La pauvreté augmente le risque de devenir handicapé, surtout dans les pays du Sud

par Michel Monette
mardi 15 janvier 2008

Les données statistiques sont formelles : il y a proportionnellement beaucoup plus de handicapés parmi les pauvres. Ce constat démontre à quel point il est difficile pour une personne handicapée d’améliorer son sort. Mais un autre phénomène beaucoup moins connu se cache derrière les froides statistiques. La pauvreté n’est pas seulement le karma des handicapés, elle est en plus elle-même à l’origine de nombreux handicaps physiques et mentaux. Le nouvel ordre économique mondial ne fait rien pour arranger les choses.

Lors d’une entrevue accordée en 2006 à C. S. Soong, producteur et animateur de l’excellente émission Against the Grain, Nirmala Erevelles de l’université de l’Alabama expliqua à quel point la notion de handicapé est une construction socioculturelle autant sinon davantage qu’un fait biologique (on peut écouter l’entrevue, diffusée le 12 décembre 2006 et en reprise le 9 janvier dernier, à compter de la 36e minute du fichier audio téléchargeable sur cette page).

Nous sommes tous confrontés à divers handicaps que nous devons surmonter à un moment où l’autre de notre vie. Dans le cas des personnes handicapées, cette construction socioculturelle met la barre haute : elles doivent en plus surmonter le handicap d’être en dehors de ce que nous considérons comme la normalité.

Les personnes handicapées doivent faire face non seulement à des obstacles visibles différents selon leur handicap, mais en plus à des obstacles invisibles, beaucoup plus difficiles à surmonter que les visibles.

Ces obstacles, visibles et invisibles, se doublent d’une relation dialectique entre handicap et pauvreté mise en lumière par Erevelles : autant un bon nombre de handicapés naissent avec leur handicap, autant une large proportion deviennent handicapés parce qu’ils sont pauvres, particulièrement dans les pays du Sud.

C’est un fait reconnu que les personnes handicapées sont, en très grande majorité, au bas de l’échelle parce qu’elles ne parviennent pas à occuper un emploi qui leur permettrait de sortir de la pauvreté. Il faut dire que les systèmes éducatifs des divers pays (y compris dans les pays riches) les marginalisent dès le départ de la course à obstacles qu’est la vie en société, et qu’en plus elles ne sont pas « productives » selon les normes néolibérales du système économique.

Le fait que la pauvreté soit non seulement l’effet, mais également la cause de nombreux handicaps (Disability and Poverty : Uncovering the Empirical Dynamics) est cependant beaucoup moins connu.

Non seulement le système économique et social, basé sur la productivité optimale et la compétition entre les individus, rejette les personnes handicapées, mais en plus il contribue à mettre en place des conditions engendrant des personnes handicapées.

La malnutrition, les conditions de travail et de vie quotidienne insalubres, le manque d’accès à des soins adéquats, les guerres, même celles menées par des pays dit civilisés avec leurs dommages collatéraux, la violence, les brutalités policières, etc., sont le lot de millions de personnes. Plusieurs, manque de chance, en deviennent handicapées pour le reste de leur vie pourtant déjà misérable.

La cerise pourrie sur ce gâteau tout aussi pourri est l’attitude des institutions financières internationales : les ajustements structuraux ont détruit le peu de programmes et de services publics pouvant contribuer à atténuer les effets pervers de cette dialectique.

Le pire est que les organisations venant en aide aux personnes handicapées et les personnes handicapées elles-mêmes sont très peu représentées lors des consultations qui servent à établir les fameux plans de réduction de la pauvreté, considérés présentement par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international comme le nec plus ultra en matière de développement.

Mais cela pourrait changer.


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