.

Dans ce contexte, il faut relier l'actuelle guerre en Ukraine, si déformée par nos médias Occidentaux, aux tensions géostratégiques dans la mer de Chine et paradoxalement parfaitement ignoré par ces mêmes mainstream. C'est tout simplement et clairement exprimé par ceux qui iront jusqu'au bout pour des intérêts particuliers : il s'agit d'empêcher l’alliance Moscou-Pékin, si néfaste aux intérêts hégémoniques américains. Encore une fois, Zbigniew Brzezinski l'évoque clairement dans son grand échiquier  : « ... la Chine pourrait être le pilier d’une alliance "anti-hégémonique" de type Chine-Russie-Iran ; elle s’imposerait d’elle-même comme étant la nation la plus forte, la plus dynamique, le chef de file. » (p.113).

Le Japon moribond

Le Japon, au bord d'un tsunami économique et écologique, comme le démontre la gestion de la catastrophe de Fukushima, ne pourra pas défendre bien longtemps les intérêts américains. Dans ce contexte, il ne faut pas s'étonner de voir la marine US s'impliquer directement et dangereusement dans cette région du globe. Certains observateurs parlent même d'un risque de guerre entre les deux grandes puissances. A l'heure où nous écrivons ces lignes, les tensions sont extrêmes.

 


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