La lente agonie de Aung San Suu Kyi !

par Allain Jules
samedi 16 mai 2009

L’opposante birmane Aung San Suu Kyi, 63 ans, se meurt peu à peu sans que personne ne lève vraiment son petit doigt. Elle qui, lauréate du prix Nobel de la paix 1991, a été inculpée jeudi dernier pour avoir « enfreint les règles de son assignation à résidence » selon les autorités du Myanmar une semaine après l’annonce par le régime militaire de l’intrusion chez elle d’un Américain de 53 ans, John William Yeattaw, grand reporter, est d’un ridicule abyssal. Elle sera jugée lundi. Comment est-ce possible qu’une femme aussi surveillée ait pu accueillir chez elle un homme pendant deux jours et que le régime militaro-dictatorial et raciste de Rangoon ne soit pas au courant ? Mystère.

Une étrange coïncidence. Une manipulation grotesque. Le régime crie au scandale, accuse John William Yeattaw d’être un agent de la CIA or, à regarder de plus près, il y a comme un complot ourdi avec la complicité de cet homme dont on ne peut comprendre la motivation. Quel est vraiment son intérêt de rencontrer cette femme alors qu’en principe il lui restait très peu de temps pour qu’elle retrouve sa « liberté surveillée » ? Vivant sur place depuis de nombreuses années, comment s’est-il laissé embarquer dans une entourloupe dont ce régime a le secret ? Quelque chose d’énigmatique, d’invraisemblable, de pas très clair émarge de cette visite rocambolesque. C’est un faux grossier, une ruse car, selon la loi, il n’est pas possible qu’une détention aille au-delà de 6 ans, d’où de constants expédients trouvés par la junte depuis 19 ans.

Aung San Suu Kyi dont le parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) avait fait un ras de marée lors des élections de 1990, est depuis cette date, prisonnière d’un régime insensible à toutes les formes de pressions, encore faut-il qu’elles le soient vraiment en réalité. Le refus de cette victoire avait aussi eu un prétexte discriminatoire et fallacieux selon lequel, elle ne pouvait accéder à la primature puisque son époux décédé en 1999 était britannique. Ils ont eu deux enfants qui vivent aujourd’hui en Grande–Bretagne. Comment depuis 19 ans, cette pacifiste reconnue mondialement peut-elle être ainsi traitée ? Et dire que le 27 mai normalement, son assignation en résidence devait arriver à son terme alors que des élections auront lieu en 2010. Vous avez dit bizarre ?

Faisons dans l’allégorie. Cette démocrate aurait-elle simplement le tort de ne pas être un gisement de pétrole ou un champ gazier exploités par Total, British Petroleum et consorts à l’aide du travail forcé institué par le régime ? Un champ de pavot qui rapporte au pays davantage de devises que toutes les autres exportations réunies. Aung San Suu Kyi vient prouver à tous que l’idéal de liberté n’est qu’un leurre. Pour une femme qui s’est engagée en faveur du bien de son peuple et voir que certains pays privilégient leurs intérêts économiques profitant du fait que la majorité de la population étant rurale, illettrée et divisée à cause la multitude d’ethnies répertoriées sur place souvent à l’origine de tensions intercommunautaires. Le vrai engagement en faveur de cette femme est celui du groupe irlandais U2 qui lui a dédié une chanson, ou encore Jane Birkin.

Finalement, rien ne sert de se cacher derrière des slogans creux et douteux : « le régime birman est éminemment condamnable » dixit Nicolas Sarkozy, alors qu’au fond il sait très bien que ce régime tient grâce au soutien inconditionnel de la Chine que, lui, il courtise pour les intérêts de qui vous savez. Pas forcément l’ensemble des Français mais plus pour les « amis du Fouquet’s ». Il est aussi étonnant de voir le ridicule d’une Rama Yade qui se réveille, sortie du diable Vauvert après le passage d’un Avigdor Lieberman et qui s’envolera en Asie du Sud-est sans trop savoir le pourquoi de ce voyage inutile. Voilà un petit pays enclavé, l’Union du Myanmar, qui tient tête à tous.

Un vrai scandale est entrain de se jouer en Asie, installant de plus en plus l’hypocrisie et la déprédation morale au sein des relations internationales et géostratégiques. La ruine d’un monde à double vitesse où les plus faibles s’enfoncent davantage et les plus forts font semblant de les défendre. Un poker menteur insupportable de l’ONU, de l’Union européenne, de la Chine, des Etats-Unis et des pays limitrophes du Myanmar tels l’Inde, ou encore la Thaïlande qui dépend du gaz birman. Résultat des courses, une tolérance morbide, une dictature de l’argent-roi, encore et toujours. Aung San Suu Kyi ne reste que le reflet d’une bonne conscience, l’objet de discussion dans des bureaux feutrés à Washington ou ailleurs, sans qu’il n’y ait un vrai engagement.

Allain Jules


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