La globalisation sape la COP21

par Laurent Herblay
mercredi 2 décembre 2015

Lundi, a démarré le 21ème effort international pour essayer de réduire les émissions de gaz à effet de serre, afin de maîtriser les changements climatiques qu’elles provoquent. Les difficultés à parvenir à un accord sont révélatrices des failles du mode de négociation actuel, mais aussi de la globalisation.

 
Le commerce, ce déserteur écologique
 
D’abord, il n’aura échappé à personne que le développement des échanges commerciaux a son rôle dans la facture écologique. C’est parce que nous consommons une part grandissante de biens produits ailleurs que nous dépensons autant pour les déplacer d’un point à un autre de la planète. Et le phénomène est aggravé par la fragmentation des chaines de production, bien illustrée par certains téléphones, dont les composants viennent de la planète entière avant d’être assemblés en Chine, pour ensuite être exportés aux quatre coins du globe. D’ailleurs, de manière intéressante, alors que les citoyens acquittent de fortes taxes sur l’essence qu’ils utilisent pour se déplacer, la taxation des hydrocarbures comporte des niches fiscales béantes sur le fuel qui nourrit les camions ou les bateaux qui les transportent.
 
Une des premières initiatives que devraient prendre les pays réunis à Paris serait d’aligner la fiscalité sur le fuel (mais aussi le kérosène) sur celle de l’essence. Il n’y a pas de raison que le commerce y échappe, si l’on souhaite faire payer un prix adéquat aux hydrocarbures pour pousser à leur substitution. Bien sûr, il ne s’agit pas de proposer une irréaliste, ni même souhaitable taxe carbone mondiale. Il est clair que tous les pays ne pourront pas tous aller au même rythme, et qu’il faudrait le faire de manière progressive pour ne pas provoquer de graves crises dans certains secteurs, comme l’aviation. Et pour éviter une course vers le moins-disant environnemental, il les mieux-disant doivent pouvoir compenser, à leurs frontières, la moins-disance des autres pays pour tirer le monde vers le haut.
 
La globalisation contre le climat, et l’humanité
 
Ce faisant, apparaît à l’œuvre la logique intrinsèque de cette globalisation dérégulée et sans frontières, qui finit par promouvoir le moins-disant, le plus court-termiste, au détriment de ceux qui veulent davantage faire pour protéger la planète, qui risquent alors de se battre avec un bras dans le dos. Le monde ne se porterait-il pas mieux s’il promouvait le mieux disant environnemental (aussi bien que social, salarial ou sanitaire) ? La globalisation telle qu’elle est organisée aujourd’hui, parce qu’elle est d’abord gouvernée par des intérêts financiers court-termistes, sans guère de conscience des intérêts collectifs à long terme, est une machine à broyer les protections sociales, salariales ou sanitaires, comme environnementales. L’intérêt supérieur de la planète passe obligatoirement par une remise en cause profonde.
 
Dans le cadre actuel, les négociations sont des parties de poker menteur, une prime à l’égoïsme de tous puisque ceux qui contribuent plus que les autres en sortiront défavorisés. D’où la grande difficulté de ses négociations : la globalisation telle qu’elle est conçue aujourd’hui organise la confrontation des égoïsmes, sans véritablement rendre possible un mode de raisonnement où l’intérêt collectif pourrait primer. Tous les Etats sont paralysés dans leurs efforts pour réduire la consommation d’hydrocarbures car celui qui en fera le plus sera perdant. La suppression des frontières ne promeut que la loi de la jungle, empêchant tout travail pour un intérêt commun supérieur, alors que des frontières plus marquées permettraient alors une course au mieux-disant environnemental en protégeant ceux qui veulent aller plus vite.
 
Si certains mouvements écologistes semblent avoir compris à quel point la globalisation est dangereuse, il est paradoxal qu’ils ne parviennent souvent pas à comprendre que les Etats sont leurs meilleurs alliés pour préserver notre planète et à quel point les frontières sont des outils pour la protéger.

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