La France de toujours

par Khalifa Chater
mercredi 9 mai 2007

Analysant les résultats des élections présidentielles françaises, l’analyste géopolitique tunisien, le Professeur Khalifa Chater redimensionne le discours de la campagne et les effets des humeurs de la rue, qu’on tente d’idéologiser. Il fait valoir que la praxis politique dépendra des équilibres fondateurs de la France, de ses acquis historiques et des exigences de sa géographie, une nécessité géopolitique pour sauvegarder le statut de la France et sa vocation de pays des Droits de l’homme.

Les dès sont jetés. Les Français se sont prononcés. Sarkozy est élu, pour cinq ans. Il tiendra le gouvernail, gérant la France de demain. Il faut en prendre acte et tenir compte des mutations du paysage politique français et des choix fondateurs et des nouvelles options que prendra le nouveau gardien de l’Elysée. Développement du chômage, baisse du niveau de vie, crise de l’habitat, les questions soulevées au cours de la campagne ont accordé la priorité aux problèmes du quotidien et des difficultés du vécu, qui furent exprimées, mises en valeur sinon surestimées. Elles constituent désormais des priorités, des enjeux de la prochaine gouvernance.
 

Le nouveau président tiendra compte nécessairement de l’écoute de son électorat. Constat pragmatique d’une évidence, certains thèmes de campagne ne peuvent être des options de gouvernement. Leurs effets d’annonce ne résisteront pas aux épreuves de la praxis gouvernementale. Trop d’intérêts sont en jeu. Ils militeront pour le maintien du statu quo. Une prise de distance par rapports aux surenchères, aux obsessions culpabilisant les émigrants, les trente cinq heures, les déboires attribués hâtivement à la construction communautaire, permettra de remettre les pendules à l’heure, de faire valoir les normes et les valeurs. Le nouveau président devra signer la fin de partie pour tous ceux qui veulent idéologiser les humeurs de la rue, les colères discriminantes, en contradiction évidente avec l’éthique du pays des Droits de l’homme. « On est, dans l’hexagone, dans le fragmentaire et non pas dans le global[1] ». Le nouveau Président aura la charge d’effectuer un changement de vision, faisant valoir le global sur le fragmentaire, la vision d’ensemble sur les perceptions partielles, dans le cadre de la formulation et la mise en œuvre d’un projet national.

Privilégiant l’approche de proximité, la dernière campagne française a occulté « le territoire-monde », négligé le rôle de la France comme acteur sur la scène internationale. Cette situation conjoncturelle sera rapidement dépassée. Des observateurs semblent accréditer la thèse d’un changement radical de la politique étrangère française. Les temps ont, bien entendu, changé. Le nouveau Président prendra en charge, ce qui relève de la vie intérieure de la France et de sa politique extérieure, dans le cadre des marges de manœuvres que lui laisse l’institution communautaire. Certes, la politique gaullienne relève davantage du patrimoine intellectuel français. Mais le Président Sarkozy tiendra nécessairement compte des équilibres fondateurs de la France, de ses acquis historiques et des exigences de sa géographie, pour assurer la continuité française, dans ses aires privilégiées l’Europe, le Maghreb, l’Afrique et le Moyen-Orient. De ce point de vue, il serait plus juste de parler d’adaptation au nouveau contexte, que d’une rupture qui affecterait le statut international de la France.

Khalifa Chater

(Tunis, 6 mai 2007)


[1] - Diagnostic d’Edgar Morin, affirmé sur Fr 3, le 24 mars 2007.


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