La contagion de l’espoir

par olivier cabanel
jeudi 17 février 2011

18 jours, et pas un de moins, c’est le nombre de jours qu’il a fallu aux Egyptiens pour faire tomber la dictature.

Les Tunisiens avaient ouvert la marche

Et d’autres peuples s’agitent : Algérie, Yémen, Bahreïn, Maroc, Cote d’Ivoire, ou Gbagbo s’accroche, mais aussi Iran, Syrie, Libye, Grèce, Portugal…l’espoir de liberté est-il en train de gagner le monde entier ?

La Tunisie a montré la voie.

En un mois, elle s’est débarrassée de son tyran.

Le 17 décembre  Mohamed Bouazizi, bachelier sans travail, s’était vu confisquer son étalage de fruits et légumes sur les marchés, métier qu’il pratiquait pour faire vivre sa famille, finissant par s’immoler de désespoir, et provoquant la première révolte d’Afrique du Nord.

Adama Gaye, journaliste et consultant sénégalais vient de le proposer pour le prix Nobel de la paix 2011. lien

Son agonie a duré 18 jours, et le despote Ben Ali a eu l’indécence de venir s’enquérir de la santé de Mohamed Bouazizi, prétextant que les terroristes étaient les responsables de sa situation. lien

18 jours, c’est le temps qu’il a fallu à l’Egypte pour se débarrasser de Moubarak.

Lui, il est parti avec une petite fortune qui, d’après certains médias se monterait à 70 milliards de dollars, soit le tiers du PNB.

Une pétition pour geler ses avoirs est en cours sur ce lien.

L’histoire semble s’accélérer.

On a envie de se dire : « à qui le tour maintenant ?  »

En Iran, la révolution verte, couleur choisie par les opposants pour s’identifier, ne désarme pas.

Malgré le refus des autorités, le CCCE (conseil de coordination du chemin vert de l’espoir) avait annoncé pour le 14 février, 15h à Téhéran qu’elle manifesterait de la Place Imam Hossein à la Place Azadi. lien

Des leaders de l’opposition, Mir Hossein Moussavi, ancien premier ministre, et Mehdi Karoubi, ancien président du parlement, ont publié un communiqué défiant le gouvernement Iranien.

Ce communiqué est un monument de subtilité, car il tente de piéger le gouvernement, en prenant comme référence l’article 27 de la constitution, lequel garanti «  le droit de manifester et oblige le ministre de l’intérieur d’informer le public de toutes les mesures prises pour assurer la sécurité des citoyens, et la tenue pacifique des manifestations  »

Le communiqué continue affirmant « qu’un refus déshonorerait gouvernement iranien tant sur le plan national qu’international, et contredirait sa déclaration officielle selon laquelle il soutient les mouvements populaires de Tunisie et d’Egypte ». lien

En réponse, le gouvernement à déployé des forces anti-émeute, utilisé des gaz lacrymogènes, bloqué les accès au centre de Téhéran pour empêcher la manifestation, assigné à leur domicile les deux leaders réformateurs, et empêché leurs enfants de les voir, ces derniers se demandant si leurs parents n’ont pas été amenés ailleurs ?

Quant aux médias étrangers, on leur a fait savoir qu’ils n’avaient pas le droit de se rendre sur place pour observer ce qui se passait.

Par ailleurs on a appris que des personnalités issues du courant réformateur ont été emprisonnées (lien) des manifestants arrêtés, l’un d’entre eux ayant été tué par balles.  lien

La Libye aussi connait de l’agitation.

En effet, les ressemblances sont nombreuses entre la Tunisie et la Libye : comme pour la Tunisie de Ben Ali, le régime libyen s’appuie surtout sur des forces spéciales, mieux équipées que l’armée, en plus grand nombre que celle-ci, et aux ordres du dictateur.

Le 1 septembre 1969, Kadhafi avait profité de l’absence du roi, parti faire sa cure annuelle, pour le renverser avec l’aide d’un groupe d’officiers : il avait 27 ans, et depuis, il règne depuis 41 ans en despote sur un pays d’un peu plus de 5 millions d’habitants.

La Libye est un important producteur de pétrole et entend passer d’1,7 millions de barils par jour à 3 millions d’ici 2012.

Ces richesses permettent au dictateur de s’offrir une voiture, appelée « Rocket », dont il a été le designer, et qui a été fabriquée à 2 exemplaires.

Réalisée par la firme italienne « Tesco TS », avec son intérieur de tapisserie et de cuir, chaque exemplaire a couté 2 millions d’euros. lien

Et puis Kadhafi a une idée originale, il voudrait que toute l’Europe se convertisse à l’Islam. lien

La liberté du culte ne semble pas être une valeur chère au dictateur Libyen.

Il s’était déjà illustré en lançant des imprécations contre la Suisse qui par référendum a maladroitement voté l’interdiction des minarets sur son territoire.

« C’est contre la Suisse mécréante et apostâte qui détruit les maisons d’Allah que le jihad doit être proclamé par tous les moyens ».  lien

A l’évidence, la Suisse, et beaucoup d’autres démocraties, devraient se réjouir de la possibilité d’une révolution en Libye.

Mais si les Libyens empruntent bientôt les chemins de la liberté, cela ne devrait pas faire l’affaire de certains pays européens.

A l’instar des britanniques, dont les forces spéciales ont entraîné en 2009 les troupes d’élite libyennes.

C’est le « Daily Telegraph » qui a dévoilé le scandale affirmant « un petit groupe de formateurs du SAS (Special Air Service) s’occupe d’entraîner des libyens aux techniques du contre-terrorisme » lien

Le gouvernement français pourrait aussi s’inquiéter des retombées d’une possible révolution libyenne car dès 2007, le Chef de l’état français entretient des rapports commerciaux liés à l’armement avec le dictateur Libyen. lien

Heureusement, la ligue des droits de l’homme, ainsi que la coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie veillaient au grain, et ont réussi à faire annuler la transaction par le conseil d’état. lien

En attendant, les libyens sont rentrés dans la danse (lien) et ont manifesté à Benghazi, suite à l’arrestation d’un militant des droits de l’homme, dans la nuit de mardi à mercredi, et ont annoncé qu’ils allaient recommencer cette « journée de colère ». lien

En Algérie, la manifestation du 12 février a réussi a rassembler 3000 citoyens qui ont eu fort à faire devant les 30 000 policiers que le gouvernement avait mobilisés, mais ce qui est moins connu, c’est qu’à Ghardaïa, dans le Sud du pays une manifestation pacifique a été une totale réussite, d’autant qu’à l’issue de la marche, des débats se sont tenus, avec prise de parole de défenseurs des droits de l’homme.

Par ailleurs, des manifestations ont eu lieu avec succès  à Oran, Constantine, Annaba, Tizi Ouzou et Bejaia.

On peut lire le compte rendu de cette journée sur ce lien.

En attendant, la CNCD (coordination nationale pour la démocratie et le changement) appelle à une nouvelle manifestation samedi 19 février, et les jeunes d’ACA (action pour le changement en Algérie) appellent à une manifestation pacifique le 18 février.

Au Maroc, Najib, un blogueur citoyen annonçait déjà en juin 2008 : « 30 mars 2012, la révolution marocaine  ». Il n’était peut être pas suffisamment optimiste. lien

Aujourd’hui, d’autres voix marocaines commencent à s’interroger. lien

Même Bahreïn s’agite, et malgré la prime de 2700 $ accordés par les dirigeants du royaume à chaque famille du pays, les Bahreïnis se préparent à manifester, en réclamant la libération de 450 prisonniers politiques, et des réformes.

Mauvaise nouvelle pour les USA qui ont installé stratégiquement là-bas toute leur 5ème flotte. Lien

Où ce jeu de domino va-t-il s’arrêter ?

Quel est le prochain dictateur qui sera obligé de « dégager » ?

Comme dit souvent mon vieil ami africain :

« Partout où on tape, çà enfle »

L’image illustrant l’article provient de « undergroundrepublik.com »


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