La politique made in Taiwan

par romain blachier
mardi 9 novembre 2010

C’est un pays qui n’existe pas. En tout cas pas aux yeux de la France, de l’Union Européenne et de la plupart des pays du monde. Très peu de nations reconnaissent en effet cette petite démocratie du bout de l’Asie. La plus significative est le Paraguay, les autres sont de petits états d’amérique centrale ou d’archipels. Il faut dire que l’identité de Taiwan, partie de la Chine ou République indépendante n’est pas simple.

Il y a discussion. L’Ile est-elle chinoise ou taiwanaise ? Le sujet est vaste. Le nom officiel de Taiwan est République de Chine, à ne pas confondre bien sûr avec la République Populaire de Chine. La ligue de baseball de l’Ile se nomme Chinese Profesional League et la compagnie aérienne nationale est dénommée China Airlines. Pendant longtemps Taiwan et la Chine, ce fut le même Etat, entrecoupé périodes d’indépendance, par exemple lors des luttes entre la dynastie Mandchoue et les Qing ou encore au début du XXe jusqu’en 1945 où l’ile était sous domination Japonaise. La population est, minorité arborigéne mis à part, composée presque uniquement de Chinois venus à différentes périodes de l’histoire des 500 dernières années. L’identité de l’Ile, avec une histoire et une population à la fois semblable et distincte était déjà ambigue lors de la guerre civile Chinoise dans les années 40.

Lorsque les communistes prirent le pouvoir sur les nationalistes du Guomindang, seule Taiwan hors de portée de Mao. Deux millions de partisans du régime dont le leader Tchang Kai Chek s’y réfugiérent et affirmérent continuer la République de Chine, en attendant peut-être de reprendre le pouvoir sur le continent. De son côté la Chine Populaire affirme qu’au vu de l’histoire et de sa population Taiwan est une région chinoise et doit réintégrer le giron de Pékin. Nous avons donc deux Etats qui réclament le contrôle de Taiwan et de l’ensemble du pays, même si au vu du rapport de forces, il est douteux que qui que ce soit prenne les revendications nationalistes (qui ont d’ailleurs officieusement cessé) sur le continent au sérieux.

Dirigée par un parti unique pendant une quarantaine. d’années, Taiwan est aujourd’hui une démocratie. Depuis 1987, d’autres partis que les nationalistes sont autorisés. Ainsi le DPP (Parti Démocrate Progressiste ou Minjindang en chinois) arborant le vert est l’autre organisation dominant la scéne politique locale, malgré des moyens plus limités que les bleus du Guomindang. Comportant davantage de Taiwanais implantés depuis longtemps sur l’ile, le Minjindang considére que Taiwan est une nation différente de la Chine et doit à terme constituer un Etat distinct et indépendant. S’affronte donc un nationalisme Chinois porté par le Guomindang et un nationalisme Taiwanais porté par le DPP. Par ailleurs si le Minjindang est membre de l’Internationale Libérale (difficile dans une république basé sur un conflit avec le communisme de faire partie d’une structure peu ou prou de gauche au moment de la démocratisation, le Guomintang faisant par ailleurs lui partie de l’Union Internationale Démocratique) son orientation en matiére de salaires, de culture et de logements la situe au centre-gauche.

Les différences entre les partis ne sont toutefois en réalité si sensibles concrétement. Lors de sa période de pouvoir, le parti indépendantiste n’a, notamment du fait de la pression de la République Populaire de Chine et du Guomintang, pas réellement fait d’avancées réelles en matiére d’indépendance. Il a d’ailleurs subi une scission de la part de son aile la plus radicale.

De son côté, si le Guomintang reste le parti d’une seule Chine (sa petite aile indépendantiste ayant par ailleurs scisionné) et s’est rapproché d’un Parti Communiste Chinois qui prône la même doctrine en la matiére, il est sans le dire sur le chemin d’une taiwanisation de sa politique, la vieille garde revant d’une reconquête de la Chine continentale ayant disparu. 

La scéne politique et la population se situent globalement dans un entre-deux. Le statut d’autonomie au sein de la République de Chine ne séduit qu’une frange minoritaire de la très faible extrême-gauche taiwanaise et le concept de Chinataiwan est plus culturel qu’autre chose. Les expériences que vivent Hong-Kong et Macao ne sont pas jugées rassurantes par la plupart des habitants de l’Ile. De même, si les tawainais se sentent en grande majorité de grandes différences avec le continent, ils ne sont pas prêts à rompre tout lien avec la Chine, que ce soit pour des raisons historiques mais aussi à cause d’un rapport de forces difficile si jamais Pékin venait à s’énerver sérieusement. Et puis les échanges économiques entre les deux iles sont florissants, même si là aussi se pose la question des délocalisations. Les standards de vie de Taiwanais sont effet assez proches des occidentaux, contrairement pour l’instant à la Chine continentale et la main d’oeuvre bon marché chinoise est perçue autant comme une chance que comme une menace.


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