La résistance iranienne s’organise

par Massoumeh RAOUF
vendredi 20 décembre 2019

Depuis le week-end du 15 novembre, de nouvelles secousses déstabilisent la république islamique d’Iran. Le peuple ne quitte plus la rue, brûle les symboles de l’oligarchie des mollahs et semble déterminé à mener le combat jusqu’à la chute de la théocratie. D’autant que le combat ne concerne pas seulement la capitale mais toutes les provinces du pays. Partout, le message est le même et il est clair : dehors les mollahs !

Depuis l’instauration de la république islamique au lendemain de la chute du Shah en 1979, la résistance n’a cessé de parfaire son organisation. Dès 1981, toutes les minorités et tous les opposants au nouveau régime se réunissaient sous la bannière du Conseil National de la Résistance Iranienne (CNRI). Depuis le camp d’Achraf en Irak, cette résistance a poursuivi son travail de sape des années durant. Après l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis, les Etats-Unis offre ce pays sur un plateau d’argent au régime des mollahs, et en se retirant d’Irak, laissent le camp d’Achraf - qu’ils ont désarmé- libre aux milices chiites sous les ordres du pouvoir iranien, entrainant des massacres dans les rangs des opposants.

Au pays, les résistants iraniens sont engagés sur le terrain, fournissent des informations capitales et parviennent à faire déjouer certains plans des pasdarans. A l’extérieur, le CNRI alerte l’opinion publique et noue des relations diplomatiques et stratégiques.

En bref, il aura fallu des années de construction, d’organisation et d’informations pour enfin parvenir à ce que le monde regarde la réalité du pouvoir iranien en face ; une dictature sanguinaire régnant par la terreur mais affaibli et isolé au sein de son peuple. Les droits les plus fondamentaux ne sont pas respectés. Les opposants politiques de tous bords sont embastillés, torturés et même exécutés. Pendant des années, le régime, a toujours répondu à son peuple avec les mêmes outils : la répression violente et la propagande. Une propagande qui a commencé à se fissurer en août 2016, lors des révélations liées au massacre de l’été 1988, commandée par le guide suprême lui-même, quand plus de 30 000 opposants politiques emprisonnés ont été purement et simplement exécutés pour leur opinion politique dont mon frère.

A compter de ce moment et des aveux fiers et cyniques de certains membres du gouvernement et même d’un candidat sérieux aux élections présidentielles de 2017, les consciences se sont éveillées partout. A l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Alors ce que disaient les Moudjahidines du peuple depuis des années était donc vrai ! Il ne reste donc plus qu’une seule option ; chasser les mollahs du pouvoir et écrire ensemble une nouvelle constitution. Un travail d’ores et déjà bien avancé au sein du CNRI, instance exilée comportant 500 élus provenant de toutes les minorités ethniques et religieuses du pays. Politiquement, la résistance est prête.

Au pays, la résistance s’est encore mieux organisée. On compte aujourd’hui des unités de résistance dans toutes les villes. Formées par les Moudjahidines du peuple, rompus à l’exercice depuis la naissance du mouvement dans les années 60, ces unités de résistance s’attaquent directement aux symboles du pouvoir des mollahs. Les grandes affiches à l’effigie du guide suprême brûlent partout. Ce pendant que les manifestants affichent clandestinement sur les murs et les lieux publics des photos de Maryam Radjavi, présidente élues du CNRI ou d’autres héros ou martyres locaux ou nationaux de la résistance.

Malheureusement, le régime iranien se retranche dans sa torpeur. La propagande n’a plus d’effet à l’intérieur des frontières iraniennes. Elle ne séduit plus non plus en Irak, au Liban ou en Syrie. Il ne reste que les armes pour tenter de stopper l’inéluctable. Et l’état l’emploie contre son peuple, comme il l’avait déjà fait un jour de juin 1981. Mais malgré la violence déployée, malgré les tirs à balles réelles, malgré les 1000 morts et plus de 4 000 blessés depuis le début des dernières secousses, malgré les plus de 12 000 arrestations arbitraires, malgré les rafles, malgré la haine ordinaire distillée par les pasdarans, malgré tout cela, le peuple tient. Parfaitement soutenu par la résistance, totalement déterminé, animé par un objectif clair, il tient. De toute façon, il n’a plus rien à perdre. Il ne peut plus reculer. La seule issue à ce conflit de près de 40 années entre un pouvoir et son peuple tient en un seul mot : démission. Mais pour envisager cette option, il faudrait aux mollahs une qualité qui leur fait cruellement défaut : la sagesse.


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