La « prise » de Gaza ... !

par Khalifa Chater
lundi 18 juin 2007

L’auteur se penche sur la question de la « prise » de Gaza par le Hamas, fait valoir cette inversion de la stratégie, qu’il inscrit dans la lutte générale entre nationalistes sinon modernistes et les pôles du radicalisme intégriste, selon la ligne de démarcation funeste qui divise désormais l’aire arabo-musulmane.

Désormais, c’est le Palestinien qui connaît le prix du sang et des larmes, du fait de ses partenaires du combat. L’évocation de l’histoire de la décolonisation permet de rappeler les enjeux de la lutte de libération nationale, ses exigences et ses mécanismes, en relation avec ses objectifs prioritaires, son éthique fondatrice et, évidemment, l’identification de l’ennemi à combattre. Fait gravissime, inusité, contre-nature, le mouvement Hamas rompt désormais avec la tradition et transgresse la règle...

Alors que la résistance doit être dirigée contre l’occupant et ses collaborateurs, le Hamas privilégie la lutte interne contre ses compatriotes, se souciant davantage de s’imposer sur le terrain, pour exercer un monopole dans la direction des affaires. La récupération de la souveraineté est ainsi différée, comme s’il s’agissait d’un objectif secondaire, par rapport à la définition du régime qu’il se propose d’établir. Ce qui met en échec la stratégie palestinienne globale, conjuguant la lutte sur le terrain, le combat politique et les épreuves de la négociation... Epargnant l’establishment colonial, le mouvement Hamas cherche parmi ses frères des ennemis de substitution, pour utiliser les armes collectées pour la défense de la cause nationale. Cela permet de dévier la résistance, d’occuper du terrain et de s’agiter au lieu d’agir... Reconnaissons cependant que le Fatah, sur la défensive, fut entraîné dans cette stratégie de guerre civile, définie, mise en application et désormais instituée par le Hamas....

L’escalade qu’a connue la question palestinienne, par l’assaut, le 14 juin 2007, des milices de Hamas contre le mouvement Fatah et les structures d’une présidence légitime, établissant un séparatisme de fait, fondé sur une discorde, pis encore une fitna, guerre entre musulmans, alors que leur éthique met au banc de la communauté ceux qui la commettent. Maître de Gaza, un Etat-piège, une enclave de colère, de ressentiment, de misère, un gisement de violence, Hamas inscrit désormais son action dans la lutte générale entre nationalistes sinon modernistes et les pôles du radicalisme intégriste, selon la ligne de démarcation funeste qui divise désormais l’aire arabo-musulmane.

Nous rejoignons le diagnostic de Leila Chahid, la représentante de l’Autorité palestinienne auprès de l’Union européenne, qui voit, dans la situation présente, une "irakisation de la Palestine" (AP, 14 juin 2007). Peut-être faudrait-il, aussi parler d’une irakisation du Liban, anticipant l’extension progressive vraisemblable du phénomène aux régions de proximité. Vu la gravité de la situation, l’occultation des enjeux réels, le réveil des nostalgies, l’adhésion au passéisme rétrograde, il faut prendre la juste mesure de cette dérive, susceptible non seulement d’enterrer le rêve palestinien, d’engager un processus qui condamnerait fatalement l’Irak, engagerait des épreuves inévitables au Moyen-Orient et, fait plus grave, susciterait une marginalisation de la communauté musulmane et « sa sortie » du « temps du monde ». Ainsi perçu, le problème concerne les différents acteurs arabes.


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