La Croatie dit « non » au mariage homo : les réacs de la Manif pour tous reprennent espoir
par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
vendredi 6 décembre 2013
Dimanche 1er décembre, les Croates étaient appelés, par référendum, à répondre à la question suivante : « Etes-vous en faveur de l’introduction dans la Constitution croate d’une disposition définissant le mariage comme l’union d’un homme et d’une femme ? ». Sans aucune surprise, le « oui » l’a emporté à près de 66 %. Malgré une faible participation – 38 % des électeurs se sont déplacés pour voter – cet amendement ferme définitivement la porte au mariage pour les couples de même sexe. En Croatie, ex-république yougoslave, membre de l’Union Européenne depuis le 1er juillet 2013, les homosexuels resteront des sous-citoyens, à peine tolérés. Comme dans tous les pays des Balkans, l'homosexualité y est très mal acceptée.
Un référendum triste et incensé
Le gouvernement croate, de centre gauche, avait appelé à voter contre cet amendement. Le Premier ministre Zoran Milanovic a déclaré, après avoir voté : « C'est un référendum triste et insensé [...] j'espère que c'est la dernière fois que nous aurons à organiser un tel scrutin de cette manière et sur ces questions ».
Pour Tomislav Karamarko, le chef du principal parti d’opposition, le HDZ (droite nationaliste), il fallait voter « oui » pour « protéger les valeurs traditionnelles ». L’Eglise catholique croate, très influente, a largement mobilisé – y compris lors des sermons dominicaux – ses fidèles à se prononcer contre une éventuelle ouverture du droit au mariage pour les personnes homosexuelles. Elle a publiquement qualifié l’homosexualité de « perversion » ou encore de « handicap ».
La question du mariage pour les couples de même sexe n’était pourtant à l’ordre du jour en Croatie. Le gouvernement prévoyait, avant la tenue du référendum, de revoir leur statut car ils ne bénéficient que d’une reconnaissance très limitée depuis 2003 (soutien mutuel et droit à la succession).
Les mouvements homophobes français reprennent espoir, mais...
Il ne faut pas perdre de vue que derrière l’initiative citoyenne – 700 000 signatures avaient été recueillies – de ce référendum, il y a le mouvement très conservateur « Au nom de la famille », soutenu par des partis extrémistes de droite qui réclament, entre autres, l’interdiction de l’avortement. Son égérie Zeljka Markic – la « Frigide Barjot » croate – a estimé qu’il était urgent de « graver dans la Constitution » la définition du mariage comme étant l’union d’un homme et d’une femme : « Pourquoi définir ? Parce que les événements en France nous ont écœurés […] Les gens sont allés dans la rue pour exprimer leur avis, et le pouvoir les a complètement ignorés ». Un discours qui a souvent été entendu, en France, lors du débat, souvent nauséabond, autour du mariage pour tous.
Les homosexuels croates peuvent remercier Frigide Barjot (qui, en parfaite opportuniste sans vergogne qu'elle est, relance une pétition pour demander un référendum...), Christine Boutin, la Manif pour tous, le Printemps français et autres mouvements réacs d’être à l’origine d’une mesure discriminatoire qui leur ferme la voie vers l’égalité. Quelle belle image que celle de notre pays – patrie des Lumières et des droits de l’homme – qui, désormais, est à la pointe en matière d’exportation de « savoir-faire » homophobe et de lutte contre l’égalité pour les couples de même sexe.Triste constat.
La victoire des conservateurs croates donne une nouvelle occasion à ces personnalités et ces mouvements de rebondir et d’entrevoir une possibilité d’abroger la loi sur le mariage pour tous. Mais la France n’est pas la Croatie. Les couples de même sexe peuvent se marier et adopter et il est fort à parier qu’en cas d’alternance en 2017, aucun parti politique ne reviendra sur ces droits qui font des homosexuels des citoyens à part entière. Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate UMP à la mairie de Paris, a d'ailleurs déclaré, il y a quelques mois : « On doit la vérité aux électeurs. Quand j'entends les uns ou les autres dire « on abrogera la loi », comme si on pouvait démarier ou désadopter, je dis ce n'est pas vrai ! ». Même - ô surprise ! - Christine Boutin (à qui il arrive d'avoir quelques rares moments de lucidité) partage cet avis : « On ne pourra pas revenir en arrière. On ne peut pas démarier des gens ».
La France n'a pas de leçon de démocratie à recevoir de la Croatie
Il faut rappeler que le peuple français a été consulté à plusieurs reprises sur la question du mariage pour tous : lors de l’élection présidentielle (engagement 31 de François Hollande) puis lors des élections législatives. Leurs représentants, démocratiquement élus, ont voté en faveur de l’égalité pour les couples homosexuels.
Toutes les forces réactionnaires et homophobes doivent prendre conscience que la France n’a aucune leçon de démocratie à recevoir de la part de la Croatie, qui continue à pratiquer une véritable ségrégation envers les minorités ethniques, comme les Serbes. La France n’a non plus aucune leçon de démocratie à recevoir de la part de Frigide Barjot, Christine Boutin, la Manif pour tous ou encore le Printemps français qui tentent de nous imposer leur vision étriquée et passéiste de la société. Une société hétéronormée, majoritairement catholique. Une société dans laquelle les homosexuels sont des citoyens de seconde ou troisième zone, sans le moindre droit. Belle conception de la « démocratie »...