La propagande américaine en Ukraine avant 2014 et ses conséquences

par Pierre
lundi 20 avril 2020

Avant le Maïdan de 2013-2014, la Russie était considérée comme un pays ami par plus de 80 % des Ukrainiens. Cela n'avait rien d'étonnant, les économies des deux pays étaient imbriquées, les mariages mixtes étaient innombrables et les Ukrainiens et les Russes partageaient la même culture, la même langue et la même histoire depuis deux siècles.

 

Attitude des Ukrainiens envers la Russie

Opinion

 

 

01/09/09

 

01/09/11

01/01/12

01/04/13

Positive

 

 

93 %

 

80 %

86 %

70 %

Négative

 

 

-

 

13 %

9 %

12 %

Sources : le Centre analytique Levada et l'Institut international de sociologie de Kiev.

Une large majorité d'Ukrainiens aspiraient cependant à vivre comme les Européens de l'Ouest. Dans leur imaginaire, tous les Européens gagnaient facilement de l'argent et avaient une vie aisée. Le travail était abondant et bien rémunéré. La justice sociale était la règle et le progrès rendait l'avenir radieux.

Ce qui pourrissait la vie en Ukraine et cela n'a pas changé, c'est la corruption à l'échelle de la vie de tout les jours. C'est un phénomène que nous ne connaissons presque plus chez nous : le policier qui perçoit une amende et qui ne vous délivre pas de reçu, l'enveloppe qu'on glisse à l'employé pour qu'on s'occupe de vous en priorité, les tribunaux corrompus qui acquittent les oligarques et leurs familles malgré les preuves évidentes ou les fonctionnaires à qui on ne demande pas d'où vient leur fortune.

C'était évidement un terreau fertile pour faire de chaque citoyen un révolté en puissance.

 

Les États-Unis avaient un pied en Ukraine depuis l'indépendance en 1991. Ils étaient intervenus dans le démantèlement de l'arsenal nucléaire que les Ukrainiens avaient hérité de l'Union Soviétique [i], ils avaient arbitré le partage de la Flotte de la Mer noire et participé au démantèlement des armes stratégiques soviétiques excédentaires.

Dans les années 90, la Russie avait perdu toute sa puissance et était en voie de dissolution. Elle avait ses problèmes intérieurs à résoudre en priorité et n'avait pas la capacité de défendre ses intérêts dans son proche environnement.

L'Ukraine était le fleuron de l'industrie de l'Union soviétique. Elle produisait de tout. Elle avait une agriculture très développée, elle fabriquait des produits de haute technologie dans les domaines aérospatial et dans la construction d'avions y compris les moteurs. Elle construisait des voitures, des machines agricoles et des bateaux. Son acier et sa fonte étaient considérés comme les meilleurs du monde. Son charbon de première qualité provenant des mines du Donbass alimentait les chaufferies des villes. Les centrales nucléaires et les barrages sur le Dniepr couvraient largement ses besoins en électricité. L'Ukraine avait un très bon système éducatif qui formait des ingénieurs et des techniciens de haut niveau. Les centres de soins de santé étaient très satisfaisants et gratuits. C'était les meilleurs d'Union soviétique.

Un avenir radieux s'ouvrait à elle vu que ses productions industrielles étaient indispensables à la Russie qui n'avait qu'un atout : ses hydrocarbures.

 

Des présidents peu au fait en géopolitique se succédèrent aux États-Unis après Georges H. Bush (1989-1993) et la politique étrangère était sous l'influence d'idéologues néoconservateurs qui voyaient les États-Unis dominer le monde pour des siècles.

Un premier coup de semonce fut l'arrivée d'Evgueni Primakov au ministère des Affaires étrangères et ensuite à la présidence du gouvernement russe (Premier ministre) à la fin de l'ère Eltsine.

Il soutint qu'une alliance entre la Russie, la Chine et l'Inde ferait barrage à l'hégémonie étasunienne. Une union entre la Russie, l'Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan était même envisagée.

Les néoconservateurs étasuniens étaient convaincus que la Russie ne redeviendrait plus jamais une puissance influente mais cette union pouvait mettre leur certitude en doute.

Ils commencèrent un travail de sape en Ukraine où ils avaient gardé une importante influence pour enfoncer un coin entre l'Ukraine et la Russie avec de la diffusion de propagande anti-russe.

La plus connue est l'invention de l'Holodomor [ii] par des descendants d'anciens nationalistes ukrainiens qui furent alliés aux nazis et qui furent responsables d'innombrables massacres en ex-Union soviétique. Des dizaines de milliers d'entre eux avaient trouvé refuge en Amérique du Nord après la Seconde Guerre mondiale.

Les stratèges néoconservateurs pensaient que s'ils enlevaient une des quatre roues de la charrette, elle n'irait pas plus loin.

La Russie sortait aussi ses atouts avec de substantielles réductions sur les hydrocarbures, l'ouverture des frontières aux produits ukrainiens et surtout avec les commandes industrielles qui faisaient tourner les usines ukrainiennes à plein régime grâce entre autres au faible coût de l'énergie.

Cela ne profitait malheureusement qu'aux oligarques qui voyaient leurs fortunes grossir d'année en année alors que le peuple était au seuil de la pauvreté. La classe moyenne kiévienne pouvait aussi profiter d'un certain ruissellement mais cela ne l'empêchait pas de se tourner lentement vers l'Occident.

Influencée par une propagande agressive et bien ciblée, l'élite ukrainienne voyait son avenir dans l'Union européenne dont le potentiel de croissance était supérieur et qui offrait des produits de consommation de luxe inexistants en Russie.

La propagande étasunienne faisait pression à tous les niveaux grâce aux médias aux mains des oligarques, aux programmes d'aide à la réforme de la justice, au soutien financier aux ONG et à l'opposition pro-occidentale ou à la présence d'agents d'influence souvent binationaux dans la politique et les administrations.

 

Pour illustrer cette propagande, je vous propose quelques exemples de messages qui circulaient dans les universités ukrainiennes. Cela peut nous sembler très naïf mais cela avait un important impact sur des étudiants qui sortaient de 70 ans de propagande soviétique et qui croyaient trouver le Graal dans la démocratie occidentale.

Ces représentations graphiques ont été crées par l'USAID, l'Agence des États-Unis pour le développement international. Elles ont circulé dans les universités en 2013 et pendant les années précédentes aussi.

Cette série d'images est un exemple parmi des dizaines d'autres qui fleurissaient sur tous les supports en Ukraine.

J'ai remplacé les commentaires d'origine par des réflexions liées à l'actualité.

 

Il est exact que les oligarques ukrainiens se sont enrichis sur le dos de la population mais de là à faire croire que ce n'est pas le cas en Occident...

 

C'est très étonnant pour un Occidental d'apprendre qu'il peut laisser ses portes ouvertes et qu'il ne sera pas cambriolé ! Peut-être en Suisse... et encore...

 

La police qui joue les nounous... les gilets jaunes apprécieront beaucoup !

 

En Ukraine, les milliardaires ont des passe-droits, c'est exact mais chez nous, le diesel est devenu trop cher pour se rendre au travail en voiture.

 

Les Ukrainiens sont majoritairement suprémacistes blancs, c'est aussi exact. Chez nous, toutes les communautés vivent en harmonie et partagent les même valeurs... Belle utopie !

 

L'espérance de vie pour les hommes est très limitée en Ukraine et la vodka y est pour quelque chose. Je déconseille aux couples âgés de s'exposer ainsi au soleil.

 

Les pauvres veuves ukrainiennes doivent cultiver leurs légumes pour se nourrir. Elles boivent le thé servi à la terrasse dans nos EHPAD...

 

J'admire le chirurgien ukrainien et sa scie de boucher. J'admire nos hôpitaux au matériel performant.. mais en quantité insuffisante en France à la première petite épidémie.

 

Cette image n'est pas fausse mais quel rapport entre la mauvaise gestion des déchets en Ukraine et la potabilité de l'eau chez nous ?

 

La deuxième image est à corriger. A présent, les Ukrainiennes et les Ukrainiens portent les mêmes lourds sacs pour aller travailler en Pologne.

 

Trop beau pour être vrai.

 

J'en connais beaucoup qui n'ont malgré tout pas pu rembourser leur emprunt... aux États-Unis en 2008...

 

Je pense à J. Biden qui a fait virer un procureur qui voulait enquêter sur une société qui employait son fils.

 

C'est connu, les agriculteurs bretons roulent sur l'or et vivent dans des châteaux.

 

Et le pouvoir d'achat de la travailleuse française dont le compte est à découvert le 5 du mois ? De plus, le consommateur français vit habituellement dans un château. D'un autre côté, il est interdit de faire de la promotion pour la consommation de tabac.

 

A part à la City où les oligarques ukrainiens (et russes) blanchissent leur argent, je ne vois aucun autre endroit où on se salue ainsi.

 

Une voiture neuve à 5000 € ? J'achète cash !

 

C'est clair. En Ukraine, l'argent va dans la poche des policiers. Chez nous, la police est là pour faire circuler l'argent des privilégiés.

 

C'est un exemple du matraquage idéologique que les Ukrainiens ont subi pendant les années 2000. Victoria Nuland n'a-t-elle pas dit que les États-Unis ont investi cinq milliards de dollars en Ukraine ? [iii] Une bonne partie a dû être utilisée pour la propagande.

 

Le résultat, on le connaît : le Maïdan... pardon, le coup d’État de mars 2014 car il faut bien appeler les choses par leur nom même si cela perturbe le storytelling avancé par nos médias mainstream.

 

Dans un premier temps, le peuple ukrainien resta apathique. Il était majoritairement prêt à avaliser le renversement du président Ianoukovitch si cela ouvrait la perspective de rejoindre rapidement l'Union européenne.

 

Malheureusement, la suite fut une succession de désillusions.

 

 

Tout absorbés que nous sommes avec les conséquences de la pandémie du Covid-19, nous ne voyons pas que la situation se dégrade très rapidement en Ukraine.

Les caisses de l’État sont à sec. Le président Zelensky perd son pouvoir et ce sont les instances financières internationales qui dictent la politique économique du pays.

C'est le ministre de l'Intérieur, le très ambitieux Arsen Avakov qui est l'homme fort du régime. Certains pensent même que les jours du président Zelensky à la tête de l'Ukraine sont comptés

 

Les anciennes milices paramilitaires constituées à présent en forces du ministère de l'Intérieur échappent complètement à l'autorité présidentielle et elles sont le fer de lance de la guerre contre les Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk.

Devant l'impasse militaire, ces forces équipées et entraînées par les Nord-Américains pourraient se lancer dans une attaque provocatrice contre le territoire russe avec l'espoir qu'une riposte musclée entraînerait l'intervention de l'OTAN en Ukraine. Rien n'est moins sûr, l'Occident a d'autres problèmes à résoudre pour le moment et la Russie n'est plus un ours en carton.

 

Les prochains mois risquent d'être dramatiques en Ukraine.

Je ne vois pas la Rada voter la vente des terres noires aux conditions du FMI.

Le confinement actuel paralyse l'économie et l'Ukraine n'a pas les moyens d'aider ses entreprises au bord de la faillite.

Avec le retour de dizaines de milliers de travailleurs de Pologne et le confinement des autres Ukrainiens expatriés, cela fera des milliards d'euros qui n'entreront plus en Ukraine.

Les royalties du transit gazier vont aussi diminuer dans les prochains mois.

Il y a de plus en plus de Russes qui veulent expulser les travailleurs ukrainiens du pays ou au moins ceux qui tiennent des discours nationalistes, ce qui est la majorité des cas.

Comment l'Ukraine va-t-elle rembourser les neuf milliards de dettes qui arrivent à échéance en 2020 ? S'il était cohérent, le président Macron aurait pu évoquer l'effacement de la dette ukrainienne avec celle de l'Afrique vu la responsabilité de l'Occident dans le drame ukrainien.

 

L'Ukraine a disparu des radars médiatiques. Elle entre cependant dans une crise profonde et elle n'est pas préparée à supporter les conséquences de l'épidémie actuelle sans aide extérieure.

Le confinement paralyse l'économie et dans le chaos actuel, il est impossible de savoir où en est la crise sanitaire dans le pays.

Comme un malheur ne vient jamais seul, deux gigantesques incendies ravagent le pays depuis dix jours. Un dans les environs de l'ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl et un autre au nord de Jitomir. Les fumées tombent sur Kiev qui est devenue de loin la ville la plus polluée du monde. [iv] Il parait que les fumées ne sont pas radioactives mais peut-on croire les autorités ukrainiennes ?

 

La pollution atmosphérique à Kiev. 17 avril 2020.

 

Les conséquences de cette politique américaine ont fait de l'Ukraine une bombe à retardement dont la mèche est devenue très courte.

Dire ce qui va arriver maintenant est jouer au devin et je ne m'y risquerai pas.

Les meilleures cartes sont dans les mains de Vladimir Poutine et il pourrait aider l'Ukraine à s'en sortir mais la propagande anti-russe a fait son effet et la tendance s'est inversée. Aujourd'hui, 50 à 60 % des Ukrainiens pensent que la Russie est la cause de leurs malheurs.

Dans ces conditions, il ne fera rien pour aider l'Ukraine et même en cas de provocation militaire, je ne crois pas qu'il serait assez fou pour envoyer des soldats occuper une partie du pays comme l'ancienne Novorussie qui avait été rattachée à l'Ukraine par Lénine par exemple. [v]

De plus, il attend le respect des accords de Minsk par Kiev, le respect à la lettre.

 

Peut-on faire revenir les Ukrainiens à plus de réalisme ? De la réponse à cette question dépendra le sort du pays.

Une autre question se pose aussi. Où sont maintenant les boutefeux occidentaux ? La situation actuelle était prévisible. Le sort du peuple ukrainien ne les a jamais intéressés, la seule chose qui comptait, c'était de provoquer une distanciation entre l'Ukraine et la Russie et cela, ils l'ont bien réussi.

 

i L'Ukraine possédait 1900 armes nucléaires stratégiques et était de fait la troisième puissance nucléaire mondiale.

 

ii La famine du début des années 1930 a été meurtrière, cela ne fait aucun doute. Pour la qualifier de génocidaire, elle aurait dû uniquement concerner l'Ukraine mais il se fait qu'elle a aussi concerné le Sud de la Russie (le Kouban) et le Kazakhstan donc on ne peut pas affirmer que cette famine était provoquée pour éliminer un peuple comme par exemple les génocides juif ou Tutsis plus récemment.

 

iiihttps://www.redacteur-independant.ch/2014/02/08/victoria-nuland-nous-avons-investi-5-milliards-pour-assister-lukraine/

 

iv https://www.lesechos.fr/monde/europe/lincendie-de-tchernobyl-provoque-un-record-de-pollution-a-kiev-1195905

 

v Je pense que seul l'adhésion à l'OTAN et l'installation de bases militaires provoqueraient un conflit direct entre la Russie et l'Ukraine.


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