La « Marche turque » et le terrorisme islamiste
par GHEDIA Aziz
lundi 23 avril 2007
L’idée d’écrire sur ce sujet m’est venue alors que j’écoutais ma fille de 13 ans jouer, sur son synthé, la « Marche turque » de Mozart.
Ainsi donc, au lendemain des attentats terroristes qui ont eu pour cible le palais du gouvernement et un commissariat de la banlieue algéroise et qui ont fait plus d’une trentaine de morts, certains partis politiques, représentés essentiellement par les islamo-conservateurs, ont appelé les Algériens à des marches à travers tout le territoire national. Les naïfs, et ils sont encore nombreux, sont tombés dans le panneau et ont marché dans cette combine ! Ils sont sortis battre le pavé sans savoir que leur ras-le-bol, leur rejet du terrorisme, leur "une décennie ça suffit" allaient être récupérés à des fins politiciennes. Du "Non pour le terrorisme" qui devait être l’ordre du jour, on s’est retrouvé avec un slogan largement en faveur des terroristes : les banderoles et autres pancartes portaient plutôt la mention "Oui pour la réconciliation nationale". Et nous donnons largement raison au journaliste Maâmar Farah du "Soir d’Algérie" qui, dans sa "Chronique d’un Terrien" disait ceci : " Nous assistons, ahuris, à une terrible manipulation qui nous replonge, encore une fois, dans les bas calculs politiciens, inévitables à la veille d’une mascarade électorale". Oui, les marches qui n’ont rien de spontané, les marches qui sont organisées par la mouvance islamiste ne peuvent être comprises que dans le sens de "marche ou crève".
D’autres journalistes encore ont abondé dans le même sens, celui de l’inutilité de ces marches, et ont condamné sans équivoque aucune "l’ennemi de la République qui n’a pas renoncé à ses méthodes". (1) La presse a été donc unanime à condamner ces attentats. Saluons-la. Je dirais même plus : la plupart des chroniqueurs appellent à une remise en cause de "la réconciliation nationale" qui, il faut être aveugle pour ne pas le remarquer, n’a pas donné les résultats escomptés. Bien au contraire, estiment encore d’autres journalistes et ils ne sont pas des moindres, depuis sa promulgation et surtout depuis sa prolongation, elle a donné des ailes et, disons-le tout de go aussi, un nouveau souffle aux "djihadistes" (2) purs et durs. L’on se demande même si l’Etat ne devait pas "changer son fusil d’épaule (sans jeu de mots) face à une terreur foncièrement idéologique".
La réconciliation nationale a surtout permis à ceux-ci de se réorganiser et de s’affilier à Al-Qaïda. Ce qui leur a permis de passer à une autre étape, plus difficile à gérer celle-là, dans cette guerre contre les impies et les "taghout"(3) : l’utilisation des Kamikazes.
De nombreux journalistes et intellectuels se sont exprimés sur ce sujet. Sans qu’ils soient pour autant tous des éradicateurs, ils sont unanimes à dire que la réconciliation nationale n’a plus de raison d’être. En effet, peut-on sérieusement s’attendre à une reddition de ceux qui sont enfoncés jusqu’aux oreilles dans la mare de sang des Algériens ? Peut-on espérer que celui ou ceux dont les mains sont souillées de sang d’innocents algériens se rende(ent) avec arme et bagages aux services de sécurité ? La réponse est, hélas, non. Et, chaque fois que l’occasion se présente, ces "tangos" nous le montrent bien. A coups de haches et de couteaux, dans les campagnes, contre des villageois isolés, et à coups de bombes dans les villes. Cet argumentaire est de plus en plus utilisé ces derniers jours par ceux qui pensent que la réconciliation nationale est un échec total. Et il fait peur quant à la suite des évènements...
Qu’en est-il des hommes politiques ? Eux, à qui normalement devrait incomber la tâche de nous dire ce qu’il y a lieu de faire, ils semblaient, du moins la première semaine qui a suivi ce drame, se complaire dans un silence inquiétant. El là, je parle du pôle démocratique. Mise à part Louiza Hanoune du PT qui, malheureusement, avec la fougue qu’on lui connaît bien, s’est trompée d’ennemi en désignant du doigt "la main étrangère" c’est-à-dire les Américains pour ne pas les nommer, les autres chefs de partis politiques sont restés quasiment muets. Jusqu’à ce jeudi. Et là, comme si nous le savions pas déjà, ils nous assènent cette vieille vérité : "Ce sont les islamistes qui tuent". Aucun doute là-dessus ! Mais, reconnaissons tout de même à cette phrase le mérite qu’elle met un bémol au fameux "qui tue qui ?".
Comme dans une partition musicale (sans que ça soit forcément celle de Mozart citée plus haut), les rôles sont bien répartis : dès que le chef d’orchestre agite sa baguette, de loin, des grottes de Tora Bora, les tambourins, qui sont déjà sur scène, annoncent la couleur. Puis vient le tour des violonistes pour adoucir le rythme et permettre ainsi aux spectateurs bien calés sur leurs sièges de se laisser emporter par la mélodie. Jusqu’au prochain battement des tambours. Et ainsi de suite. Sauf qu’ici, les tambourins usent de balles réelles et de Kalachnikov, et les spectateurs touchés n’auront aucune chance d’apprécier à sa juste valeur la mélodie.
(1) Lire la "Lettre de la province" de Boubakeur Hamidechi dans le "Soir d’Algérie" du 21 04 07.
(2) De "Djihad", guerre sainte.
(2) Taghout = Celui qui transgresse la loi divine.